Duncan Keith se souvient très bien de sa première fois au United Center de Chicago, il y a une dizaine d'années. Repêché par les Blackhawks en 2002, le défenseur canadien avait vite compris que le hockey n'était pas si important dans la ville des Cubs, des Bulls et des Bears. «Je me souviens, j'étais dans les gradins avec quelques coéquipiers lors d'un match préparatoire. On était assis là habillés en complet, et personne ne savait qui on était. C'était un peu humiliant...»

Comme les choses ont changé. Maintenant, les bonnes gens de Chicago savent très bien qui est Duncan Keith. «J'ai joué mon premier match ici lors de la saison 2005-2006, ajoute le joueur de 29 ans. Il y a une grosse différence, ce n'est pas du tout comme aujourd'hui...»

Il y a une grosse différence, en effet. Il faut se promener un peu sur Michigan Avenue, sur Clark Street pour réaliser combien Chicago est (re)devenue une ville de hockey. Il faut voir ce public un peu fou habillé du chandail officiel les soirs de matchs. Il faut voir ces messages d'encouragement affichés dans les vitres des bureaux au centre-ville.

Et il faut voir cette statue de l'immortel Michael Jordan à l'entrée du United Center, habillée du chandail rouge des Hawks pour l'occasion.

«C'est un endroit spécial pour le hockey, admet Joel Quenneville, l'entraîneur des Blackhawks. On met les pieds à l'aréna et on le voit tout de suite. Ça commence la minute où on entend l'hymne national.»

Ce soir, quand les Blackhawks de Chicago vont accueillir les Bruins de Boston, dans le cadre du deuxième match de la finale de la Coupe Stanley, plus de 22 000 personnes vont être dans la place. Cette saison, ce sont les Hawks qui ont fini au premier rang du palmarès des assistances. En fait, depuis 2008-2009, les Hawks sont les rois de ce palmarès dans la LNH.

Partis de loin

Mais ça n'a pas toujours été aussi rose. Dans le tourbillon des notes de Chelsea Dagger, on oublie parfois que les gradins du United Center ont déjà été vides. En 2006-2007, par exemple, les Blackhawks ont fini au 29e rang du palmarès des assistances dans la Ligue nationale, avec une famélique moyenne de 12 727 partisans par soir.

«Nos matchs n'étaient pas à la télé locale et on ne faisait pas parler de nous, se rappelle le capitaine Jonathan Toews. Quand je suis arrivé ici, il y avait du chemin à faire.»

Mais alors, comment expliquer cette soudaine métamorphose, ce retour en force du hockey à Chicago? On peut commencer en répondant par deux noms: Toews et Patrick Kane.

Le premier a été le premier choix du club en 2006. Le deuxième a été le premier choix du club en 2007. Ensemble, ces deux-là ont fait des Hawks le club de l'heure à Chicago. On n'a qu'à regarder un peu dans les gradins du United Center pour s'en rendre compte. Les soirs de matchs, il y a des maillots 19 et 88 partout. Les chiffres fournis par la LNH nous apprennent que c'est le maillot de Toews qui a été le plus vendu cette saison; celui de Kane arrive au cinquième rang au palmarès des ventes, tout juste devant le maillot d'un autre Hawks, Marian Hossa.

Bien sûr, les Hawks se sont mis à gagner avec leurs deux jeunes vedettes, et c'est un peu là que le vent a tourné dans la ville des vents.

«À ma deuxième année ici, il y a eu le match de la Classique hivernale au Wrigley Field, et je pense que ça a vraiment eu un effet sur tout le reste, ajoute Toews. Puis on a gagné la Coupe Stanley en 2010, et c'est sûr que ça a aidé.»

Avant Toews et Kane, ces Hawks n'allaient nulle part; rappelons-nous cette 13e place dans l'Ouest en 2006-2007, une saison avant l'arrivée du capitaine dans le décor. Dans une ville comme Chicago, où l'offre sportive est considérable, la défaite mène tout droit au tiroir de l'indifférence.

C'est pourquoi Denis Savard n'hésite pas longtemps quand on lui demande d'expliquer cette soudaine renaissance du hockey par ici.

«La recette magique n'est pas compliquée: une équipe gagnante, ça attire le monde, lance l'ancien joueur des Hawks, qui travaille aujourd'hui à titre d'ambassadeur avec l'équipe. Tu regardes l'alignement des Blackhawks aujourd'hui et tu compares ça avec ce que c'était il y a quelques années... c'est sûr que le talent n'est pas le même. La façon de faire a changé aussi; quand je jouais ici, dans les années 1980, je pense qu'il y avait cinq employés dans le bureau. Là, ils sont environ 80...»

Les Hawks, doit-on le rappeler, n'avaient pas gagné le précieux trophée depuis 1961. Si ça se trouve, les gens de Chicago ne se souvenaient même plus de quoi la coupe Stanley avait l'air. «La conquête de 2010 a vraiment eu un impact, soutient Denis Savard. Les Blackhawks sont maintenant aussi populaires que les Bears ici.»

En attendant la prochaine Coupe Stanley, la ville au grand complet est vêtue du rouge des Blackhawks. Et personne n'y échappe. Pas même la statue de Michael Jordan...