Le conseil d’administration de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) devrait être complètement indépendant et ne pas comprendre une majorité de propriétaires d’équipe, recommande un rapport rédigé par des parlementaires à la suite du scandale des initiations. « Gouvernez-vous parce que [sinon], nous allons passer à une autre étape », a tonné l’un d’eux, le libéral Enrico Ciccone, en admettant que la suite des choses repose entre les mains du gouvernement.

Ce qu’il faut savoir

L’initiative des parlementaires a été lancée l’hiver dernier après l’annonce du rejet en Ontario d’une demande d’action collective intentée par trois anciens joueurs qui auraient été victimes de sévices sexuels lors de leurs années dans le hockey junior canadien.

Les joueurs, dont Stephen Quirk, qui a évolué dans la LHJMQ, disaient avoir été victimes d’intimidation et d’actes de violence physique, verbale et sexuelle, notamment.

L’ex-commissaire de la LHJMQ Gilles Courteau avait remis sa démission quelques jours à peine après son passage devant la commission parlementaire, où il avait livré un témoignage contesté.

Le document rendu public mardi contient 23 recommandations et a été produit par la Commission de la culture et de l’éducation à la suite des auditions publiques tenues en février et mars sur la violence lors des initiations dans le milieu du hockey junior et de possibles situations semblables dans d’autres sports.

Les membres de la Commission y affirment que « tous les sports sont touchés par des cas de violence ou d’abus ». « Le phénomène des initiations violentes n’est pas exclusif au hockey, mais la popularité de ce sport explique en partie le plus grand nombre de faits et gestes potentiels », est-il écrit.

Dix des vingt-trois recommandations du rapport visent d’ailleurs la LHJMQ.

Un phénomène cyclique

Selon la Commission, il existe « un consensus sur la présence d’une culture qui favorise les débordements lors des initiations dans le milieu du hockey junior ». « Cette culture se caractérise notamment par une relation inégalitaire entre les recrues et les vétérans, de même que par la survalorisation de la victoire », peut-on lire.

Le rapport explique que les initiations sont « un phénomène cyclique ».

Les recrues initiées seront amenées à devenir elles-mêmes les personnes qui initient lorsque de nouveaux membres feront leur entrée dans leur équipe. Ainsi, le cycle de la violence initiatique persiste d’année en année depuis plusieurs décennies.

Extrait du rapport rédigé par des parlementaires

La LHJMQ a annoncé ces derniers mois son intention de revoir ses façons de faire, notamment en modifiant son mécanisme de traitement des plaintes.

La suite des choses est maintenant entre les mains du gouvernement, qui aura la tâche de déterminer comment mettre en œuvre les recommandations du rapport, ont fait savoir les membres de la Commission, mardi.

Pas d’obligation légale, mais…

Il est vrai que la LHJMQ n’a aucune obligation légale de revoir la composition de son conseil d’administration, a reconnu le député solidaire Vincent Marissal, mais la ligue n’est pas sourde aux pressions extérieures, comme l’a démontré la démission soudaine de l’ex-commissaire Gilles Courteau.

« La preuve a été faite – de façon un peu brutale, j’en conviens, mais c’était allé très loin – qu’en mettant la pression politique et populaire, ça met une pression sur ces gens-là qui vivent dans l’œil du public », a expliqué M. Marissal.

Le député libéral Enrico Ciccone a renchéri en affirmant que les parlementaires s’étaient « gardé le droit » de convoquer à nouveau les dirigeants de la LHJMQ afin de faire des suivis dans les années à venir.

Il n’y a pas un dirigeant [d’une ligue sportive] qui veut se retrouver en commission parlementaire parce qu’ils savent sincèrement que ça fait mal au produit quand ils se retrouvent là.

Enrico Ciccone, député libéral

La Ligue interdit aussi depuis des années les initiations. Mais « l’interdiction des initiations ne suffit pas à éradiquer le phénomène », écrit la Commission. D’autant que dans la LHJMQ comme dans d’autres organisations sportives, les politiques interdisent les initiations, « mais ne définissent pas formellement les gestes interdits ».

La LHJMQ réagit

La Commission recommande d’ailleurs que « les fédérations sportives élaborent une politique sur le bizutage et les pratiques d’initiation inappropriées » qui interdise clairement une série de gestes, comme « ridiculiser ou dévaloriser une personne ou un groupe social », « se dévêtir ou se présenter sans vêtements dans un endroit public ou privé », ou « participer à un acte sexuel ou simuler un acte sexuel ».

Depuis 5 ans, la Ligue canadienne de hockey, dont fait partie la LHJMQ, a reçu 12 plaintes relatives à des cas de bizutage, de harcèlement et de mauvais traitements. Dix d’entre elles ont mené à diverses sanctions.

Dans un communiqué succinct, le Bureau du commissaire de la LHJMQ a indiqué qu’il avait pris « connaissance » du rapport mardi et qu’il entendait prendre « les prochaines semaines » pour « bien analyser son contenu et ses recommandations afin de pouvoir répondre adéquatement aux membres de la commission ».

La ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air, Isabelle Charest, a réagi pour sa part en affirmant être en train d’analyser le rapport « pour voir de quelle façon on peut y donner suite ». Elle précise ne pas « avoir attendu la commission parlementaire, et encore moins le rapport, pour agir », mais ajoute que ces recommandations « pourront guider la suite de nos travaux ».

Quelques-unes des recommandations de la Commission de la culture et de l’éducation

  • Que le conseil d’administration de la LHJMQ soit complètement indépendant et ne comprenne pas une majorité de propriétaires ni de membres du personnel des équipes et qu’il comprenne un meilleur ratio de femmes et de minorités culturelles.
  • Que les athlètes soient représentés dans la direction et la haute gestion de la LHJMQ par l’entremise, par exemple, d’un comité indépendant incluant des joueurs qui pourrait exprimer des revendications.
  • Que la LHJMQ se dote d’un mécanisme indépendant et externe de traitement des plaintes comprenant des possibilités de sanctions et qu’un arrimage soit assuré avec le mécanisme de la plateforme Je porte plainte pour éviter les ambiguïtés.
  • Que soit mis en place un mécanisme de communication des sanctions entre les organisations sportives fédérées, privées et scolaires et le RSEQ.
  • Que le gouvernement évalue la possibilité de mettre en place un programme de prévention primaire et que des sommes soient prévues afin d’offrir de tels programmes aux élèves athlètes.
  • Que l’Officier des plaintes de la protection de l’intégrité dans le sport puisse recevoir des plaintes liées à des faits qui se seraient passés antérieurement à 120 jours.