Le Canadien n’a pas fait la plus douce des faveurs à Sean Farrell en l’envoyant aussi rapidement dans l’action. Le pauvre bougre est passé directement, en quelques jours à peine, du hockey universitaire à celui de la LNH, sans même s’être entraîné une seule fois avec le Tricolore.

Sa présence était plutôt un cadeau pour celles et ceux qui devaient écrire 800 mots sur un match sans histoire ni intérêt, qui s’est soldé par une victoire sans passion de 3-2 des Flyers de Philadelphie sur les Montréalais. Ce verdict a aussi scellé le sort du CH, qui ne peut mathématiquement plus atteindre les séries éliminatoires. Là non plus, ce n’est pas vraiment une histoire.

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Revenons donc à Farrell et à son catapultage sans ménagement dans la cour des grands. Vendredi dernier, son équipe de la NCAA a subi l’élimination. Dimanche, il a signé son premier contrat professionnel. Lundi, il est arrivé à Philadelphie. Mardi matin, il a déjeuné avec ses nouveaux coéquipiers. Et mardi soir, il s’élançait pour le traditionnel tour de patinoire en solitaire réservé aux joueurs qui vivent leur baptême de la LNH.

Le jeune homme, sans surprise, était survolté à l’idée de voir son rêve devenir réalité. Selon des sources bien branchées à l’intérieur du club, il ne tenait plus en place en fin d’après-midi et est arrivé très, très à l’avance dans l’autocar de l’équipe avant le départ pour l’aréna.

Sans entraînement matinal, sa préparation s’est résumée à une rapide séance vidéo tout juste avant la rencontre. Et voilà, c’était parti.

« Martin [St-Louis] m’a dit de jouer à ma manière, qu’on corrigerait mes faiblesses plus tard cette semaine », a raconté Farrell après la rencontre. « On ne voulait pas lui donner trop [d’informations], a confirmé l’entraîneur-chef. Un peu à la fois. Il fallait qu’il aille jouer. »

Verdict ? Correct, sans plus, ce qui est très bien dans les circonstances. Farrell a beau avoir dominé les rangs universitaires au cours des derniers mois, le défi était monumental, encore davantage pour un joueur de petit gabarit comme lui. Utilisé à la gauche de Jonathan Drouin et de Denis Gurianov, il a été sollicité pendant un peu plus de 13 minutes.

De l’aveu même de Drouin, ce trio n’a pas créé grand-chose offensivement. Le nouveau venu, toutefois, n’a pas mis son équipe dans le pétrin défensivement, malgré qu’il ait parfois paru un peu largué dans sa zone.

Si la vitesse du jeu l’a particulièrement impressionné, il s’est aussi aperçu que la robustesse de ses adversaires n’était pas celle de la NCAA. Nicolas Deslauriers et Rasmus Ristolainen le lui ont d’ailleurs rappelé.

« Ça frappe certainement plus dur qu’à l’université », a-t-il admis en souriant.

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Sean Farrell durant la période d’échauffement avant la rencontre

Décision

On peut néanmoins se demander, le plus simplement du monde : pourquoi l’avoir fait jouer aussi rapidement ?

L’année dernière, Jordan Harris a fait la même transition, mais autrement plus en douceur. Il a regardé deux matchs dans les gradins et participé à quelques entraînements avant d’être envoyé dans la mêlée.

Dans une courte rencontre informelle avec les représentants des médias affectés à la couverture du Canadien, Jeff Gorton, vice-président aux opérations hockey de l’équipe, a expliqué que l’organisation souhaitait voir rapidement Farrell en uniforme, puisqu’il ne restait plus que huit matchs à la saison – maintenant sept. En comparaison, il en restait le double lorsque Harris a rejoint le CH il y a un an.

Gorton a aussi invoqué que la famille de Farrell s’était déplacée pour le voir jouer. L’argument tient plus ou moins la route, puisque le jeune homme a avoué aux journalistes qu’il avait déduit la veille qu’il allait affronter les Flyers.

D’ailleurs, on ne se risquera pas à lire à l’excès le langage non verbal de Martin St-Louis, mais celui-ci, quelques heures avant le match, n’avait absolument pas l’air emballé par la tournure des évènements. Par deux fois, il a répondu aux reporters que le choix d’employer Farrell était « une question pour Kent » ; Kent Hughes, donc, directeur général du Tricolore.

En son nom, Jeff Gorton a reconnu que les entraîneurs préféraient généralement garder leur formation intacte après une victoire – deux, même, dans le cas qui nous occupe. Et il a assuré que St-Louis avait « le dernier mot » sur la composition de son effectif. La décision de faire jouer Farrell a été prise au terme de « discussions » qui n’ont pas causé de différend entre les gestionnaires et l’entraîneur, a-t-il encore dit.

On n’a d’autre choix que de le croire sur parole. Mais le faciès glacial de St-Louis envoyait un message différent, disons.

Jonathan Drouin a reconnu que, sans être impossible, le défi de disputer un premier match sans davantage de préparation était complexe. « Je pense que [Farrell] a bien fait ça », a-t-il estimé.

« Quand un joueur n’a pas de répétitions [à l’entraînement], il doit penser beaucoup, c’est normal. » Gurianov et Drouin ont tenté de communiquer le plus possible avec lui, « mais il avait des jeux plein la tête à assimiler en quelques heures ».

