Marc-André Fleury venait de répondre pendant de longues minutes à toutes les questions des journalistes anglophones. Quand est venu le tour des francophones, pour une quelconque raison, une agente de relations publiques a indiqué que c'était terminé.

Marc-André Fleury, lui, en a décidé autrement. Avec son plus grand sourire, il s'est réinstallé à son casier pour nous parler.

C'est le genre de personne qu'il est. Par ses prouesses sur la glace, il est aujourd'hui le visage de la franchise des Golden Knights de Vegas. Il est aussi, par le fait même, redevenu l'un des Québécois les plus en vue de la LNH. Ce rôle vient avec certaines responsabilités et il s'y plie de bon coeur, tous les jours.

Lundi, face aux Capitals de Washington, l'espace d'un match, il est redevenu humain. Il le sait, et il n'a pas évité la question. Il ne trouve que peu de réconfort dans le fait que ses coéquipiers ont marqué six buts, si ce n'est que pour souligner leur force de caractère.

« Tu veux arrêter toutes les rondelles, non ? Peu importe qu'ils aient marqué tous ces buts. Ils peuvent bien en marquer 10, je veux quand même n'en accorder aucun. »

Dans ce premier match remporté 6-4, Fleury a paru nerveux, même s'il jure que c'est faux. Il se trouvait trop souvent hors position, il peinait à maîtriser les rebonds. Ce n'était pas le gardien qui avait jusque-là une efficacité de rêve à ,947.

« Quand tu regardes et que tu vois les quatre buts, ce n'est pas super, reconnaît-il. Mais il y a un but que j'ai redirigé dans mon propre filet. Ça n'arrivera pas tous les soirs. Il y a un autre but qui a dévié. Il y a peut-être sur le troisième but où j'ai trop mordu devant T.J. Oshie. Je dois oublier rapidement ce match et me concentrer sur le prochain. »

Tourner la page est de l'avis général l'une des plus grandes forces des Golden Knights. David Perron racontait l'anecdote du voyage de retour après avoir éliminé les Jets de Winnipeg. L'entraîneur-chef Gerard Gallant s'est levé, a dit « bon boulot », et c'était terminé. Fin des célébrations, les têtes se sont baissées et les joueurs ont continué à regarder des films. « Il n'y avait pas de bières un peu partout », assure en riant Pierre-Édouard Bellemare.

La philosophie de Gallant de ne pas regarder en arrière, dans les bons comme les mauvais moments, se répercute sur tout le monde. C'est ainsi que Fleury a pris l'habitude de se laisser seulement quelques secondes de regrets après un but, lorsqu'il fait sa petite promenade dans le coin de la patinoire. Puis il passe à autre chose.

« Je dis quelques mauvais mots. Je fais sortir le méchant, puis je me calme. Je pense à ce que j'aurais pu faire de différent, puis je tourne la page et je me prépare pour le prochain tir. »

Fleury, le capitaine

Gallant a marqué les esprits cette saison en expliquant son modus operandi, qui semble faire l'unanimité dans le vestiaire. Selon lui, ça ne sert à rien de réprimander les joueurs pour une erreur, il faut plutôt les aider à croire qu'ils peuvent toujours faire le bon jeu. Sans surprise, ce n'est certainement pas le moment de remettre en doute la performance de son gardien.

Même qu'il a profité de sa rencontre quotidienne avec les médias pour être encore plus dithyrambique qu'à son habitude.

« Fleury sait rebondir. Il a beaucoup de caractère. Il est le premier à dire qu'il doit être meilleur. Nous sommes ici grâce à lui, nous le savons tous. Nous avons une bonne équipe, qui joue bien, mais notre gardien est la colonne vertébrale de l'équipe. C'est le cas pour la plupart des équipes. Il n'a été que positif, il est bon avec notre groupe. C'est comme notre capitaine. Il motive les joueurs, il s'assure qu'ils jouent de la bonne manière. »

Gallant en a ajouté : « Quatre buts, ça peut sembler beaucoup, mais je crois qu'il a été correct, bien honnêtement. »

Tout ça pour dire que le sourire était sur tous les visages à l'entraînement. Durant un exercice pour obstruer la vue du gardien, tous les joueurs se sont jetés au sol en se protégeant la tête pour rire d'un coéquipier au tir puissant. Fleury s'amusait à lancer son bâton pour déstabiliser des coéquipiers. Dans le vestiaire, il a jonglé à la blague avec l'idée de faire les entrevues torse nu pour se donner l'occasion de « flexer » ses muscles, pour utiliser son expression.

