Une demande d’autorisation d’action collective a été déposée, mercredi matin, au palais de justice de Québec contre la Ligue de hockey junior majeure du Québec (LHJMQ), ses 18 équipes actuelles et la Ligue canadienne de hockey, a appris La Presse. Le recours vise « tous les joueurs de hockey qui ont subi des abus, alors qu’ils étaient mineurs et évoluaient » au sein de la LHJMQ depuis 1969 jusqu’à ce jour.

L’ex-joueur des Saguenéens de Chicoutimi Carl Latulippe est le requérant principal de l’action collective, déposé par le cabinet Kugler Kandestin. La Presse a présenté au début d’avril l’histoire de ce choix de première ronde des Saguenéens de Chicoutimi en 1994.

Carl Latulippe a raconté avoir été victime de plusieurs sévices de la part de certains vétérans chez les Saguenéens, notamment de violence, d’intimidation et d’agressions. Dans la demande d’action collective, on apprend que M. Latulippe aurait aussi été victime d’abus chez les Voltigeurs de Drummondville. Là-bas, M. Latulippe et d’autres recrues « s’enduisaient de shampooing avant de se doucher afin que leur peau soit glissante et que les vétérans ne puissent pas les attraper dans les douches pour les agresser », peut-on lire dans la procédure judiciaire. M. Latulippe aurait notamment été témoin « d’un coéquipier qui a été attrapé par un vétéran qui lui a inséré un ceintre dans l’anus, entraînant son déchirement ».

Après son départ des Voltigeurs, où il a joué un an, Carl Latulippe est passé chez les Harfangs de Beauport où il n’a pas été victime d’abus selon la procédure. Dans la demande d’action collective, on peut lire que M. Latulippe aurait subi différentes séquelles de ces abus, notamment des problèmes d’anxiété et de consommation. Il « n’a jamais été capable de remettre les pieds dans un aréna de hockey » et il « ne veut pas que son fils joue au hockey, de peur que celui-ci subisse les mêmes abus que ceux qu’il a vécus », peut-on lire.

Des entraîneurs dans l’autobus

Le recours revient aussi sur le passage de Carl Latulippe chez les Saguenéens. On mentionne notamment que durant le camp d’entraînement en 1994-1995, « lors d’une partie de hockey hors concours à Chibougamau (Carl Latulippe) a été victime de violences sexuelles par ses coéquipiers vétérans dans l’autobus les ramenant à Chicoutimi, alors que des entraîneurs se trouvaient à bord de l’autobus, étaient au courant de ce qui se passait, n’ont pas cessé les abus et, par leur, inaction, ont donné le message que ces abus étaient permis, que les abuseurs ne seraient pas punis, et que les recrues n’avaient pas de choix que de les endurer ».

On peut aussi lire que « les vétérans ont forcé les recrues, dont il faisait partie, à se dévêtir à l’arrière de l’autobus, à se masturber et à éjaculer dans un laps de temps donné, sans quoi ils devraient passer le reste du voyage, ou du moins une partie, nus dans les toilettes ».

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Carl Latulippe

Selon la procédure, Carl Latulippe se serait plaint de sa situation à l’entraîneur de l’époque qui lui aurait dit qu’il « fallait endurer ces comportements, que ceux-ci ne duraient qu’un an et que ça formait le caractère ».

M. Latulippe réclame 650 000 $ aux défendeurs. Et 15 000 000 $ de dommages-intérêts punitifs et exemplaires collectifs sont aussi demandés à ce stade-ci.

D’anciennes équipes aussi visées

En plus de la LHJMQ et ses 18 équipes, la Ligue canadienne de hockey est aussi visée par la demande d’action collective en tant qu’« organe directeur du hockey junior au Canada ». Toutes les anciennes équipes de la LHJMQ sont aussi nommées dans le recours, dont les Bisons de Granby et les Castors de Saint-Jean-sur-Richelieu. « En tout temps où les équipes ci-haut mentionnées ont existé et été en opération, les joueurs y évoluant étaient également sous la responsabilité de la défenderesse LHJMQ », est-il écrit.

Tous ces acteurs « avaient l’obligation de protéger les membres du Groupe et de veiller à leur bien-être, ont été témoins de l’abus, l’ont encouragé, négligé, toléré, couvert ou ignoré » et « n’ont pas pris les mesures nécessaires afin de protéger les membres du Groupe », peut-on lire dans le document de cour.

« Ces comportements abusifs existent depuis des années parmi les équipes actuelles et passées de la LHJMQ et sont toujours présents à ce jour » et le cas de Carl Latulippe « n’est qu’un exemple parmi tant d’autres », est-il également écrit.

L’avocat David Stolow du cabinet Kugler Kandestin croit qu’« il est grand temps que les joueurs d’âge mineur de la LHJMQ aient accès à la justice pour les abus qu’ils ont systématiquement subis ». « C’est important pour nous que ceux qui ont subi ces abus sachent qu’il existe un moyen de poursuivre la justice. Ils peuvent communiquer avec nous gratuitement et dans la plus stricte confidentialité pour discuter de leurs droits », affirme MStolow.

En parallèle à l’Ontario

Le dépôt de l’action collective au Québec survient alors qu’en Ontario, un juge a rejeté en février une demande d’action collective déposée par trois plaignants au nom des 15 000 ex-joueurs de hockey junior canadien, notamment dans la LHJMQ.

Le juge ontarien a toutefois ouvert la porte à ce que des recours individuels soient menés. L’avocat James Sayce du cabinet Koskie Minsky qui représente les anciens joueurs canadiens, dont l’ex-joueur de la LHJMQ Stephen Quirk dans ce dossier, doit manifester ses intentions pour la suite des choses très prochainement. La demande d’action collective québécoise déposée mercredi prévoit d’ailleurs que tous les joueurs qui opteront pour la participation à une action individuelle en lien avec la procédure en Ontario seront exclus de la procédure québécoise.

Si elles désirent obtenir du soutien, les personnes qui ont été victimes d’agression peuvent trouver des ressources auprès du Regroupement des organismes québécois pour homme agressé sexuellement — ROQHAS —, dont le site web est accessible ici.