(Buffalo) Souhaitons que Connor Bedard soit capable de garder la tête froide, car les éloges à son sujet sont lourds de sens.

Les meilleurs espoirs du repêchage 2023 rencontraient les médias vendredi, en point de presse, au camp d’évaluation de la Ligue nationale. Adam Fantilli, généralement perçu comme le deuxième talent de l’année, a préparé le terrain d’entrée de jeu, qualifiant Bedard de « joueur phénoménal ».

Puis, Dan Marr, vice-président de la Centrale de recrutement de la LNH, en a rajouté.

« Du point de vue du recrutement, il est dans la même catégorie que Connor McDavid, a laissé tomber Marr. La vitesse du jeu, la rapidité, le sens du hockey tellement rapide pour lire les jeux… Sa vitesse est incroyable. McDavid a commencé cette tendance et Bedard va la prolonger. »

Statut exceptionnel

Bedard est toutefois habitué à de tels éloges. En mars 2020, à 14 ans, il apprenait que sa demande pour obtenir le statut exceptionnel était acceptée par la Ligue canadienne de hockey.

Ce statut permet de jouer au hockey junior canadien à 15 ans plutôt qu’à 16. Bedard est encore le seul joueur à l’avoir obtenu dans la Ligue junior de l’Ouest (WHL). Six patineurs l’ont reçu dans la Ligue junior de l’Ontario (OHL), et un seul, Joe Veleno, dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).

Or, ce statut semble moins exceptionnel depuis quelques années. Les trois joueurs à l’avoir obtenu avant Bedard : Shane Wright, Veleno et Sean Day.

Il est encore beaucoup trop tôt pour juger de la carrière de Wright, repêché l’été dernier. Mais sa première saison post-repêchage n’a pas exactement été un succès, lui qui a été trimballé entre la Ligue nationale, la Ligue américaine et l’OHL, avec une parenthèse au Mondial junior.

Veleno a amassé 20 points en 81 matchs à sa première saison complète dans la LNH, à 23 ans. Et Day, 25 ans, est encore un joueur de la Ligue américaine.

Avant eux, par contre, McDavid, Aaron Ekblad et John Tavares ont connu du succès et ont été repêchés au 1er rang dans la LNH.

Je suis plutôt de l’approche “prends ton temps”. J’aime mieux qu’un jeune domine à un niveau avant de passer au niveau suivant. Une année de plus, ça ne te tuera pas. Mais c’est pour ça qu’on dit que c’est un statut exceptionnel.

L’agent de joueurs Pat Brisson, en entrevue avec La Presse

Pat Brisson n’avait pas fait de démarches au nom de Sidney Crosby à l’époque, même s’il avait le talent pour obtenir une exemption. « Il voulait se garder l’option d’aller jouer dans la NCAA », raconte l’agent québécois.

Brisson l’avait toutefois fait pour Jack Hughes, qui a finalement été repêché au 1er rang en 2019 en passant par le système américain. « Quand on a reçu la lettre comme quoi la Ligue canadienne se penchait sur son cas, il pesait 145 lb. Ça n’aurait pas été logique. On savait qu’il avait le sens du hockey, le niveau de compétition, mais la maturité physique et mentale n’était pas là. Au bout du compte, peu importe ce qu’il a fait, c’était la bonne décision ! »

Un autre agent, qui s’exprimait de façon anonyme, y est allé d’une mise en garde. « Ça doit rester exceptionnel. Et si tu le fais, tu dois être certain que l’endroit où le jeune de 15 ans va jouer sera bon culturellement. Fais-tu confiance aux entraîneurs, aux joueurs, aux vétérans de 20 ans de l’équipe ? Ce ne sont pas toutes les organisations juniors qui sont dignes de confiance. »

Connor Bedard a clairement apprécié son expérience, qui s’est finalement amorcée en pleine pandémie, à l’hiver 2021.

PHOTO ABBIE PARR, ASSOCIATED PRESS

Connor Bedard

C’était bien de pouvoir jouer avec des joueurs de 20 ans quand j’en avais 15. Tu en apprends tellement. Tu ne peux plus jouer comme tu le ferais à ton âge, ça te force à changer ton jeu et à penser beaucoup plus. Je crois que ça m’a beaucoup aidé.

