S’il y a un joueur dans le vestiaire du Canadien qui sait ce que s’apprête à vivre Sean Farrell, c’est Jordan Harris.

La saison dernière, Harris avait lui aussi fait le saut des rangs universitaires à la LNH, en fin de saison, sans camp d’entraînement ni matchs préparatoires à ce calibre. Soit à peu près l’équivalent d’apprendre à votre enfant de 5 ans à nager dans le 12 pieds à la piscine du quartier, sans flotteurs (ne faites pas ça).

Question d’ajouter un degré de difficulté, Harris avait disputé son premier match contre le Lightning de Tampa Bay, alors double champion en titre et futur finaliste de la Coupe Stanley. Comme si ça ne suffisait pas, ce match du 2 avril 2022 avait lieu à Tampa.

Harris s’en était bien tiré, finissant le match avec un rendement de + 1, et Martin St-Louis avait réussi à le protéger en l’opposant principalement au quatrième trio du Lightning. Mais on retrouvait un certain Corey Perry au sein de ce trio, un gars qui, sans être le gagnant du trophée Hart qu’il était il y a 12 ans, est encore capable de faire une chose ou deux avec un bâton de hockey.

C’est justement ce qui avait frappé Harris : la différence entre un quatrième trio dans la NCAA et un quatrième trio dans la LNH.

« Un quatrième trio dans la Ligue nationale, ce sont des joueurs qui ont été des All-American [l’équivalent des équipes d’étoiles] à l’université, qui étaient les meilleurs de l’OHL [Ligue junior de l’Ontario]. Il y a tellement de talent.

« C’est le nombre de jeux réussis pendant un match et la profondeur des formations. Du premier au quatrième trio, tout le monde peut marquer, passer, tirer. Tu arrives et tu dis : OK, tout fonctionne ici. »

Un contrat

Depuis le temps qu’on en parle, c’est enfin réglé : Farrell s’est entendu avec le Canadien et devrait terminer la saison avec l’équipe.

Dimanche matin, le Tricolore a annoncé une entente de trois ans, qui entre en vigueur dès cette saison, d’une valeur annuelle moyenne de 1,158 million de dollars. Farrell écoulera dès ce printemps la première année de l’entente, qui expirera en 2025.

L’ailier de 21 ans, choix de 4e tour en 2020 qui excède les attentes jusqu’ici, rejoindra ses nouveaux coéquipiers à Buffalo, où l’équipe affrontera les Sabres ce lundi. La date de son premier match demeure inconnue, mais après la victoire convaincante de samedi, il serait surprenant qu’il joue dès lundi.

Il va être dans notre environnement, va voir comment les choses se passent, le calendrier, le quotidien d’une équipe, il va connaître le personnel.

Martin St-Louis, entraîneur-chef du Canadien

C’est une période de l’année où les étapes se bousculent pour les joueurs universitaires. À titre comparatif, Harris avait été éliminé le 25 mars 2022. Le lendemain, il signait son contrat avec le Tricolore et une semaine plus tard, il chaussait les patins dans la grande ligue.

Harris se souvient surtout d’un ami qui l’avait texté pour lui dire qu’il était « à sa place ». « Il m’avait dit de garder ma confiance, raconte le numéro 54 du Canadien. La marche est haute, mais tout le monde fait le saut tôt ou tard. Tout le monde est nerveux pour son premier match. Les joueurs à ce niveau sont en effet très bons, mais il ne faut pas non plus leur accorder trop de respect.

« Il y a une raison pour laquelle Sean se joint à nous : c’est un très bon joueur. Je vais lui dire d’en profiter. Tu ne seras pas parfait à ton premier match, tu vas commettre des erreurs. Martin m’avait dit ça, et ça m’avait beaucoup aidé à me calmer. »

Farrell vient de connaître une saison impressionnante à l’Université Harvard, où il a inscrit 53 points en 34 matchs. Sa moyenne de 1,56 point par match a été la deuxième de toute la NCAA, derrière l’espoir du prochain repêchage Adam Fantilli.

Contexte différent

Au classement, le Canadien de l’an dernier qui accueillait Harris était dans une position similaire à celui de ce printemps qui attend Farrell : loin. L’an passé, Montréal venait au 32e et dernier rang le 2 avril au matin. Cette année, le club pointe au 28e rang, et son élimination officielle de la course aux séries sera confirmée d’une journée à l’autre.

Sauf qu’aux yeux de St-Louis, l’environnement de l’équipe a grandement changé en un an.

« On est plus avancés dans notre progression, plus organisés. Le groupe sait comment on fait les choses, donc ce sera plus facile d’intégrer un jeune. Il ne doit pas prendre de trop grosses bouchées. Il doit savourer le moment, ne pas essayer d’être parfait et juste jouer. »

En bref

De Curé-Labelle au Centre Bell

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @CANADIENSMTL

Martin St-Louis et Mats Näslund

Mats Näslund assistait au match de samedi, et Martin St-Louis a eu droit à sa photo avec celui que l’on surnommait autrefois « le petit Viking ». La photo était évidemment spéciale pour St-Louis, lui qui portait le 26 notamment en hommage à Näslund. Ce n’était pas non plus leur première rencontre. « Je l’ai rencontré, je pense que c’était au Sports Rousseau à Laval sur Curé-Labelle. Lui et Kjell Dahlin signaient des autographes, mon père m’avait amené et j’ai une photo de moi entre les deux. Mats, c’était mon idole. Je suis content de l’avoir rencontré dans un contexte différent. Il est une grande raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui, parce qu’il m’a inspiré. »

Harvey-Pinard, le jour d’après

Douze joueurs ont chaussé les patins pour l’entraînement optionnel de l’équipe avant le départ pour Buffalo. Parmi eux, on retrouvait le héros du match de samedi, Rafaël Harvey-Pinard, auteur d’un tour du chapeau. Amplement sollicité dans les entrevues d’après-match samedi, le Saguenéen était de retour devant les micros en ce dimanche midi. « C’était une soirée haute en émotions. Pour me calmer, pour descendre du nuage, ça a fait du bien d’embarquer sur la patinoire, de tirer au filet. J’aime ça embarquer entre les matchs, pour ne pas passer une journée complète sans rien faire. »

Armia patine

Enfin, Joel Armia s’est exercé en solitaire sur la patinoire. Le gros ailier droit n’a pas joué depuis le 21 février en raison d’une infection respiratoire. La date de son retour au jeu demeure inconnue.

La saison de Dobes terminée

Après Sean Farrell vendredi, c’était au tour d’un autre espoir du Canadien, Jakub Dobes, de voir sa saison prendre fin. Le grand gardien et les Buckeyes de l’Université Ohio State ont été battus 4-1, dimanche, par Quinnipiac en finale régionale. Le Tricolore comptera donc trois espoirs au Frozen Four, soit le carré d’as du championnat de la NCAA : Lane Hutson et Luke Tuch (Boston University), de même que Rhett Pitlick (Minnesota). Le Canadien est d’ailleurs assuré d’être représenté en finale puisque Boston University et le Minnesota s’affronteront en demi-finale le 6 avril. Quant à Dobes, il faudra suivre sa situation de près, car même s’il a deux autres années d’admissibilité à l’université, il pourrait faire le saut chez les professionnels. Sa décision, nous disait-on il y a quelques semaines, allait notamment dépendre des décisions de ses coéquipiers, qui doivent eux aussi déterminer s’ils restent à l’école la saison prochaine.

Guillaume Lefrançois, La Presse