« Avec le temps, ce sera plus facile pour lui. Et le temps de pratique va l’aider. »

St-Louis a abondé dans le même sens, ajoutant que d’affronter les Flyers n’était pas de tout repos non plus. Il a quant à lui apprécié les « bonnes intentions » de son nouveau protégé.

Sean Farrell, lui, a sans doute bien dormi après ce marathon physique et émotionnel. Sa carrière commence à peine, il aura la chance d’écrire sa propre histoire. Et ce, même si le premier chapitre s’est amorcé de manière un peu précipitée.

En hausse

PHOTO MATT SLOCUM, ASSOCIATED PRESS

Cayden Primeau

Vingt-quatre arrêts dans une défaite dont il n’est pas responsable, bien au contraire. Quelques arrêts clés ont gardé son équipe dans le coup.

En baisse

PHOTO MATT SLOCUM, ASSOCIATED PRESS

Justin Barron

Combien de fois est-il tombé pendant ce match ? On a cessé de compter. Une soirée brouillonne pour lui. Il était sur la glace pour les deux premiers buts des Flyers.

Le chiffre du match

18 916

C’est le chiffre officiel qui se trouve sur la feuille de match pour quantifier la foule en présence au Wells Fargo Center. C’est, au mieux, une grossière surestimation. Les gradins vides et le silence des spectateurs sur place donnaient une ambiance funeste à un lieu autrefois réputé pour son hostilité.

Ils ont dit

J’essayais surtout de ne pas tomber ! Ç’a été une expérience incroyable. En plus, je voyais mes amis qui m’encourageaient à travers la baie vitrée.

Sean Farrell, au sujet de son tour de patinoire en solitaire

J’ai essayé le plus possible d’écouter des matchs du Canadien pendant la saison, mais ce n’était pas facile avec l’école et le hockey… J’ai toutefois regardé la rencontre de lundi à Buffalo.

Sean Farrell

Je lui lève mon chapeau [d’avoir joué aussi tôt]. Peut-être que c’était bien qu’il n’ait pas le temps d’y penser. Il a pu juste aller faire ce qu’il sait faire.

Cayden Primeau au sujet de Sean Farrell

C’était le genre de match dont on dirait que ç’allait rester serré jusqu’à la fin. Ça n’a pas été de notre côté. Notre exécution n’était pas excellente, on était un groupe fatigué. C’est normal, avec trois matchs en quatre soirs, le voyagement. Le mérite revient aussi aux Flyers, une équipe difficile à affronter.

Martin St-Louis

C’était mort dans l’édifice au début, il fallait trouver nous-mêmes notre énergie. On connaît la façon dont ils jouent, ils envoient des rondelles profondément et font de l’échec avant. On a bien joué, mais ils ont obtenu un lancer de plus que nous qui est rentré dans le but. Il faut vivre avec ça.

Jonathan Drouin

Dans le détail

Bonne note pour Primeau

N’eût été les débuts de Sean Farrell, on aurait probablement parlé pas mal plus de la performance de Cayden Primeau. Le gardien n’avait pas amorcé un match avec le Canadien depuis plus d’un an. Les dernières fois qu’on l’avait vu jouer dans la LNH, ç’avait été ordinaire, au mieux. Or, le jeune homme connaissait de très bons moments dans la Ligue américaine au moment de son rappel, et ça s’est reflété au niveau supérieur. Primeau a affiché une confiance et un aplomb fort encourageants. « Il a été notre meilleur joueur », a estimé Brendan Gallagher. « Il a joué un excellent match, je suis content pour lui », a complété Martin St-Louis. « Je me sentais bien, a lui-même noté Primeau. Je voulais que le pointage demeure serré et qu’on garde une chance de gagner jusqu’à la fin. » Il estime que ses récents succès avec le Rocket de Laval ont contribué à hausser son niveau de confiance. Le gardien a été cédé au Rocket immédiatement après la rencontre. Il n’est toutefois pas exclu qu’on le revoie à Montréal d’ici la fin du calendrier.

Harvey-Pinard en douleur

Réputé pour son expertise à bloquer des tirs, Rafaël Harvey-Pinard a vu sa spécialité lui faire du mal en deuxième période. Alors que les Flyers évoluaient avec un homme en plus, le défenseur Rasmus Ristolainen a décoché un puissant tir qui a heurté le pied gauche du Québécois de plein fouet. Le pauvre attaquant du CH est resté sur la glace tant bien que mal, visiblement incapable de patiner pour la peine, et les locaux ont profité du double avantage momentané pour inscrire leur premier but. Johnathan Kovacevic a alors enfin pu aider son coéquipier à rentrer au banc. On ne s’attendait pas à revoir Harvey-Pinard, qui a retraité sur-le-champ au vestiaire, mais, surprise, il était de retour cinq minutes plus tard et a terminé la rencontre.

Ça se poursuit pour Gallagher

Mine de rien, Brendan Gallagher a désormais presque autant de buts (3) en cinq matchs depuis qu’il est revenu de sa longue convalescence qu’au cours de ses 25 premières sorties de la saison (4). À Philadelphie, l’ailier de 30 ans a marqué de la manière qu’il préfère : à courte distance, en sautant sur une rondelle libre. Il a servi un tir parfait dans la partie supérieure au gardien Felix Sandstrom, qui n’y pouvait rien. Gallagher n’a pas discuté de son but après le match. La veille, toutefois, il avait indiqué à quel point Jake Evans – son joueur de centre du moment – et lui souhaitaient « finir la saison en force », après avoir chacun raté beaucoup d’action. À l’évidence, ils ont pris ce défi au sérieux.