Le Canada est à une victoire de remporter la Coupe du monde. Et peu importe la qualité de l'opposition ou la légitimité du tournoi, l'Histoire retiendra que cette génération dorée a continué à bâtir son image d'invincibilité, après des triomphes aux Jeux olympiques de Vancouver et de Sotchi.

S'il y a un joueur qui incarne cette génération, c'est bien Jonathan Toews. Dans l'ombre du charismatique Sidney Crosby avec Équipe Canada, dans l'ombre du spectaculaire Patrick Kane à Chicago, Toews semble ne connaître qu'une seule chose: la victoire. Tout ce qu'il fait, c'est gagner des matchs.

Mais par sa personnalité discrète - on le surnomme «Capitaine Sérieux» -, par ses missions défensives qui le forcent à sacrifier des points, Toews n'obtient pas le quart de la couverture médiatique des autres vedettes qui l'entourent.

«C'est la vie. Ça ne me dérange pas, a affirmé le Franco-Manitobain, en entrevue hier. C'est vrai aussi pour d'autres joueurs de notre équipe qui sont de grands compteurs dans la LNH. Ici, Sidney, c'est l'étoile, de la façon qu'il joue. Moi, je dois faire ma part. Je veux compter aussi, parce que je me considère malgré tout comme un joueur offensif. Mais des fois, c'est de créer de l'espace pour le trio à Crosby, pour qu'il n'ait pas à se préoccuper du jeu défensif.»

Pourtant, ici à la Coupe du monde, Toews est l'attaquant le plus utilisé par Mike Babcock, avec une moyenne de 17 min 45 s par match. Idem à Sotchi. Chez les Blackhawks, il était aussi l'avant le plus sollicité des siens lors des trois conquêtes de la Coupe Stanley.

Des chiffres ahurissants

La Presse s'est lancée dans une mission ambitieuse: compiler la fiche victoires-défaites des équipes de Toews.

Les résultats sont éloquents, d'autant plus qu'ils sont compilés sur une période de 13 ans. Ces victoires lui donnent un joli palmarès: trois Coupes Stanley, deux médailles d'or olympiques, quatre titres de champion du monde avec le Canada, un championnat canadien des moins de 17 ans, deux présences au Frozen Four - la grande finale de la NCAA - avec North Dakota, un championnat national au secondaire avec Shattuck-St. Mary's.

Depuis son arrivée dans la LNH, Toews a raté les séries éliminatoires une seule fois, et c'était à sa première saison, quand il n'avait que 19 ans. Fait à noter, il avait raté 18 matchs en raison de blessures lors de cette saison 2007-2008. Coïncidence ou non, les Blackhawks avaient présenté une fiche de 6-10-2 sans lui, et 34-24-6 avec lui.

L'autre statistique frappante est son dossier de 49-1-1 avec Équipe Canada, tous niveaux confondus. Ses seules défaites : contre les États-Unis au tour préliminaire du tournoi olympique de 2010, et contre la Russie en finale du Championnat du monde 2008, à Québec.

Époque faste

Certes, sa carrière internationale coïncide avec une époque faste pour le Canada, en raison de la présence des Sidney Crosby, Patrice Bergeron et Drew Doughty, pour ne nommer qu'eux.

Mais ce serait oublier qu'il a aidé son pays à remporter le Mondial junior de 2006 avec une équipe qui comptait des joueurs comme Ryan Parent, Kyle Chipchura, Mike Blunden, Tom Pyatt, Daniel Bertram et le gardien Justin Pogge. Toews, Kristopher Letang et Marc Staal sont les trois seuls de cette équipe qui sont devenus des joueurs d'impact dans la LNH. Disons qu'on est loin de l'équipe de 2005, une des meilleures de l'histoire du hockey junior.

«Il est intense, il veut tout faire de la bonne façon. Il aime le hockey, il en mange, et quand c'est ta passion, tu feras tout pour être le meilleur», affirme Matt Duchene, qui a côtoyé Toews comme coéquipier à Sotchi et qui l'affronte chaque saison dans la division Centrale de la LNH.

«Il a aussi fait partie de très bonnes équipes. Tu ne peux plus gagner tout seul. Regardez Sid [Crosby]. Quand il a gagné sa première Coupe Stanley, tout le monde croyait qu'une dynastie était en train de se créer à Pittsburgh. C'est difficile d'y parvenir. Ça en dit long sur les équipes qu'il y a eu à Chicago. Chaque année, ils sont dans les favoris pour gagner. Mais il est le meneur de cette équipe, c'est lui qui guide ce groupe.»

«C'est un compétiteur incroyable, un gars qui se lève dans les grands moments, ajoute Brad Marchand, rival de Toews en finale de la Coupe Stanley en 2013, mais qui a aussi été son coéquipier avec Équipe Canada chez les U18 et les U20.

«Il a toujours été bon quand ça compte et il l'a fait à tous les niveaux. Il a la volonté de gagner, il est vraiment prêt à tout pour y parvenir. Il va sacrifier son corps pour l'équipe, il va faire le petit quelque chose de plus pour faire un jeu, il va encaisser un coup afin de faire un jeu. Tu as besoin de ce genre de joueur pour gagner.»

Et de sept?

Si le Canada l'emporte ce soir, ou samedi si nécessaire, ce sera pour Toews un septième titre avec l'équipe canadienne, une collection qu'il a commencée au tournoi des moins de 18 ans en 2005. Sa collection de bagues, médailles et autres trophées est bien en sécurité chez ses parents. «On espère une autre victoire et il va falloir faire de la place!», lance-t-il à la blague, dans un français toujours aussi bon.

Après tant de succès, commence-t-on à s'habituer à la victoire?

«Si on s'habituait à gagner, on ne se retrouverait pas dans cette position, répond Toews. On est encore nerveux, on sent encore la pression, on a encore le désir de gagner. C'est vraiment le fun de jouer dans un tournoi comme ça. Moi, c'est cette pression que je m'impose, que je ressens, qui me motive à continuer. Je sens que c'est très important, c'est une belle occasion qu'on ne veut pas manquer.»