Votre enfant est un jeune prodige du hockey? Sa date de naissance aura sans doute un impact sur ses chances de jouer un jour au Championnat mondial junior ou d'être repêché dans la Ligue nationale de hockey (LNH). Un bébé de Noël devra ramer davantage, alors qu'un enfant né juste après le Nouvel An aura une longueur d'avance pour percer dans le hockey.

Prenez la mouture actuelle d'Équipe Canada junior (ECJ). Vous croyez que les 22 joueurs ont eu des chances égales? Qu'ils ont été placés devant des conditions similaires dès l'âge de 6 ans pour monter dans le système du hockey mineur jusqu'au sommet de la pyramide que représente le Mondial junior?

Eh bien, vous vous trompez si on en croit le phénomène «d'effet d'âge relatif». Qu'est-ce que l'effet d'âge relatif? Il s'agit de l'avantage qu'ont les hockeyeurs nés tôt dans leur cuvée par rapport à ceux nés plus tard.

Parmi les 22 joueurs d'ECJ qui disputent en ce moment le Mondial junior, 9 sont nés dans les 3 premiers mois de l'année (dont Connor McDavid), mais seulement 2 dans les trois derniers (Sam Reinhart et Nick Ritchie).

Il ne s'agit pas que d'une anomalie statistique. Lors des trois derniers Mondiaux junior, 44% des joueurs sélectionnés pour l'équipe canadienne étaient nés en janvier, février ou mars, alors que seulement 8% avaient vu le jour en octobre, novembre ou décembre.

Le phénomène n'est pas uniquement canadien ou nord-américain. Cette année, parmi les 221 joueurs inscrits parmi les 10 formations en date du 25 décembre, 82 (37%) sont nés dans les 3 premiers mois de l'année contre seulement 36 (16%) dans les 3 derniers.

«Un joueur né en janvier sera plus mature physiquement que celui né plus tard dans sa cuvée. Il aura plus d'occasions, de temps de glace et souvent, c'est vrai, il aura une étiquette de meilleur joueur qui le suivra longtemps», explique Paul Carson, responsable du développement à Hockey Canada.

Le système canadien de hockey mineur sépare les catégories d'âge à partir du 1er janvier. Ces catégories s'étendent sur deux ans. L'avantage peut donc être énorme. «Entre un joueur de deuxième année né en janvier et un jeune de première année qui est né en novembre ou décembre, il y a presque deux ans de différence, ajoute Carson. C'est certain que ça se reflète sur la glace.»

Moins repêchés

L'effet d'âge relatif n'est pas nouveau. Il a été constaté pour la première fois dans le hockey en 1985 quand des chercheurs canadiens ont remarqué que deux fois plus de joueurs de la LNH étaient nés dans le premier trimestre (32%) que dans le dernier (16,2%). Le phénomène a depuis été confirmé dans plusieurs autres sports et même sur les bancs d'école.

Paul Carson admet que le phénomène n'est pas souhaitable. Il est conscient que certains joueurs nés plus tard dans l'année ont peut-être plus de potentiel que d'autres nés plus tôt, mais sont mis de côté, car ils sont plus petits ou moins développés.

«Il faut être attentif à ces joueurs nés tard; il faut s'assurer d'avoir des occasions égales pour tous les joueurs», dit Carson.

Hockey Canada avait dénoncé ce phénomène en 1999 lors d'un sommet sur le développement du hockey. «On ne veut pas perdre un joueur au niveau pee-wee, par exemple, parce qu'il est né tard dans l'année et que son talent n'est pas reconnu», note le responsable du développement à la fédération.

Quinze ans plus tard, force est d'admettre que le phénomène ne s'estompe pas. Environ 65% des joueurs repêchés chaque année dans la LNH son nés dans la première moitié de l'année.

Retarder les mises en échec

Quelques pistes de solution existent pour atténuer l'effet d'âge relatif. Les catégories pourraient par exemple être ramenées sur un an plutôt que sur deux, afin de réduire les écarts d'âge. Cette solution prévaut par exemple dans la Greater Toronto Hockey League (GTHL). Mais Hockey Canada note que ce système ne fonctionnerait pas dans plusieurs communautés rurales, où le nombre de hockeyeurs est restreint.

Paul Carson note néanmoins qu'une mesure adoptée il y a deux ans par Hockey Canada pourrait porter ses fruits, soit la décision d'interdire les mises en échec au niveau pee-wee. «En repoussant l'introduction des mises en échec au niveau bantam, on retient peut-être plus longtemps ces joueurs qui se développent moins vite que les autres. Cette mesure pourrait donc bénéficier aux joueurs nés plus tard dans l'année.»

Mais les jeunes hockeyeurs nés dans la seconde moitié de l'année ne doivent pas désespérer. Le talent brut finit souvent par percer. Sur le long terme, l'avantage des joueurs nés tôt faiblit.

Ainsi, dans la LNH, l'effet d'âge relatif est moins présent chez les joueurs actifs. Même s'ils sont repêchés en moins grand nombre, les joueurs nés sur le tard trouvent parfois le moyen de se rendre autrement dans la Ligue. L'effet d'âge relatif ne se constate pas non plus auprès des membres du Temple de la renommée du hockey.

Les jeunes nés tard dans l'année ne sont donc pas condamnés par l'effet d'âge relatif, mais souvent, ils seront moins reconnus que les autres et devront persévérer davantage.

Paul Carson note aussi que les cinq meilleurs joueurs canadiens des dernières années sont loin d'être tous nés tôt dans l'année. Oui, Aaron Ekblad (né en février) et Connor McDavid (janvier) sont des bébés de la nouvelle année. Mais il rappelle que Sidney Crosby (août), John Tavares (septembre) et Nathan MacKinnon (septembre) sont nés plus tard dans l'année

Le fait qu'aucun d'entre eux ne soit québécois est une autre histoire...

Le poids d'un mois

Les membres d'Équipe Canada junior 2015 selon leur mois de naissance.

> Janvier à mars: 9 (41%) Connor McDavid, Max Domi, Curtis Lazar, Robby Fabbri, Darnell Nurse, Josh Morrissey, Brayden Point, Nic Petan, Nick Paul

> Avril - juin: 6 (27%) Zachary Fucale, Joe Hicketts, Dillon Heatherington, Madison Bowey, Frédérik Gauthier, Lawson Crouse

> Juillet - septembre: 5 (23%) Eric Comrie, Samuel Morin, Shea Theodore, Anthony Duclair, Jake Virtanen

> Octobre - décembre: 2 (9%) Sam Reinhart et Nick Ritchie

Une tendance qui se maintient depuis trois ans

> Janvier - mars: 29 (44%)

> Avril - juin: 18 (27%)

> Juillet - septembre: 14 (21%)

> Octobre - décembre: 5 (8%)

*Le mois de naissance des 66 joueurs des trois dernières sélections canadiennes junior (2015, 2014, 2013).

À noter qu'il ne s'agit pas tous de joueurs différents: si un joueur revient dans deux sélections, il est compté deux fois, par exemple Sam Reinhart, qui est dans l'équipe cette année et y était l'année dernière.