Au bout du fil, la voix est hésitante. L'homme cherche ses mots. Il affirme qu'il prend du mieux, mais du même souffle, il ajoute que les symptômes de commotion cérébrale sont encore là. C'est d'ailleurs pourquoi il n'est toujours pas capable de s'entraîner, de mettre un seul pied dans le gymnase. «Dès que je commence à bouger un peu, les étourdissements reviennent, j'ai mal à la tête...»

L'homme au bout du fil est bien connu des fans de hockey. Il se nomme Keith Primeau, et il va suivre avec intérêt l'importante série de rencontres des directeurs généraux de la LNH, qui commence aujourd'hui à Boca Raton, en Floride. D'ici à mercredi, les DG vont tenter de trouver une solution à l'épineux problème des coups à la tête. On dit déjà que Pierre Gauthier, le DG du Canadien, sera l'un des plus actifs dans la salle au cours des trois prochains jours.

Keith Primeau a hâte. Hâte de voir si les choses vont enfin changer. Hâte de voir si les dirigeants de cette ligue vont réussir à s'accorder, à trouver une solution pour mettre fin au problème des coups à la tête. «Ce n'est plus le temps des belles paroles, c'est le temps de passer à l'action», lance-t-il sans détour.

Primeau est bien placé pour comprendre l'importance des trois prochains jours. Un ancien des Red Wings, des Whalers-Hurricanes et des Flyers, il a disputé un total de 909 matchs dans la Ligue nationale de hockey. Il a pris sa retraite lors de la saison 2005-06 parce qu'il n'en pouvait plus. Les commotions cérébrales ont fini par le mettre hors de combat. «C'est cette saison-là que j'ai subi ma dernière, en octobre 2005», se souvient-il.

Avec le temps, Keith Primeau est devenu une sorte de symbole. Souvent, quand on parle des commotions cérébrales et des vies qu'elles peuvent changer, on pense à lui. Il était gros, fort, et avec un peu de chance, il jouerait peut-être encore aujourd'hui, à 39 ans. Mais les commotions cérébrales l'ont marqué. «J'en ressens encore les effets à chaque jour», confie-t-il.

On a longtemps cru que ça allait prendre un mort pour que la LNH fasse quelque chose. Max Pacioretty n'est peut-être pas mort, mais sa violente collision avec Zdeno Chara a provoqué d'énormes secousses dans l'univers de la Ligue nationale.

Il y a eu l'indignation des partenaires commerciaux (Via Rail, Air Canada), il y a eu la lettre ouverte de Geoff Molson, il y a eu la lettre ouverte de Ken Dryden, un membre du Temple de la renommée et un politicien respecté.

Selon Keith Primeau, le problème est devenu trop gros pour être ignoré.

«La situation a atteint son paroxysme... C'est presque rendu qu'on voit un gars étendu sur la glace à chaque soir. J'entends dire que les joueurs ne pourront pas s'ajuster à de nouveaux règlements, mais les joueurs s'ajustent toujours. S'il y avait des nouvelles règles claires et précises, je crois que ça aiderait grandement à enrayer le problème. Il faut tout analyser; le comportement des gars sur la glace, mais aussi les surfaces de jeu, l'équipement et les règlements.»

S'attaquer au portefeuille

Primeau reconnaît que la solution passe peut-être par le portefeuille des patineurs. Autrement dit, des suspensions plus sévères... et des amendes plus sévères aussi.

«C'est certain, ça ferait une différence. Personne n'aime perdre de l'argent. J'ai déjà été suspendu pendant deux matchs sans salaire, et j'ai détesté ça. Au bout du compte, la perte de salaire pourrait changer des choses.»

Il y a aussi que la ligue est prise avec un problème de culture, selon Primeau. Depuis toujours, elle encourage les joueurs à régler leurs problèmes entre eux sur la glace. «Quand je jouais, il y avait toujours cette peur... On savait que si on allait frapper quelqu'un, il allait y avoir des comptes à rendre. Tu frappais un gars, et c'est sûr qu'un de ses coéquipiers allait te sauter dessus par la suite. Mais les bagarreurs sont presque tous disparus, et aujourd'hui, vous avez tous ces joueurs qui se permettent de jouer du bâton et de plaquer par derrière, parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas à en subir les conséquences.»

Aucun doute, les trois prochains jours vont être déterminants pour le futur de la ligue. Ou bien les DG vont quitter avec une solution détaillée, qu'ils soumettront ensuite aux gouverneurs de la ligue. Ou bien ils vont quitter sans avoir pu s'entendre, et si ça arrive, on dira que la réunion de Boca Raton aura été une énorme perte de temps. Une occasion ratée.

Keith Primeau insiste: le temps des promesses et des belles paroles est terminé. «Ils doivent sortir de là avec une solution», conclut-il.  

Tout le monde s'entend là-dessus. Reste à voir si les DG de la ligue, eux, vont pouvoir s'entendre.

L'étonnant discours de l'Association des joueurs

J'ai été un peu renversé en lisant le communiqué émis par Don Fehr, le président de l'Association des joueurs, en réaction à l'incident Chara-Pacioretty. Pas un mot sur le geste. Pas un mot sur Chara. S'il faut en juger par le communiqué de Fehr, cette triste affaire n'est pas la faute à Chara... mais plutôt la faute de la baie vitrée.

«Nous allons inspecter l'aréna à Montréal, et les autres aussi, afin de s'assurer que le bon rembourrage est en place», a écrit Fehr, entre autres.