Gallant a expliqué la performance en demi-teinte de lundi par la longueur de la pause, peut-être aussi par l'état de la glace. Il sait fort bien que les Golden Knights ont été plus généreux qu'à leur habitude, plus désorganisés, mais il sait aussi qu'ils ont gagné ce premier match. Fleury souhaite-t-il maintenant passer une soirée un peu plus tranquille ?

« Je l'espère bien. C'était certainement excitant à regarder, mais ce n'est pas le préféré des gardiens. »

Capitals c. Golden Knights, ce soir à 20 h

Tom Wilson pas suspendu

La LNH a décidé de ne pas sanctionner Tom Wilson pour son coup tardif, dans l'angle mort, sur Jonathan Marchessault. Pour son geste, Wilson a reçu une pénalité mineure pour obstruction, annulée par la pénalité pour double échec de David Perron. La décision a été vivement critiquée par plusieurs. Gerard Gallant a tenu à mettre deux choses au clair : Marchessault est à 100 % et il juge que le travail des arbitres a été « formidable » dans le premier match. « Il n'y a aucun enjeu. Jonathan a perdu le souffle. Il est parti pour 15 minutes et j'étais un peu furieux. Mais je comprends aussi le protocole [des commotions cérébrales]. C'était une mise en échec à la limite. Pour moi, Wilson était clairement en retard. Je croyais qu'il écoperait d'une pénalité de cinq minutes, mais ça n'a pas été le cas. » En revanche, il croit que cette charge de Wilson s'est, au bout du compte, retournée contre les Capitals. « Nous ne jouions pas trop bien à ce moment. Ça nous a fâchés et nous avons trouvé une façon de gagner. »

La saison de leur vie

Une statistique ressort quand on analyse la dernière saison des Golden Knights. Sur les 18 joueurs en uniforme lundi, 13 viennent de connaître la meilleure saison offensive de leur carrière. C'est exceptionnel. Du lot, il y a David Perron, qui a inscrit 16 buts et 50 aides en 70 matchs. Selon le Québécois, c'est Gerard Gallant qui est à l'origine de cet exploit. « On a faim. On a la chance d'avoir un entraîneur qui nous laisse jouer notre style de jeu. Même après certaines erreurs, tu sais que tu retourneras sur la patinoire. Tu prends vraiment la responsabilité de ton jeu. Après chaque match, tu es capable de t'évaluer par toi-même. Nous ne sommes pas trop dirigés. Nous ne sommes pas toujours dans la salle de vidéo. On s'améliore par nous-mêmes, et l'entraîneur est l'une des grandes raisons qui expliquent ça. »

Les excuses de Reaves

Ryan Reaves est un joueur populaire ces jours-ci, pas seulement pour son ardeur au jeu. Il a inscrit le but qui faisait 4-4 lundi contre les Capitals, et le but gagnant dans le dernier match contre les Jets de Winnipeg. Sans compter que tous ses coéquipiers soulignent sa bonne humeur contagieuse. Gerard Gallant avait cette anecdote à raconter pour illustrer le genre de joueur qu'il est : « C'était son deuxième match avec nous, à Los Angeles. Il avait écopé de deux pénalités. Il est venu me voir et a dit : "Coach, je n'écope pas de beaucoup de pénalités. Je ne joue pas comme ça. Je joue rudement, mais je ne vais pas écoper de pénalités. Je nous ai coûté le match aujourd'hui." Je lui ai dit de ne plus y penser, que je n'étais pas d'accord avec les appels des arbitres. Il a pris la responsabilité. Mais je lui ai dit de continuer à jouer à sa manière, c'est pour cette raison qu'on était allés le chercher. Il a été excellent depuis et il n'écope pas de beaucoup de pénalités. Je touche du bois. »