Pendant que la LNH était — encore — prise en plein tumulte des soirées pour la cause LGBTQ+ qui tournaient parfois à la controverse, des partisans et des joueurs d’une équipe junior de Seattle ont tenté de donner un coup de pouce à la cause.

Ce sont ceux des Thunderbirds de Seattle, de la Ligue junior de l’Ouest. C’est l’équipe pour laquelle s’aligne Luke Prokop, l’espoir des Predators de Nashville qui est devenu le premier joueur de hockey ouvertement homosexuel détenant un contrat avec une équipe de la LNH.

Au nombre des coéquipiers de Prokop, on trouve notamment Jared Davidson, un attaquant que le Canadien a repêché au 5tour (au 130rang) l’été dernier. Davidson s’adonne aussi à être un ami de Prokop — ils se connaissent « depuis l’âge de 13 ans », estime Davidson, les deux ayant grandi dans la région d’Edmonton.

La semaine dernière, donc, s’est déroulée une soirée thématique de la fierté gaie, en marge du duel entre les Thunderbirds et les Blazers de Kamloops. Mais la soirée a essentiellement été organisée à rebours : plutôt que ce soit l’équipe qui ait lancé l’initiative, avant d’impliquer les joueurs et les partisans, ce sont plutôt les partisans qui ont amorcé le tout, et qui ont obtenu un coup de pouce des joueurs et de l’organisation.

PHOTO FOURNIE PAR REBECCA BOWER

Des partisans derrière l’organisation d’une soirée thématique de la fierté gaie, en marge du duel entre les Thunderbirds de Seattle et les Blazers de Kamloops, dans la Ligue junior de l’Ouest

Rebecca Bower est une détentrice d’abonnement de saison derrière l’initiative. « Ça fait déjà quelques années que des partisans voulaient une soirée thématique, rappelle-t-elle en entrevue avec La Presse. Donc Luke Prokop n’était pas l’unique facteur déterminant [il est arrivé à Seattle cette saison], la situation dans la LNH non plus. Mais ça faisait partie de l’équation.

« On voyait une histoire après l’autre de joueurs qui ne faisaient pas l’échauffement ou d’équipes qui annulaient leur soirée, poursuit-elle. J’ai des proches dans la communauté LGBTQ+et j’ai pu voir l’impact que ces évènements ont eu sur eux. Donc on en a parlé dans une discussion de groupe et j’ai contacté Luke Prokop pour voir ce qu’il en pensait. »

Pour Jared Davidson, la participation des joueurs allait de soi. « Avec Luke dans l’équipe, c’était notre devoir d’aider comme on le pouvait. C’était spécial, on n’avait jamais fait ça auparavant. Je connais Luke depuis des années, j’ai grandi dans le hockey avec lui. C’était bien qu’il ait la soirée qu’il mérite. »

L’organisation des Thunderbirds a été critiquée sur les réseaux sociaux pour ne pas avoir elle-même lancé l’initiative. Le président de l’équipe, Colin Campbell, n’est pas entré dans les détails, en entrevue au Seattle Times, sur les raisons qui ont mené l’équipe à ne pas organiser de soirée thématique. Mais, rappelle Davidson, « l’équipe fait très peu de soirées spéciales comme ça ». « On en a peut-être fait deux depuis que je suis ici. » Les équipes juniors ne comptent évidemment pas sur la même machine promotionnelle que celles de la LNH.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE LUKE PROKOP

Luke Prokop

Par contre, du moment où les partisans ont lancé le projet, l’appui des Thunderbirds a été clair. De l’écran géant à la mascotte, l’équipe a appuyé les partisans par tous les moyens possibles.

« L’organisation a reçu quelques critiques, mais nos partisans en général ne sont pas nécessairement fâchés, estime Bower. Ils espèrent surtout que ça devienne une soirée officielle, que ce soit un pas dans la bonne direction. Mais les Thunderbirds nous ont donné la permission d’imprimer des chandails avec leur logo. Tyler, l’animateur de foule lors des matchs, a fait un petit discours pour remercier les partisans. »

« On a demandé à notre préposé à l’équipement de commander du ruban adhésif aux couleurs de l’arc-en-ciel », a précisé Davidson.

Les Thunderbirds évoluent dans un marché plutôt bleu. Dans l’État de Washington, lors de la dernière élection présidentielle, le démocrate Joe Biden a obtenu 58 % des voix, contre 39 % pour le républicain Donald Trump ; dans le comté de King, où sont établis les Thunderbirds, le ratio était de trois pour un (75-22) en faveur des démocrates.

Seattle est une ville très ouverte. De plus, la présence de Luke avec nous fait en sorte qu’on est beaucoup plus sensibilisés que d’autres équipes à ce qu’il vit. Il a été incroyable avec nous. Il est très ouvert à nous parler, quand on a des questions.

Jared Davidson

Prokop lui-même a d’ailleurs pris la parole sur les réseaux sociaux dans la foulée du refus de joueurs de la LNH de porter des chandails thématiques. Il a évoqué sa « déception » devant ce qu’il estime être « un recul pour l’inclusion dans la LNH ».

Lisez la déclaration de Luke Prokop (en anglais)

Davidson espère simplement que son bon ami pourra continuer de défendre la cause LGBTQ+ lorsqu’il amorcera sa carrière professionnelle de façon définitive la saison prochaine.

« J’espère juste que tout le monde dans la LNH va accepter sa réalité, peu importe où il joue. »

Les soirées de la fierté seront « évaluées »

PHOTO SPENCER COLBY, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Gary Bettman

La LNH est empêtrée dans une série de controverses au sujet de ses soirées de la fierté, si bien que le commissaire du circuit, Gary Bettman, a indiqué au réseau CTV, en début de semaine, qu’il devra « évaluer » ces évènements pendant la saison morte. « C’est en train de devenir une distraction, a déploré Bettman. L’essentiel du message est écarté en raison de décisions personnelles d’une poignée de joueurs, qu’il faut aussi respecter. » Le défenseur des Sabres de Buffalo Ilya Lyubushkin est le plus récent joueur qui a fait l’impasse sur la période d’échauffement puisque les joueurs devaient porter un chandail aux couleurs de l’arc-en-ciel. Avant lui, James Reimer, des Sharks de San Jose, de même que les frères Eric et Marc Staal, des Panthers de la Floride, ont aussi refusé de prendre part à l’échauffement, invoquant des motifs religieux. C’est également ce qu’avait fait le défenseur des Flyers de Philadelphie Ivan Provorov, premier joueur à avoir boycotté un échauffement. Les Rangers de New York, le Wild du Minnesota et les Blackhawks de Chicago ont tout simplement laissé tomber le port des chandails de la fierté par les joueurs dans le cadre des célébrations. D’autres équipes ont tenu leur évènement sans perturbation, notamment les Flames de Calgary, mardi, et le Kraken de Seattle il y a deux semaines. La soirée de la fierté LBGTQ+ du Canadien est prévue pour le 6 avril.

Guillaume Lefrançois, La Presse