Coup de fil à l'Association des joueurs pour en savoir plus. Mathieu Schneider, ancien joueur et assistant de Don Fehr, m'a confirmé au téléphone que l'Association n'est pas particulièrement ouverte à l'idée de pénaliser les joueurs plus sévèrement afin d'éliminer les coups à la tête.

«Il y a d'autres solutions que d'imposer des amendes et des suspensions plus sévères», a-t-il commencé par dire.

Et quelles seraient ces solutions?

«Deux choses en particulier: les baies vitrées trop rigides, un problème dans six des arénas de la LNH (dont au Centre Bell), et un rembourrage plus adéquat des tiges métalliques près des baies vitrées.»

Voilà. Encore une fois, pas un mot sur le comportement des joueurs.

Pourtant, lors de la réunion des DG en 2009, l'Association des joueurs avaient proposé de pénaliser tout coup à la tête. L'un des représentants de l'Association à l'époque, Glenn Healy, avait même fait savoir que plus de 80% des joueurs étaient en faveur d'une telle mesure.

J'aimerais bien savoir si c'est encore plus de 80% aujourd'hui... Malheureusement, l'Association des joueurs n'est pas été invitée à Boca Raton cette fois-ci.

Photo: André Pichette, La Presse

L'Association des joueurs n'est pas particulièrement ouverte à l'idée de pénaliser les joueurs plus sévèrement afin d'éliminer les coups à la tête.

Fin de saison pour David Perron?

C'était le 4 novembre à St.Louis. David Perron venait de conclure son 10e match de la saison. Dans le vestiaire, il était souriant et volubile, même s'il avait reçu une percutante mise en échec de Joe Thornton, des Sharks, au cours du match.

Après le coup du gros Thornton, Perron avait retraité au vestiaire, avait été vu par l'équipe médicale des Blues, et avait pu revenir sur la glace pour terminer le match. Il avait même marqué un but!

Mais David Perron n'a pas remis les patins depuis. On chuchote maintenant que sa saison est terminée.

Cette histoire illustre bien le côté insidieux des commotions cérébrales. Ce soir-là après le match, Perron m'avait l'air d'un gars en pleine forme. Il m'avait dit qu'il se sentait bien, même s'il avait eu peur sur le coup. En tout cas, il n'avait pas l'air d'un gars qui n'allait plus jouer de l'année.

Peut-être que  les DG devraient un peu jaser de David Perron cette semaine en Floride. Peut-être qu'ils devraient penser à une nouvelle règle: un joueur qui subit un coup à la tête ne peut pas revenir dans le match. Même s'il jure qu'il se sent bien, même s'il insiste pour revenir.

De plus en plus, les médecins de la NFL refusent de donner le feu vert à un joueur qui vient tout juste de recevoir un coup à la tête et qui insiste pour retourner sur le terrain. Les médecins de la LNH devraient penser à faire la même chose.

Au fait, si quelqu'un avait dit à Sidney Crosby de prendre une semaine de repos après le coup de David Steckel, peut-être que son histoire serait différente.

Photo: André Pichette, La Presse

David Perron

Marian Gaborik le plombier

Des fois, j'aimerais être dans la même pièce que Glen Sather et John Tortorella. Quand ces deux-là s'assoient pour jaser hockey, ça doit brasser, et pas à peu près.

J'imagine un peu la discussion quand ils parlent de Marian Gaborik. L'attaquant slovaque est le «projet» de Glen Sather. C'est lui qui a échangé Scott Gomez au Canadien en juin 2009, libérant ainsi une petite fortune pour mettre la main sur Gaborik, qui allait être joueur autonome cet été-là. Sather lui a donc accordé un gros contrat de cinq ans pour 37,5 millions.

Mais voici que l'entraîneur John Tortorella, un type qui aime bien marcher au rythme de son propre tambour, veut faire de Gaborik un «grinder», comme on le dit dans le milieu. Un plombier, si vous voulez. Au point de le faire parfois jouer au sein du quatrième trio.

J'imagine un peu la face de Sather quand il voit son homme de 37,5 millions faire les petites choses au sein d'un quatrième trio. Mettons que ça doit brasser un peu dans la loge.

Évidemment, on ne verse par 7,5 millions de dollars par saison à un gars pour qu'il patine sur le quatrième trio, mais ça, John Tortorella a l'air de s'en foutre pas mal.

Vrai, Gaborik ne connaît pas sa meilleure saison (souvent blessé, il a tout de même 40 points en 50 matchs), mais depuis quand demande-t-on à un gars talentueux comme lui d'être bon sans la rondelle?

«De toute évidence, ce fut une année difficile», a-t-il dit au New York Post la semaine dernière.

Si jamais les Rangers ratent les séries, ça risque de brasser pas mal au Madison Square Garden...

Le chiffre de la semaine

8

Le nombre de victoires consécutives récoltées par les Capitals de Washington.

La dégringolade

L'Avalanche du Colorado, qui ne gagne plus... et qui pourrait bien finir au dernier rang du circuit. Finalement, Peter Forsberg a bien fait de ne pas s'embarquer là-dedans...

Le prochain vainqueur du trophée Vézina

Tim Thomas

Meilleure moyenne, meilleure pourcentage d'arrêts. Fin de la discussion.

La déclaration de la semaine

«Notre sport est un sport de contact, il va y avoir des blessés»

Ron Wilson, entraîneur des Maple Leafs de Toronto, cité par la Presse canadienne, dimanche.

Photo: Reuters

Marian Gaborik