Développement majeur dans l’interminable saga des Coyotes de l’Arizona : les citoyens de Tempe ont rejeté le mégaprojet qui prévoyait la construction d’un nouvel aréna pour l’équipe de la LNH.

Invitée à se prononcer par référendum, la population de Tempe, ville universitaire située en banlieue de Phoenix, a rejeté dans une proportion d’un peu plus de 56 % les trois propositions balisant le projet.

Les résultats doivent encore être officialisés par le comté de Maricopa, mais le Non jouissait d’une avance insurmontable en fin de soirée, mardi. Le tiers des électeurs admissibles ont exprimé leur voix – une mobilisation considérable en dehors d’élections générales.

Ce verdict pourrait signer l’arrêt de mort des Coyotes. Dans un bref communiqué, la LNH s’est dite « terriblement déçue » de la tournure du vote. « Avec les Coyotes, nous allons évaluer les options possibles pour la suite des évènements », a-t-on ajouté. Aux médias locaux, le président de l’organisation, Xavier A. Gutierrez, a tenu les mêmes propos. « C’était la meilleure proposition d’aréna dans l’histoire de l’Arizona », a-t-il soufflé, visiblement ébranlé.

La concision de la réponse de la LNH ainsi que son absence d’engagement immédiat envers le maintien de la franchise dans la région de Phoenix sont éloquentes. Même s’il a historiquement défendu avec énergie la présence des Coyotes dans la cinquième ville en importance du pays, Gary Bettman, commissaire du circuit, pourrait être à court d’arguments.

Par le passé, il a plusieurs fois répété que la résidence de l’équipe au Mullett Arena, petit amphithéâtre d’à peine 4600 places situé sur le campus de l’Université de l’Arizona, était une solution temporaire. Cette situation a notamment pour effet de priver l’organisation de millions de dollars de revenus en billets vu la faible capacité de l’édifice. Le journaliste Frank Seravalli, de Daily Faceoffs, a souligné dans une analyse que les autres propriétaires du circuit tapent du pied. En vertu du système de partage des revenus de la LNH, les Coyotes coûtent cher aux autres franchises. Apparemment, les gouverneurs ne sont pas enchantés de voir une équipe disputer ses parties locales dans un aréna universitaire.

Si la LNH se résolvait à une relocalisation, on peut parier que la ville de Houston partirait avec une longueur d’avance.

Mégaprojet

Les citoyens de Tempe étaient invités à se prononcer sur la construction d’un quartier de divertissement d’une valeur évaluée à 2,1 milliards US, dont la pièce maîtresse aurait été un aréna dernier cri pour les Coyotes. Le projet était piloté par Bluebird, société de développement créée par le milliardaire Alex Meruelo, propriétaire des Coyotes, et promu avec enthousiasme par Gary Bettman, commissaire de la LNH. La majorité des sommes devaient être financées par des investissements privés, encore que la municipalité aurait dû défrayer quelque 240 millions en décontamination du terrain et en infrastructures. Des allègements fiscaux étaient également prévus.

Ce refus populaire arrive au terme d’une véritable bagarre électorale qui a vu deux camps se former. « Tempe Wins » [Tempe gagne, en français], généreusement financé par Meruelo et les Coyotes, comptait sur les appuis de la LNH, du conseil municipal actuel et d’un groupe d’anciens maires, entre autres. Shane Doan, ex-gloire des Coyotes, et Gary Bettman ont aussi multiplié les prises de parole en sa faveur.

Face à eux, « Tempe First » [Tempe d’abord] militait férocement pour que l’aréna et son quartier du divertissement ne voient jamais le jour. La campagne du Non a principalement porté sur la part du financement public du projet. Lauren Kuby, ex-conseillère municipale et l’une des voix les plus fortes contre le projet, a estimé, dans une entrevue à la radio, que c’est plutôt une facture totale de 740 millions qu’auraient épongée les contribuables.

Par ailleurs, en mars dernier, la Ville de Phoenix a intenté une poursuite contre la Ville de Tempe au motif que le projet violerait une entente entre les deux municipalités. Celle-ci prévoit une zone d’exclusion résidentielle à proximité de l’aéroport Sky Harbor afin d’éviter les désagréments liés au trafic aérien pour les résidants, notamment sur le plan du bruit.

Longue route

La route a été longue pour les Coyotes depuis leur arrivée dans le désert, en 1996, jusqu’à ce vote névralgique.

L’organisation a eu sept propriétaires majoritaires différents en à peine 26 saisons. Plusieurs fois, on a prédit la fin du hockey en Arizona, notamment après la faillite du club en 2009. Année après année, les assistances de l’équipe sont parmi les plus faibles du circuit, et la franchise arrive systématiquement au dernier rang du palmarès du magazine Forbes sur la valeur des équipes de la LNH.

Depuis 10 ans, le club n’a atteint les séries éliminatoires qu’une seule fois. Les finances de l’équipe sont serrées au possible. Ses gestionnaires sont devenus des spécialistes pour gonfler artificiellement leur masse salariale en acquérant des joueurs blessés qui ne leur coûtent rien, ou presque, en argent sonnant.

En juin 2019, le milliardaire Alex Meruelo a acquis la franchise, ce qui devait lui insuffler une dose de stabilité. Or, en 2021, le site Athletic publiait une enquête révélant un environnement de travail toxique au sein du club, ainsi que des irrégularités sur le plan de la gestion financière de l’équipe. En 2022, l’équipe a dû trouver un nouvel aréna après que la Ville de Glendale, où les Coyotes jouaient depuis 2003, eut mis fin à leur bail en raison de multiples retards de paiement et factures impayées.

En attendant la construction d’un nouvel édifice, ils se sont installés au Mullett Arena, troisième et possiblement dernier domicile de leur histoire.

Advenant une relocalisation, qui pourrait être annoncée dès les prochaines semaines selon certains observateurs, la ville de Houston apparaît comme la destination la plus probable. Des rumeurs lient la LNH à la métropole texane depuis des années. Le Toyota Center, domicile des Rockets, dans la NBA, pourrait accueillir du hockey sans problème – l’aréna a déjà hébergé un club de la Ligue américaine. Les noms de Salt Lake City, Kansas City et même Atlanta ont également été évoqués au fil du temps, alors qu’une candidature de Québec, sans être impossible, apparaît à ce point improbable.