Sans nier que des abus aient pu être commis lorsqu’ils jouaient chez les Voltigeurs de Drummondville au milieu des années 90, d’anciens joueurs de l’organisation affirment n’avoir jamais eu connaissance des sévices physiques et sexuels décrits dans une demande d’action collective déposée ce mercredi matin.

Carl Latulippe, qui a évolué chez les Saguenéens de Chicoutimi et les Voltigeurs de Drummondville en 1994-1995, est le requérant principal d’une demande d’action collective visant la LHJMQ, ses 18 équipes ainsi que la Ligue canadienne de hockey. Le recours cherche à trouver réparation pour « tous les joueurs de hockey qui ont subi des abus, alors qu’ils étaient mineurs et évoluaient » au sein de la LHJMQ depuis 1969 jusqu’à ce jour.

L’histoire de Latulippe chez les Saguenéens a d’abord été rapportée dans La Presse il y a quelques semaines. L’hockeyeur aujourd’hui âgé de 45 ans y décrivait le climat toxique qu’il a vécu à l’automne 1994. Selon lui, les recrues subissaient les violences physiques et sexuelles imposées par certains vétérans du club. Il a quitté Chicoutimi en cours de saison et a joint les Voltigeurs.

À Drummondville, peut-on lire dans la demande d’action collective, il a retrouvé une dynamique similaire. Les recrues « s’enduisaient de shampooing avant de se doucher afin que leur peau soit glissante et que les vétérans ne puissent pas les attraper dans les douches pour les agresser », soutient M. Latulippe. Il aurait notamment été témoin d’une scène choquante pendant laquelle « un coéquipier a été attrapé par un vétéran qui lui a inséré un ceintre dans l’anus, entraînant son déchirement ».

L’édition 1994-1995 des Voltigeurs comprenait quelques noms bien connus du milieu du hockey. Notamment ceux de Daniel Brière et de Denis Gauthier.

Dans un échange de messages textes avec La Presse, Brière, qui est aujourd’hui directeur général des Flyers de Philadelphie, affirme n’avoir assisté à aucun des sévices décrits par le document judiciaire, et ce, en dépit du fait qu’il était lui-même une recrue cette saison-là. « Je ne dis pas que ce n’est pas arrivé », insiste-t-il. « Je n’ai pas été mis au courant de ces gestes et je n’ai rien vu de mes propres yeux en ce sens », ajoute-t-il.

Denis Gauthier, aujourd’hui analyste à la télévision, a fait partie du personnel d’entraîneurs des Voltigeurs de 2010 à 2015 et est demeuré près du club jusqu’en 2021 dans un rôle de consultant. Lui aussi assure n’avoir « jamais eu conscience » des faits allégués. « Je n’ai rien vu, rien subi, rien fait de ça », a-t-il dit au cours d’une brève conversation téléphonique. Il se navre toutefois si une situation aussi « atroce » a eu lieu « sous [son] nez ».

Dans l’élaboration du premier reportage sur Carl Latulippe, La Presse avait été mise au courant des allégations concernant les Voltigeurs, mais n’avait pas été en mesure de vérifier les faits à ce moment. Leur présence dans un document judiciaire les rend toutefois publics.

Un ancien joueur avait néanmoins confirmé à ce moment certains des éléments moins sévères évoqués dans le recours. Notamment une activité d’initiation au cours de laquelle des joueurs recrues ont été forcés, sous l’influence de l’alcool, à « passer une mixture de nourriture de bouche en bouche, sans avaler, jusqu’à la dernière recrue, laquelle devait ultimement tout avaler ». Cette personne avait aussi confirmé que des joueurs recrues avaient été enfermés flambant nus dans une toilette d’autobus, une pratique répandue dans le hockey junior canadien dans les années 90.

Dans une brève déclaration écrite, la LHJMQ a dit avoir « pris connaissance » du dossier. Elle rappelle être « au courant » des faits allégués vu l’enquête indépendante en cours au sujet des évènements allégués de 1994 à Chicoutimi. « La LHJMQ prend les allégations de maltraitance très au sérieux et condamne la conduite des individus ou des équipes qui ont agi de façon inappropriée et en dehors des attentes et des standards de la ligue », ajoute-t-on, rappelant qu’un « plan d’action » sera déposé au cours des prochaines semaines « pour renforcer les initiatives déjà mises en place par la ligue ».

À Québec, Isabelle Charest, ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air, s’est gardée « d’appuyer ou ne pas appuyer un recours collectif ».

Comme par le passé, elle a encouragé « les gens à porter plainte et prendre les recours, les bons recours, pour avoir justice ». « Maintenant, c’est déposé et on va voir comment ça va évoluer, a-t-elle ajouté. Aller par le système de justice, c’est le bon moyen quand on a des allégations de violence sexuelle ou de violence psychologique et tout. Ce sont les bons tribunaux, effectivement. »

Avec Tommy Chouinard, La Presse