Il y a de ces citations qui collent à la peau de leur auteur. Marc Bergevin, par exemple, a mis du temps à faire oublier sa fameuse allégorie du PlayStation, expliquant qu’il était plus facile de conclure des transactions dans les jeux vidéo que dans la vraie vie. Même s’il a ensuite conclu plusieurs marchés osés (allô, P.K. Subban), l’image du PlayStation n’était jamais bien loin.

Kent Hughes, lui, ne devrait pas avoir à justifier son inaction trop souvent. « Jeff [Gorton] a dit qu’il allait m’attacher à mon bureau pour m’empêcher de faire un échange par semaine ! », a laissé tomber le directeur général, à la blague, vendredi.

Pour la première fois de son mandat de DG du Canadien, Hughes s’est en effet buté à un mur. Occupé à la date limite des transactions 2022, hyperactif l’été dernier, il a cette fois dû se contenter de miettes.

Le terme ici n’est pas pour dénigrer Denis Gurianov, Frédéric Allard ou même ce brave Tony Sund, qui apparaissait sur bien peu de cartes de bingo pour cette date limite des transactions.

C’est plutôt pour rappeler que contrairement aux autres moments charnières de son règne, il a été incapable d’atteindre ses objectifs, face à un marché qui ne voulait pas de ce qu’il avait à vendre.

« On aurait aimé faire un ou deux échanges de plus, a convenu Hughes, lors d’une rencontre d’une trentaine de minutes avec les médias à Brossard. Mais des échanges, c’est toujours pour avancer dans notre objectif de bâtir une équipe qui peut gagner de façon constante. Et on n’a pas trouvé d’échange qui nous aurait fait avancer. »

Deux saisons, deux réalités

C’est donc un hiver aux antipodes de celui de l’an dernier que Hughes vient de connaître.

Le DG recrue avait en effet amorcé sa nouvelle carrière sur les chapeaux de roues. Confirmé dans ses fonctions le 18 janvier 2022, il concluait son premier échange d’importance un mois plus tard, le 14 février, envoyant Tyler Toffoli à Calgary.

Ben Chiarot, Artturi Lehkonen et Brett Kulak allaient ensuite y passer.

Il faut dire qu’il échangeait alors des joueurs en pleine santé, qui venaient de réussir un improbable parcours en séries le printemps précédent. L’utilité de Lehkonen s’était révélée lors de ces séries 2021 et l’Avalanche en a eu pour son argent l’an dernier.

De toutes ces transactions, Hughes a obtenu Justin Barron, qui commence à prendre ses aises dans la LNH, deux choix de premier tour (un à venir, un autre qui est devenu Filip Mesar), deux choix de deuxième tour (un à venir, un autre qui est devenu l’intrigant Lane Hutson), un projet intéressant en Emil Heineman et d’autres choix au repêchage.

L’été venu, il avait notamment pour objectifs de trouver un centre de deuxième trio pour épauler Nick Suzuki et de régler l’épineux dossier de Jeff Petry. À cela s’ajoutait un surplus à venir de défenseurs gauchers. Ces dossiers se sont réglés d’abord au repêchage, avec l’échange à trois qui lui a valu Kirby Dach, puis en juillet quand il a trouvé preneur pour Jeff Petry.

Les blessures, encore et toujours

Que s’est-il donc passé cette fois ? Des blessures. Beaucoup de blessures. C’est du moins ce qui a compliqué les choses pour Monahan et Edmundson⁠1.

Le contrat d’Edmundson expire en 2024. « Son nom circulait pendant un certain temps sur le marché, dans les rumeurs. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais sa blessure a eu un effet… Je me mets dans les souliers des équipes qui s’intéressaient à lui et ça m’aurait moi aussi influencé », a admis Hughes.

Le grand défenseur est revenu au jeu jeudi, jouant 16 minutes, mais il en aurait visiblement fallu plus pour un joueur aux prises avec des maux de dos récurrents.

Comme Monahan, Jonathan Drouin écoule la dernière année de son contrat. Malgré une production soutenue depuis le 1er janvier (13 points en 18 matchs), il a marqué un but en 39 matchs cette saison et a subi sa part de blessures ces dernières années.

« Tout le monde a noté une amélioration dernièrement et le Canadien en bénéficie, mais le plafond et d’autres trucs ont compliqué la donne. On est contents qu’il finisse la saison avec nous », a indiqué Hughes.

Et puis, la finale de 2021 commence à être loin. De tous les joueurs « échangeables », Edmundson et Josh Anderson sont les seuls qui y ont activement participé.

Si la santé d’Edmundson l’a trahi, le long contrat d’Anderson n’a sans doute pas aidé. Son entente expire en 2027, et aucun joueur ayant un contrat à si long terme n’a été échangé cet hiver. Le joueur au plus long contrat qui a déménagé est le défenseur Mattias Ekholm, dont l’entente expire en 2026. Idem pour Shea Weber, mais c’est une tout autre discussion.

Gurianov aura donc été l’unique ajout à la formation principale cet hiver, sur le marché des transactions. C’est un pari, un projet, un saut dans le vide, diraient les plus romantiques.

« On a fait l’échange avec le plan de le garder, a assuré Hughes, au sujet du joueur qui deviendra autonome avec compensation cet été. Mais tout le monde a un travail à faire et le nôtre est de l’évaluer. Quand on est arrivés l’an passé, un de nos problèmes était l’espace sous le plafond. Cet été, on aura de la flexibilité pour la première fois, mais chaque joueur devra valoir son contrat. »

Malgré ce maigre bilan, Hughes n’était pas non plus abattu. Les blessures ont certes été le caillou dans son soulier, mais ces blessures ont permis aux jeunes Kaiden Guhle, Jordan Harris, Arber Xhekaj et Rafaël Harvey-Pinard, pour ne nommer qu’eux, de se faire valoir dans des rôles plus importants que prévu.

« On a vu de la progression individuelle, collective et de notre personnel d’entraîneurs, a noté Hughes. On a progressé dans notre reconstruction dans le sens où l’on sait plus ce qu’il faut faire. Mais on doit encore ajouter des éléments pour se retrouver là où on veut être. »

Sa prochaine chance de le faire viendra à l’approche du repêchage, et peut-être aussi le jour même du repêchage, si la loterie lui sourit.

1. Lisez « Sean Monahan a subi une deuxième blessure »