(Buffalo) Au bout du fil, July Bergeron nous reprend lorsqu’on lui suggère qu’elle a fait des sacrifices pour ses enfants. « Ce ne sont pas des sacrifices. C’est juste l’amour d’une mère ! »

Utilisez le mot de votre choix ; le fait est que July Bergeron en a fait beaucoup pour que les quatre enfants d’elle et son mari, Yanic Perreault, jouent au hockey à un bon niveau.

Mais les années passent et dans quelques semaines, le plus jeune de la famille, Gabriel, entendra son nom quelque part au premier tour du repêchage de la Ligue nationale. À 18 ans, l’ailier vient de terminer sa deuxième saison dans le programme national de développement des États-Unis, en banlieue de Detroit. Afin de s’assurer d’un bon encadrement, July Bergeron a suivi Gabriel au Michigan, où elle a vécu avec lui.

« J’en ai un en Californie [Jacob, qui joue pour le club-école des Ducks d’Anaheim], ma fille est en Pennsylvanie [Liliane, à l’Université Mercyhurst] et le plus vieux coache ici, à Chicago [Jérémy, entraîneur pour les moins de 18 ans du Mission de Chicago].

« Ce n’était pas si mal, on était à quatre heures de route. Quand Gabriel partait jouer sur la route, je revenais à la maison. Et Yanic venait voir ses matchs quand il pouvait. J’ai bien aimé mon expérience et Gabriel était reconnaissant. »

Dans une famille qui mange, boit et respire le hockey, c’est un peu la norme, et ce, depuis des années. Yanic Perreault a lui-même pris sa retraite comme joueur en 2008. La famille est alors revenue à Magog.

« Les quatre enfants jouaient au hockey et j’étais assez occupé avec les plus vieux, se souvient Yanic Perreault, entraîneur au développement des joueurs des Blackhawks de Chicago, au bout du fil. Quand Gabriel a commencé à jouer, [July] s’est donc impliquée avec les plus jeunes. »

Impliquée comment ? « J’ai fait ma formation d’entraîneur. C’était moitié coaching, moitié garderie ! », lance-t-elle en riant.

« Il commençait à patiner et on jouait sur des moitiés de glace, décrit-elle. Les coachs sont sur la glace avec les joueurs pendant les matchs. Ce sont de beaux souvenirs. C’était juste d’avoir du plaisir.

« Les jeunes avaient toujours hâte à la fin, parce que j’arrivais avec mon sac à surprises. Si ça avait bien été, ils choisissaient dans le sac. C’était comme leur médaille. C’était des choses du Dollarama, des crayons, des petits jouets. J’essayais d’éviter le sucre ! »

PHOTO FOURNIE PAR YANIC PERREAULT

July Bergeron donne des surprises à ses joueurs, dont Gabriel Perreault (tuque noire, de dos).

De ces entraînements à Magog, que l’on devine matinaux, aux deux années à Detroit, Gabriel Perreault est bien conscient des efforts déployés par ses parents, sa mère en particulier.

« C’était ma première coach, lance fièrement le jeune homme, attablé au restaurant d’un hôtel à Buffalo, pendant le camp d’évaluation de la LNH. Je ne m’en souviens pas tellement, mais je sais qu’à Magog, elle me coachait. Ensuite, c’était cool qu’elle vienne vivre avec moi au Michigan ! »

« On a passé beaucoup de temps dans les arénas, reconnaît Yanic Perreault. La première année de retour à Chicago, les quatre jouaient et ils étaient basés dans quatre arénas différents ! On se demandait comment gérer ça. On essayait de s’arranger le mieux possible. Les parents des autres joueurs nous aidaient, et on essayait de s’occuper un peu plus de nos plus jeunes. Au bout du compte, on a passé beaucoup de temps en famille grâce au hockey. »

PHOTO FOURNIE PAR YANIC PERREAULT

Gabriel Perreault et July Bergeron

Possible top 10

Les mesures officielles de la LNH répertorient Gabriel Perreault à 5 pi 11 po et 165 lb, des chiffres qui semblent crédibles quand le grand ado, tiré à quatre épingles, s’assied devant nous.

Il pourra d’ailleurs gagner du coffre ces prochaines années, puisqu’il jouera à Boston College, dans la NCAA, contrairement à son frère Jacob, qui est passé par la Ligue junior de l’Ontario (OHL). « Jacob était plus gros que moi. Dans la NCAA, il y a moins de matchs, donc ça va m’aider à passer plus de temps au gym », explique-t-il.

Les différents classements d’espoirs placent Perreault au milieu du premier tour du repêchage. Le jeune homme, lui, dit espérer entendre son nom « dans le top 10, top 15 », mais « ça ne change rien, où tu sors, c’est ce que tu fais après », s’empresse-t-il d’ajouter. C’est le résultat d’une formidable saison de 132 points en 62 matchs avec le programme américain, au sein duquel il a formé un trio dévastateur avec Will Smith et Ryan Leonard, deux autres espoirs attendus dans le top 10.

À l’heure actuelle, le Canadien détient le 5choix et le 31e ou 32choix, selon le résultat de la finale de la Coupe Stanley. À moins d’une transaction, il serait donc fort étonnant que Perreault aboutisse dans la ville où son père a fait carrière entre 2001 et 2004.

Cela dit, le Tricolore a fait ses devoirs. Kent Hughes et ses hommes ont sollicité une rencontre avec Perreault cette semaine. « C’était une des entrevues les plus dures, a-t-il convenu. Ils m’ont demandé quel animal j’étais. » C’est une question que le CH pose aux espoirs depuis plusieurs années.

Sa réponse ? « Une panthère. C’est intelligent, vif et sneaky [rusé]. Comme joueur, je pense être sneaky, en zone défensive et en attaque. »

Le CH n’est évidemment pas seul. Une douzaine d’équipes l’avaient déjà rencontré au moment de notre entrevue, et les Penguins, qui choisiront au 14rang, l’ont invité à souper un soir cette semaine.

En français, s’il vous plaît

Même si Gabriel Perreault vit à Chicago depuis une dizaine d’années, même si son environnement hockey est entièrement anglophone, il parle toujours couramment le français et a donné l’entièreté de l’entrevue dans cette langue. La famille retourne à Magog chaque été, et les parents ont fait les efforts pour que toute la famille demeure bilingue. « Quand je suis arrivé à Chicago, je connaissais zéro anglais ! rappelle Perreault. C’est bon de garder les deux langues. J’ai été à l’école au Québec jusqu’en 3année. Ensuite, on a toujours parlé français à la maison et mes parents voulaient qu’on le garde. »

Guillaume Lefrançois, La Presse