Jeff Carter avait l'air d'un gars un brin épuisé hier après-midi. Avec ses traits tirés, avec sa grosse barbe un peu tout croche, Carter ressemblait davantage à un membre d'un obscur groupe grunge qu'à un joueur de hockey. Il faut dire que lui et les Kings étaient rentrés vers 3h30 du mat', au terme de la grosse victoire de samedi soir au New Jersey...

Après avoir jasé avec les médias, Carter a sauté dans sa voiture sport pour sortir de l'aréna. Là, une quinzaine de fans attendaient à la sortie. «C'est bien, les gens ici commencent à savoir qui on est», a fait remarquer l'attaquant des Kings, avec un sourire de gars qui n'a pas assez dormi.

À quelques mètres de lui, son coéquipier Dustin Brown, le capitaine du club, racontait combien la ville n'est pas encore tout à fait hockey. «Il y avait peut-être 10 ou 15 partisans qui nous attendaient à l'aéroport quand on est arrivés [hier] matin...»

L'important but de Jeff Carter, en prolongation du deuxième match de la grande finale, samedi soir au New Jersey, a permis aux Kings de s'offrir une solide avance de 2-0 dans cette série. Encore deux autres comme ça, et les Kings seront enfin champions, une première depuis leur naissance en 1967.

Encore méconnus

Mais à l'aube du match numéro trois, présenté ce soir au Staples Center, on peut avancer ce simple constat: ce n'est pas la folie par ici.

«À Los Angeles, c'est plus facile de passer inaperçu, a ajouté Jeff Carter. On peut sortir sans être vu. Mais je dirais que ça change. Ces jours-ci, on va au resto et les gens nous reconnaissent. Le club existe depuis 44 ans, ça fait longtemps que les gens attendent...»

Samedi soir, les télés des bars de la Sunset Strip et du Hollywood Boulevard étaient bel et bien branchées sur le match Kings-Devils, mais une petite tournée rapide nous a permis de constater que les gens n'étaient pas exactement sur le bout de leur siège. Comme si la présence des Kings en finale n'était qu'un simple détail, une simple source de distraction. Pas une question de vie ou de mort comme les Lakers, par exemple.

Rappelons qu'à la télé locale, une lectrice de nouvelles a récemment dit que les Kings jouent avec un ballon, et pas avec une rondelle. Rappelons qu'à la télé locale, le logo des Kings a été confondu avec celui des Kings de la NBA, qui sont à Sacramento.

«J'ai joué ailleurs avant d'arriver ici, a rappelé Jeff Carter. Le hockey, c'est le hockey, peu importe où on est. Pour les joueurs, ça ne change rien. La différence, c'est qu'on peut disparaître plus facilement par ici...»

* * *

Mine de rien, Jeff Carter est en train de faire passer Dean Lombardi pour un génie. Quand Lombardi, le directeur général des Kings, a mis la main sur Carter cet hiver, plusieurs ont cru qu'il s'agissait d'une gaffe majeure.

Carter, il faut bien le dire, est arrivé ici avec une étiquette de mauvais garçon collée au front. Ce gars-là, après tout, est le même type que les Flyers ont sorti de Philadelphie par la porte de derrière, à la suite de rumeurs de party qui n'en finissaient plus. Le joueur de 27 ans s'est retrouvé à Columbus, là où il a rapidement fait rager la direction des Blue Jackets.

Mais Carter a sa revanche aujourd'hui. Chez les Kings, le jeune homme se retrouve avec 10 points en 16 matchs des séries, incluant le gros but de samedi soir.

Soudainement, plus personne ne remet en doute son désir de gagner.

«Ce fut très difficile pour moi de quitter Philadelphie, et à Columbus, les choses ne se sont pas passées comme prévu pour le club, a-t-il expliqué. Ce ne fut pas facile à Columbus parce qu'en six ans à Philadelphie, tout ce qu'on faisait, c'était gagner. C'est ce qu'ils nous apprennent à faire là-bas. Mais avec les Blue Jackets, on ne gagnait pas. En arrivant à Los Angeles, en partant, tout s'est très bien passé pour moi.»

Carter sait très bien qu'il y a encore des gens qui doutent de lui, mais ça fait très bien son affaire. «Absolument. Je suis très au courant de tout ça, de ceux qui doutent de moi. Et c'est une très bonne source de motivation...»