Lors du bilan de l'équipe américaine après sa sortie hâtive de la Coupe du monde, le directeur général Dean Lombardi avait fait un mea-culpa et admis que son club n'était pas bien préparé pour son duel contre l'Europe.

La finale de la Coupe du monde s'amorce ce soir, et Mike Babcock et Équipe Canada devront éviter le piège dans lequel leurs voisins du Sud sont tombés. La bonne nouvelle pour eux, c'est que le format deux de trois leur donne une marge de manoeuvre en cas d'erreur.

Mais si le passé est le moindrement garant de l'avenir, la préparation des Canadiens sera adéquate, et tout échec sera attribuable à d'autres facteurs. 

Une équipe sous la gouverne de Mike Babcock joue rarement avec le feu contre des adversaires qui lui sont inférieurs sur papier.

Plus tôt dans le tournoi, le Canada avait détruit les Tchèques - un des maillons faibles de la compétition - au compte de 6-0. À Sotchi, le Canada avait passé le rouleau compresseur sur l'Autriche (6-0), en plus de signer des victoires plus courtes contre la Norvège (3-1) et la Lettonie (2-1), mais en dominant outrageusement aux tirs au but (38-20 et 57-16).

Aux Jeux de Vancouver, les unifoliés avaient molesté la Norvège 8-0 et l'Allemagne 8-2.

À Detroit, Babcock a pleinement profité des années pendant lesquelles les vedettes des Red Wings étaient à leur zénith. De 2007 à 2009, l'équipe a d'abord atteint la finale d'association, gagné la Coupe Stanley, puis perdu en grande finale.

Dans cette équipe, Pavel Datsyuk, Henrik Zetterberg et Johan Franzen étaient dans leurs meilleures années, Marian Hossa s'était greffé à ce noyau d'attaquants d'élite le temps d'une saison, Nicklas Lidstrom ne semblait pas vieillir, Brian Rafalski l'épaulait drôlement bien, et Dominik Hasek et Chris Osgood faisaient leur travail devant le filet.

Tirer le maximum des meilleurs

Pourtant, diriger une équipe remplie de vedettes est un art en soi. Un art qui n'a par exemple jamais été maîtrisé par les multiples entraîneurs des Rangers de New York de 1997 à 2004, qui comptaient sur une ribambelle de joueurs d'élite.

Alors, comment y parvient-on? Le rival de Babcock en finale, Ralph Krueger, a fourni des éléments de réponse intéressants. Krueger, rappelons-le, faisait partie du groupe d'entraîneurs du Canada aux Jeux de Sotchi. Il connaît bien la bête.

«Mike ne veut pas d'un système complexe qui va bloquer la créativité des joueurs, a-t-il expliqué. Et il y a de la passion, de l'intensité dans tout ce qu'il fait. À Sotchi, on était tout aussi passionnés de trouver la meilleure épreuve à aller regarder quand on avait deux heures à écouler. Il veut le meilleur de tout ce qu'il touche.»

La simplicité est évoquée à l'unanimité par les joueurs. Elle s'observe d'ailleurs dans les entraînements, au cours desquels les joueurs connaissent très bien la marche à suivre. Visiblement, Babcock ne se casse pas la tête à inventer toutes sortes d'exercices trop compliqués à apprendre.

«Tu n'as pas trois ou quatre semaines pour implanter un système complet, a rappelé l'attaquant John Tavares. Tu essaies d'en faire beaucoup dans des entraînements de 45 minutes et d'être efficace dans les séances vidéo. Il est très efficace en ce sens.»

Et la simplicité se retrouve aussi dans sa façon d'interagir avec ses joueurs. «Il est assez direct. Avec lui, c'est noir ou blanc», a illustré Carey Price.

Les courroies de transmission

Au-delà de ce qui est enseigné, il y a le niveau d'adhésion des joueurs à son message.

«Ce qui aide, c'est que nous avons un grand groupe de meneurs, qui s'assure que tout le monde adopte ce qu'il nous enseigne, a souligné Price. On dirait que lorsque les Canadiens se retrouvent ensemble, ils sont prêts à faire tout ce qu'il faut pour gagner.»

«Tout part d'en haut, a rappelé le défenseur Shea Weber, qui a joué sous Babcock dans les deux derniers tournois olympiques. La direction doit prendre des décisions difficiles, l'entraîneur doit implanter un système et s'assurer que les joueurs l'adoptent, y croient. C'est une roue dont chaque partie est aussi importante que l'autre, sinon, ça ne fonctionnera pas.»

L'entraîneur semble aussi avoir vendu à ses joueurs sa façon de vivre le moment présent, pas celui d'hier ou de demain. Ça se voit dans les périodes d'entrevue, où les joueurs parlent rarement d'autre chose que du match à venir, du prochain adversaire. Encore hier, Brad Marchand, qui venait de signer une prolongation de contrat avec les Bruins de Boston, refusait les questions à ce sujet.

Babcock, lui, s'est fait demander s'il réalisait l'ampleur de l'oeuvre qu'il est en train d'accomplir à la barre d'Équipe Canada, après ses succès aux Jeux de Sotchi et de Vancouver.

«En ce moment, on a une chance ici aujourd'hui d'accomplir quelque chose. Ces équipes du passé sont bien, mais on se concentre sur le présent. L'équipe qu'on affronte sera ultra-préparée, ultra-compétitive. Ils veulent gagner, et nous aussi.»