Philippe Boucher regarde sans doute d'un oeil très intéressé la visite de Patrick Roy à Montréal cette semaine.

Sans jamais avoir travaillé ensemble, ni joué au sein de la même équipe, ils ont vu leurs destins associés par ricochet l'été dernier.

Avec le départ de Roy pour Denver, l'ancien défenseur des Kings de Los Angeles et des Stars de Dallas a eu la très délicate tâche de succéder à ce monument qu'était Roy avec les Remparts de Québec.

Le défi s'annonçait grandiose. Non seulement Philippe Boucher devait-il marcher dans les pas d'un entraîneur immensément populaire, mais encore on lui demandait de faire gagner cette équipe cet hiver tout en la maintenant compétitive en 2015, année de la Coupe Memorial à Québec.

Malgré une saison sous le signe de la reconstruction, l'ancien directeur général de l'Océanic de Rimouski, qui a ajouté à ce titre celui d'entraîneur pour les Remparts, a permis à son club d'obtenir un point de plus que la saison précédente en vertu d'un dossier de 39-15-5-7. Les Remparts ont terminé septièmes au classement général et affronteront ces jours-ci en première ronde les Huskies de Rouyn-Noranda.

«Je peux le dire aujourd'hui avec le recul, il y avait un certain trac, confiait récemment Philippe Boucher à La Presse dans son bureau du Colisée.

«Patrick Roy, tu ne peux pas le remplacer. C'est un homme de hockey extraordinaire. Comme gardien, seul Martin Brodeur peut s'en approcher. Patrick est probablement le plus grand gardien de tous les temps. Déjà, il fait ses preuves à sa première année à Denver. Il en a fait beaucoup pour la ville de Québec et les Remparts. De toute façon, tu ne veux jamais imiter ton prédécesseur. Tu te présentes ici avec ta manière de fonctionner, tes valeurs, et tu fonces. J'ai le même titre, mais je n'ai jamais eu l'impression de devoir embarquer dans ses souliers et je n'ai jamais ressenti ça non plus de la part des propriétaires.»

Carrières différentes

Boucher et Roy ont tous deux joué pour les Bisons de Granby, mais à des époques différentes. Et ils ont connu des carrières dissemblables.

Choix de première ronde des Sabres de Buffalo en 1991, Boucher a vivoté entre la Ligue américaine et la LNH pendant de longues années, jalonnées par les blessures, avant de finalement s'établir dans la Ligue nationale à 28 ans. Il mettra finalement la main sur la Coupe Stanley à sa dernière saison, à 35 ans, dans l'uniforme des Penguins de Pittsburgh.

Patrick Roy a connu la carrière que la plupart savent déjà, avec une Coupe Stanley dès sa première saison, à 20 ans, une glorieuse carrière marquée par trois autres conquêtes, et une renommée mondiale.

«Ma relation avec mon père n'a jamais été facile, il a été très exigeant avec moi et probablement qu'il voyait en moi quelque chose que je ne voyais pas moi-même, confie Boucher. On a eu la chance de s'expliquer avant qu'il décède.

«Ça n'a jamais été évident, mais la plus belle chose qu'il m'a laissée, c'est la persévérance. Il l'a eu tellement tough, il a été malade toute sa vie, il a été handicapé à un jeune âge, il a eu le cancer, il n'a jamais envié personne, il ne s'est jamais plaint, il a toujours voulu améliorer sa condition.»

Un mentor

Le parcours de Philippe Boucher n'a pas été aussi spectaculaire que celui de son prédécesseur, mais il a toujours su, avec le temps, faire sa marque partout où il est passé.

«J'ai toujours été du genre à arriver tranquillement quelque part et faire passer mes idées petit à petit, dit-il. Ce fut le cas avec les Remparts, comme à Rimouski.»

Il se définit comme un entraîneur ferme, mais juste et ouvert. Comme son mentor, Dave Tippett, qui l'a dirigé longtemps à Dallas et qui oeuvre désormais pour les Coyotes de Phoenix.

Tippett est l'un des rares entraîneurs à faire l'unanimité auprès de ses anciens joueurs, de Boucher à Mike Ribeiro en passant par Stéphane Robidas.

«Dave Tippett n'a jamais cherché à se faire aimer, raconte Philippe Boucher. Mais il a su être à l'écoute de chaque joueur selon sa génération, ses aspirations, son passé. Il a toujours été très exigeant, mais juste. Crédible. C'est lui qui a relancé ma carrière à Los Angeles. Il m'avait dit quelque chose que je n'oublierai jamais et qui m'habite encore aujourd'hui, en prenant exemple sur sa propre carrière. Il m'a fait comprendre que sans le travail, ça ne marcherait jamais.

«Le travail ne donne pas toujours de résultats parfaits, poursuit Boucher, mais tu élimines au maximum les impondérables comme la chance. C'est aussi un gars très positif. Rarement dans les séances de vidéo est-ce qu'on voyait une rondelle entrer dans notre filet. J'essaie d'appliquer ses méthodes aujourd'hui.»

La course vers la Coupe Memorial commence sous peu pour Philippe Boucher.

«On a fait nos transactions en prévision de la Coupe Memorial à Québec en 2015, donc avec un regard tourné vers l'avenir, mais la parité est meilleure que jamais dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

«Il n'y a pas de club imbattable comme Saint-Jean il y a quelques années. Ça devrait donner les séries éliminatoires les plus excitantes depuis longtemps.»

Surveillez bien le parcours de Philippe Boucher dans les prochaines années. «Rien ne sert de courir, il faut partir à point», disait Jean de La Fontaine...

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