Connor Bedard

Les chiffres sont éloquents. À 15 ans, il a inscrit 28 points en 15 matchs pendant la saison tronquée. Il a enchaîné avec 100 points en 62 matchs à 16 ans, et 143 points (!) en 57 matchs (!!) cette saison.

S’il y a un joueur qui peut briser la récente tendance des joueurs dits exceptionnels, c’est Bedard. Les Blackhawks de Chicago, qui détiennent le 1er choix, aimeraient certainement que ce soit le cas.

Et Fantilli ?

Bedard est si dominant qu’on en vient à se demander si Fantilli n’est pas oublié dans ce tourbillon. Le charismatique Fantilli a d’ailleurs passé une partie de son point de presse à répondre à des questions au sujet de Bedard.

PHOTO PAVEL GOLOVKIN, ASSOCIATED PRESS

Adam Fantilli, en mai dernier

« Ces dernières années, j’ai joué à Kimball Union Academy (un prep school américain), à Chicago (en USHL) et à l’Université du Michigan. Au lieu d’aller sous les réflecteurs de l’OHL, je suis peut-être passé un peu sous le radar, admet-il. Mais Connor mérite toute l’attention qu’il reçoit. Les attentes sont élevées, mais il pourra les excéder parce qu’il est exceptionnel. »

Dan Marr croit, quant à lui, que l’équipe qui repêchera Fantilli sera ravie.

« C’est très dur d’être le plus jeune joueur de l’équipe et le meilleur, mais ils l’ont été partout. Regarde Connor McDavid et Leon Draisaitl. C’est Connor Bedard et Adam Fantilli. Tu vas gagner avec les deux et tu ne peux pas te tromper. Les deux seront phénoménaux. Adam a eu une saison incroyable. Ces deux-là vont définir leur franchise. »

Reste à voir si cette franchise sera les Ducks d’Anaheim au 2rang ou les Blue Jackets de Columbus au 3rang.

Connor Bedard en bref

  • Joueur de l’année, espoir de l’année et meilleur marqueur dans la Ligue canadienne de hockey (LCH)
  • Premier joueur depuis Connor McDavid à remporter trois honneurs individuels de la LCH une même année
  • Médaillé d’or avec Équipe Canada au Championnat du monde junior

Adam Fantilli en bref

  • 1er de la NCAA pour les buts (30) et les points (65) cette saison, en 36 matchs
  • Troisième joueur de première année à remporter le trophée Hobey-Baker (joueur de l’année dans la NCAA) après Jack Eichel et Paul Kariya
  • Médaillé d’or pour le Canada au Championnat du monde junior et au Championnat du monde sénior

Les Russes étaient les bienvenus

Des 106 joueurs présents, un seul est né en Russie : Aydar Suniev, un attaquant qui joue au Canada depuis plusieurs années. L’an passé, quatre joueurs russes étaient venus à Buffalo, mais aucun n’évoluait dans une ligue russe ou biélorusse. Les Russes étaient-ils invités au camp d’évaluation ? « On ne contrôle pas la situation géopolitique, a rappelé Dan Marr. Les déplacements sont difficiles. Donc, nous avons laissé la décision à la discrétion des joueurs. Nous en avions ciblé neuf. Nous leur avons dit : “Si vous êtes disponible et aux États-Unis, vous êtes invité au camp.” »

Évaluation complexe

À ce sujet, le directeur général du Canadien, Kent Hughes, avait laissé entendre, jeudi, que l’évaluation de Matvei Michkov, perçu comme un des meilleurs attaquants de cette cuvée, se faisait différemment puisqu’aucun dépisteur du CH n’a pu le voir en personne ou l’interviewer cette saison. La Centrale de recrutement n’a pas ce problème. « On a un dépisteur russe qui travaille pour nous, qui assiste aux matchs, donc on a des rapports en personne. Les équipes sont dans la même situation. La plupart ont un recruteur sur place. Et la fédération russe a collaboré et a donné accès aux joueurs à qui les équipes voulaient parler sans problème », a indiqué Marr.