C'est à titre d'entraîneur-chef des Sénateurs d'Ottawa que Rick Bowness a croisé Alain Vigneault pour la première fois. De cette rencontre presque imposée est née une complicité professionnelle et surtout une amitié profonde qui lie les deux hommes depuis l'été 1992. Une complicité et une amitié qui les ont aidés à composer avec des épreuves, des échecs, des déceptions et des moments noirs qu'une conquête de la Coupe Stanley effacera d'un coup. Si les Canucks de Vancouver ajoutent trois autres victoires aux dépens des Bruins de Boston...

«Je savais qu'Alain connaissait du succès comme entraîneur avec les Olympiques de Hull. Rien d'autre. Parce qu'Alain était francophone et que les Sénateurs devaient courtiser ce bassin de partisans du côté québécois, j'ai d'abord cru que ma rencontre avec lui était symbolique. Qu'il fallait donner une chance au petit gars de la place. Après 10 minutes, il m'avait convaincu. J'avais devant moi l'adjoint dont j'avais besoin», dit Rick Bowness.

L'adjoint d'hier est devenu le maître. Un maître reconnaissant qui a fait signe à Bowness dès qu'on lui a offert le poste d'entraîneur-chef du Canadien.

«J'ai refusé. Je n'étais pas prêt à être adjoint», se souvient Bowness, qui venait de compléter un séjour difficile avec les Islanders de New York comme entraîneur-chef.

Chacun de leur côté, les deux complices ont alors connu quelques rares succès et accumulé beaucoup de déceptions: congédiements, longues pauses et remises en question, retour dans les rangs juniors pour Vigneault, l'enfer de Phoenix avec l'aventure Wayne Gretzky comme entraîneur-chef pour celui qui est devenu son adjoint.

Mais lorsque le téléphone a sonné de nouveau et que cette fois Vigneault était rendu à Vancouver après un séjour à la barre du Moose du Manitoba, le club-école des Canucks, Bowness n'a pas hésité une seconde.

«Les gens ne réalisent pas à quel point c'est difficile de perdre, de perdre souvent, de perdre tout le temps. Avec l'expérience que nous avons aujourd'hui, Alain et moi pourrions sortir du meilleur hockey des Sénateurs des premières années. Mais ça demeurait une équipe misérable. La meilleure chose qui soit arrivée à Alain est justement d'avoir été congédié avec moi, de ne pas avoir hérité de cette équipe. Le coach qui nous a suivis (Dave Allison) n'a pas duré deux mois. Alain est allé gagner ailleurs. C'est ce qu'il devait faire.»

Deux coachs, une philosophie

Assis derrière son bureau, Bowness lance alors un regard amusé et un brin admiratif en direction de son «patron» qui occupe le bureau du centre. Pas moyen de se cacher dans le coin réservé à Vigneault et ses assistants: exception faite des murs extérieurs et des portes, toutes les autres cloisons sont en verre, facilitant ainsi la communication entre Vigneault et Bowness. Car avec le temps qu'ils ont passé et passent ensemble, les deux hommes n'ont qu'à se regarder pour se comprendre.

«Que ce soit ici ou derrière le banc, quand il me regarde, je sais ce qu'il pense, je sais ce qu'il veut que j'apporte comme correctif. Nos philosophies sont les mêmes. Nos exigences sont les mêmes. On veut que l'équipe prenne le même chemin pour se rendre à nos objectifs. Il y a un boss et un adjoint. Mais avant tout, nous sommes deux coachs.»

Condamnés à gagner

Deux coachs qui entendent le champagne pétiller. Les Canucks n'ont jamais été aussi près d'une conquête de la Coupe Stanley. Cette conquête ne tomberait pas du ciel bien que Bowness reconnaisse d'emblée que son complice et lui ont sous la main une des forces de la LNH.

«On ne peut pas gagner sans un excellent gardien. Nous avons le meilleur en Roberto (Luongo). On ne peut pas gagner sans une bonne défense. Nous avons la meilleure de la LNH. On ne peut pas gagner sans talent, vitesse, leadership et caractère. On a tout ça», défile Bowness.

L'ancien joueur de centre, qui a disputé 173 matchs dans la LNH (18 buts, 55 points) et qui a passé une saison et demie dans l'uniforme des Remparts de Québec avant de compléter sa carrière dans la LHJMQ avec le Canadien junior de Montréal, s'accorde alors une pause avec d'ajouter: «Il ne reste qu'à gagner!»

Un mandat qui demeure périlleux. Même avec une aussi bonne équipe sous la main.

«Quand on ne gagne pas avec un club aussi bien nanti, les critiques fusent. C'est normal, mais pas toujours juste. Il y a trois ans, nous avons raté les séries. C'est pourtant la meilleure année de coaching que nous avons connue ensemble. On a été dans la course jusqu'à la fin malgré de blessures nombreuses. Avant de se rendre là, on a perdu jusqu'à huit ou neuf matchs de suite. Ça criait en ville. On réclamait la tête du coach, mais Alain a tenu le fort. Il a tenu le coup.

«Les éliminations contre Chicago lors des deux dernières saisons ont été difficiles à encaisser aussi. Et même si on est rendus en grande finale et qu'on sent que cette année pourrait être la bonne, qu'elle doit être la bonne, on ne peut passer sous silence les blessures qui nous ont privés de nos six défenseurs partants jusqu'au 82e match de la saison. Mais si la pression de gagner et accablante, elle est beaucoup plus satisfaisante que celle liée aux défaites en séries. On le sait, on l'a vécu», conclut Bowness.