Quand Gilles Courteau est devenu commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), en 1986, il y avait trois clubs à Montréal et dans les environs, cinq si on veut étirer le concept de grande région métropolitaine jusqu’à Granby ou Saint-Jean.

Aujourd’hui ? Ce nombre est passé à zéro.

Sauf notre respect à l’Armada de Blainville-Boisbriand, dont l’aréna est situé à 30 ou 90 minutes du centre-ville de Montréal, selon les caprices de la circulation, il ne reste plus aucune trace de hockey junior dans notre grande ville, si ce n’est que des souvenirs, que des vestiges d’un lointain passé.

« Peut-être que le hockey junior québécois est rendu une affaire de région, se demande l’ex-journaliste Marc Lachapelle, qui a couvert les activités de la LHJMQ au Journal de Montréal pendant 36 saisons. Je me souviens d’une finale entre les Chevaliers de Longueuil et le Junior de Verdun, un club qui avait Pat LaFontaine dans ses rangs. Il devait y avoir 17 000 personnes par match pour ça au Forum… mais ça fait longtemps ! »

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Une foule de 17 860 spectateurs a assisté au premier match de la finale opposant les Chevaliers de Longueuil au Junior de Verdun le 22 avril 1983 au Forum de Montréal.

Vérification faite, ça fait longtemps, en effet. La finale en question, au printemps 1983, avait permis d’attirer des foules de plus de 17 000 partisans à l’ancien domicile du Canadien. En fait, le 22 avril 1983, le premier match de la finale entre Longueuil et Verdun avait mené à une foule de 17 860 spectateurs au Forum, alors un record pour un match des séries dans la LHJMQ.

Mais les choses ont bien changé. Les Chevaliers ne sont plus, le Junior non plus. D’autres clubs ont bien tenté de planter leur logo dans l’île, souvent avec bien peu de succès. La dernière aventure du hockey junior à Montréal est celle du Junior de Montréal, qui a existé de 2008 à 2011, avant de prendre le chemin de l’autoroute 15 en direction nord et de devenir l’Armada.

Que s’est-il passé, au juste ?

À un moment donné, on a bien vu qu’il n’y avait plus aucun aréna à Montréal pour répondre à nos normes. Il a fallu déménager les équipes en région, là où on pouvait faire ce qu’on avait de la misère à faire à Montréal : créer un système d’appartenance.

Gilles Courteau

En entrevue téléphonique, l’ancien commissaire en profite pour rappeler que dans le monde du hockey junior québécois, la mode n’a jamais été aux arénas neufs.

« On a eu trois nouveaux arénas en 53 ans dans le circuit… quand bien même on aurait voulu continuer à Montréal, c’était devenu impossible à un certain moment, parce qu’on ne pouvait pas jouer nulle part, ajoute-t-il. On a pas mal tout essayé : l’Auditorium de Verdun, l’aréna Maurice-Richard, le Centre Paul-Sauvé avant qu’il ne soit démoli… »

Pourtant, il y a jadis eu un public pour ça. Les beaux jours des matchs de finale au Forum sont un peu loin, il est vrai, mais Dominique Ducharme se souvient d’un temps plus récent, où les fans étaient au rendez-vous alors que le Junior de Montréal jouait à Verdun.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Joël Bouchard, alors entraîneur adjoint du Junior de Montréal, lors d’un match à l’Auditorium de Verdun en 2010

« Il y a eu un engouement dès le départ, je me souviens de ça, explique celui qui était alors adjoint à l’entraîneur Pascal Vincent. Nos matchs étaient présentés en français à la radio, parfois aussi à la radio anglophone. Les assistances ont baissé un peu à un certain moment, mais c’était comparable à ce que l’on pouvait voir ailleurs dans la ligue. Mais le propriétaire [Farrel Miller] a eu une occasion de vendre le club et il a choisi de le faire. »

Le marché de Montréal est aussi le marché d’un certain club de hockey professionnel, qui évolue au Centre Bell, et pour les plus petits, une telle compétition est presque déloyale.

« Quand on avait plusieurs clubs de hockey junior à Montréal, la marque du Canadien n’était probablement pas ce qu’elle est aujourd’hui », ajoute Gilles Courteau.

Il faut le reconnaître, le Canadien a fait un travail extraordinaire pour aller chercher des partisans, pour se faire un branding, pour créer un impact. Mais ça ne laisse pas beaucoup de place aux autres. Le succès du Rocket à Laval est tel que l’Armada s’en est ressentie.

Gilles Courteau

Oui, la ville est hockey, tel que le Canadien l’affirmait il n’y a pas si longtemps, mais la ville est CH en premier. D’ailleurs, si jamais un jour le hockey junior se pointe de nouveau le bout du nez par ici, ce ne sera pas dans l’île en tant que tel, selon Gilles Courteau.

« Il y a eu beaucoup de gens qui sont venus me rencontrer au sujet d’un club dans la région de Montréal, des maires, des hommes d’affaires… mais ça revient toujours à un problème d’arénas. On verra, mais si ça arrive un jour, il faudrait que ce soit un club qui évolue un peu à l’extérieur, sur la Rive-Sud, par exemple. »

D’ici là, il va rester les souvenirs et pour Marc Lachapelle, de bonnes histoires à raconter, même après tant d’années.

« Montréal a déjà été une bonne ville de hockey junior, conclut-il. On avait le choix parce qu’il y avait beaucoup d’équipes par ici… Dans le temps, les recruteurs disaient à la blague qu’ils pouvaient voir trois matchs le même soir en se déplaçant avec une trottinette ! »