(Sunrise) Avec 12 minutes 27 secondes à faire à la deuxième période, Jake Allen est sorti de son filet en vitesse pour retourner dans le couloir du vestiaire et revenir s’asseoir sur le tabouret du réserviste avec une casquette rouge sur la tête.

Ainsi, Jake Allen allait être remplacé par Samuel Montembeault, qui venait d’être remplacé par Jake Allen. Un gardien qui est remplacé, ça arrive, mais un gardien qui remplace un autre gardien qui l’avait remplacé lors de la période précédente, c’est plus rare.

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Ce qui est moins rare, c’est une défaite du Canadien, et celle-ci a été spectaculaire : 9-5 face aux Panthers de la Floride, qui devaient se demander s’ils affrontaient un club de la Ligue nationale.

« On avait l’air d’un club de hockey de rue, et eux avaient l’air d’un club qui se bat pour une place en séries… C’est assez inacceptable de notre part », a résumé Nick Suzuki en fin de soirée, avec beaucoup d’à-propos.

Ce n’était pourtant pas une soirée à thématique années 1980 à l’aréna FLA Live, mais le score final a évoqué de beaux souvenirs de cette douce époque où Greg Millen et John Garrett faisaient fureur en même temps que les épaulettes et Bananarama.

Le score indique bien sûr que ça n’a pas été une bonne soirée pour les gardiens. Pas pour Sergei Bobrovsky, et encore moins pour Montembeault et Allen. Incidemment, les deux hommes n’ont pas été rendus disponibles par la direction du club lors de la période des questions en fin de soirée.

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Sam Reinhart (13) déjoue Jake Allen (34) en première période.

« Ç’a été un mauvais match de notre part, on ne les a pas aidés et on les a laissés tomber, a expliqué Rem Pitlick. On ne peut pas jouer comme ça devant eux. »

Il y a bien des affaires que l’on va découvrir lors des 13 matchs qui restent à cette interminable saison, et parmi celles-ci, on va découvrir, si ce n’est déjà fait, qu’il n’y a aucun véritable gardien numéro un dans cette organisation.

Ce menu détail est important, parce que le Canadien aspire à quelque chose, pas maintenant ni demain, mais un jour peut-être, et que dans cette ligue, à moins d’avoir un club paqueté comme l’Avalanche d’il y a un an, on ne gagne pas avec deux gardiens numéro deux.

L’administration précédente n’a jamais pensé à trouver un successeur à Carey Price, et il faudra que celle-ci y pense un jour.

En attendant, il y aura des soirées comme celle-là à Sunrise.

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L’entraîneur-chef du Canadien Martin St-Louis observe la rencontre depuis le banc.

« Ç’a été un match bizarre, a noté le défenseur David Savard après la rencontre. C’est allé d’un côté et de l’autre lors de la première période. Ça n’était pas très plaisant… La soirée au complet a été bizarre, la première période a été vraiment bizarre. Ç’a juste été un match décevant.

Peu importe ce qu’ils faisaient, la rondelle se retrouvait dans le but. C’est dommage de laisser nos gardiens dans de telles situations. Ça n’est jamais plaisant. On essaie de faire de notre mieux devant eux, mais ça, c’est un match à oublier.

David Savard

Le temps des auditions se poursuit donc. Le temps des évaluations se poursuit aussi, et on se demande bien ce que le directeur général Kent Hughes pense de tout ça et, surtout, ce qu’il pense de la situation devant le filet, qui ne saurait être ignorée.

On rappelle qu’il y a un an à peine, le DG avait laissé entendre qu’à ses yeux, il n’y avait aucun gardien du calibre d’un numéro un dans son organisation. Ce constat n’a probablement pas changé en 2023.

Ils ont dit

Les deux gardiens ont été nos meilleurs joueurs cette saison, les plus constants. On les a laissés tomber, on ne peut pas donner à l’adversaire autant de chances de qualité. Notre jeu en défense est pauvre depuis les derniers matchs.

Nick Suzuki

On était censés être reposés, on n’avait pas pratiqué mercredi, on a eu congé d’entraînement jeudi matin… On n’a pas d’excuses.

Anthony Richard

Défensivement, on a oublié toutes nos affaires. Offensivement, on avait trois tirs en début de match. On doit savoir comment jouer en défense… Je ne sais pas si c’est un manque d’effort. Je dirais qu’on n’était pas très intelligents sur la glace.

Martin St-Louis

Dans le détail

Une première depuis longtemps

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Jusqu’ici, le Canadien n’avait accordé sept buts en première période que deux fois dans son histoire, soit en 1938 contre les Maroons de Montréal, et en 1985 contre les Whalers de Hartford.

Le Canadien a amorcé le match comme il le voulait : en donnant confiance aux Panthers, pour ensuite espérer retourner cet excès de confiance contre eux et les surprendre. Le deuxième bout n’est pas arrivé, par contre, et les Panthers ont pu se bâtir une confiance avec au total sept buts en première période. C’est rare, ça, sept buts en première période ? En effet. En fait, jusqu’ici, le Canadien n’avait accordé sept buts en première période que deux fois dans son histoire, soit en 1938 contre les Maroons de Montréal, et en 1985 contre les Whalers de Hartford. Le Canadien avait fini par perdre ce match 11-6 à Hartford, ce qui signifie que la chanson des Whalers, le classique Brass Bonanza, avait été entendue à 11 reprises ce soir-là, ce qui est peut-être plus fabuleux que le score lui-même.

Bobrovsky : pas vraiment mieux

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Sergei Bobrovsky

Bien sûr que les deux gardiens du Canadien ont connu une soirée plutôt difficile jeudi soir à Sunrise, mais devant le filet des Panthers, Sergei Bobrovsky n’avait pas exactement l’air de Martin Brodeur. En fait, le gardien russe a paru très chancelant lui aussi, au point d’accorder 3 buts sur les 3 premiers tirs du Canadien. Les fans lui ont accordé des applaudissements sarcastiques lorsqu’il a enfin réussi un arrêt sur le quatrième tir des Montréalais. Malgré cette performance pour le moins erratique, Bobrovsky n’a pas été retiré du match par l’entraîneur Paul Maurice. Pourquoi ? Sans doute parce que le réserviste des Panthers en ce jeudi soir était Mack Guzda, un gardien de 22 ans originaire du Tennessee, jamais repêché. Guzda a joué 25 matchs dans la Ligue américaine cette saison. Son baptême de la LNH devra attendre à une autre fois…

Pas comme en décembre…

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L’une des plus fières traditions pour les bonnes gens du Québec au temps des Fêtes consiste à venir voir le Canadien à Sunrise pour une fraction du prix, à envahir les plages en faisant jouer Embarque ma belle très fort sur un haut-parleur portatif et à ensuite chialer contre le Bye bye lors du vol de retour. Bien sûr que mars, ce n’est pas décembre, mais tout de même, le Québec semblait avoir quitté la région de Sunrise-Fort Lauderdale en ce chaud jeudi soir, puisqu’il y avait de nombreux bancs vides (foule de 17 372 spectateurs, selon la feuille de match) et bien peu de chandails tricolores. Mais le score final du match laisse comprendre que le Québec a bien fait de rester à la maison.