(Los Angeles) Il y a des coups de téléphone plus difficiles à donner que d’autres. Rob Blake peut en témoigner.

Tard mardi soir, le directeur général des Kings de Los Angeles a appelé Jonathan Quick pour lui apprendre qu’il venait d’être échangé aux Blue Jackets de Columbus.

Reprenons : il a appelé le meilleur gardien de l’histoire de la franchise pour lui apprendre qu’à 37 ans, alors qu’il écoule la dernière année de son contrat et que son équipe pourrait faire un bout de chemin en séries éliminatoires, il venait d’être échangé au club qui occupe le dernier rang du classement général de la LNH.

La conversation, on s’en doute, n’a pas été la plus agréable de la carrière des deux interlocuteurs. Un détail mérite ici d’être mentionné : Quick se trouvait avec l’équipe à Winnipeg et Blake, à Los Angeles. Comme la transaction a été conclue en soirée et que les deux joueurs obtenus des Jackets devaient se mettre en route vers la cité des anges, il était impossible d’attendre au matin pour annoncer la nouvelle à Quick en personne.

L’Américain a donc dû faire le voyage de retour à bord de l’avion des Kings. Le journaliste Frank Seravalli, du site Daily Faceoff, a décrit comme « sombres » les quelques heures qu’a duré le vol. Quick est allé saluer chacun de ses coéquipiers. Des larmes ont coulé. Dire que le gardien est « mécontent » tient de l’« euphémisme », a écrit le même Seravalli.

En visioconférence, mercredi, Blake semblait sincèrement navré de la succession des évènements. À plus d’une reprise, il a invoqué l’urgence du moment. Il aurait cent fois préféré lui parler les yeux dans les yeux, ne serait-ce que par respect pour Quick, qui a soulevé la coupe Stanley à deux reprises dans l’uniforme des Kings, en 2012 et en 2014.

Il a aussi répété à quel point l’organisation était « reconnaissante » et « redevable » envers celui qui pointe au troisième rang au chapitre des victoires en carrière pour un gardien né aux États-Unis.

Bon coup

Quick, donc, a été échangé en compagnie d’un choix de premier tour aux Jackets en retour du défenseur Vladislav Gavrikov et du gardien Joonas Korpisalo. Les deux ont voyagé vers Los Angeles mercredi et devraient y affronter le Canadien ce jeudi soir.

Dans une stricte perspective sportive, les Kings ont conclu un excellent marché. Quick avait certes rebondi, la saison dernière, après des campagnes difficiles, au cours desquelles il a notamment composé avec toutes sortes de blessures.

Or, cette saison, il n’était plus l’ombre du gardien qu’il avait déjà été. Son taux d’efficacité catastrophique de ,876 le place au 49e rang parmi les 50 gardiens du circuit qui ont disputé au moins 20 matchs. Et ce, alors que son contrat est lourd de 5,8 millions de dollars sur la masse salariale de l’organisation qui l’emploie.

À quelques jours de la date limite des transactions, Blake voulait fournir du renfort à son équipe en défense et devant le filet. Il a vu ses hommes batailler toute la saison pour demeurer dans la course et, dans une Association de l’Ouest où tout semble possible, il a vu la possibilité de s’améliorer.

Pour y arriver, Rob Blake devait se donner une marge de manœuvre budgétaire. Cela impliquait de sacrifier Jonathan Quick.

Au cours des derniers jours – pas avant, assure-t-il –, le nom du gardien s’est invité dans les discussions avec ses homologues. On connaît la suite de l’histoire.

La suite, peut-être, mais pas nécessairement la fin. Les Blue Jackets ne disputent leur prochain match que vendredi soir, soit quelques heures après la fin de la période des échanges. Il est loin d’être acquis que Quick sera encore un membre de cette équipe à ce moment.

« On va rester en communication avec lui », a simplement dit le directeur général des Jackets, Jarmo Kekäläinen, qui a lui aussi parlé aux journalistes, mercredi.

Respect

Kekäläinen a souligné à gros traits à quel point il avait « le plus grand respect pour Quick et pour sa carrière ». Il souhaite donc « faire la bonne chose » avec son nouveau gardien. Lire ici : potentiellement lui trouver une nouvelle adresse d’ici à vendredi. Déjà, des rumeurs l’envoient à Vegas.

Ce détail n’est pas banal. Il témoigne d’à quel point Quick jouit d’une réputation enviable à travers la ligue.

Simon Gagné a passé une saison et demie chez les Kings, de 2011 à 2013. Un passage relativement succinct, mais au cours duquel il a amplement eu le temps de connaître Quick.

Dans une courte entrevue avec La Presse, le Québécois a raconté n’avoir gardé que de bons souvenirs de lui. Il se rappelle « un bon coéquipier et un bon père de famille ». Leurs enfants jouaient ensemble dans les activités familiales organisées par l’équipe.

Un peu à la manière de Martin Brodeur, poursuit Gagné, Quick sait être « relax » le jour des matchs, passer du temps avec ses coéquipiers, s’amuser, placoter. « Ce n’est pas un gars vocal, mais il veut faire partie de la solution, alors il ne se gêne pas pour dire son point de vue avec les leaders. »

Sans lui, la conquête de la Coupe Stanley en 2012 n’aurait jamais été possible, croit-il. Le gardien, de fait, avait reçu le titre de joueur par excellence des séries.

Ce n’est donc pas un hasard si, immédiatement après avoir raccroché avec Quick, Blake a téléphoné à Anze Kopitar et à Drew Doughty pour leur faire part de la situation. Pour qu’ils communiquent la nouvelle à leurs coéquipiers, aussi.

« Étaient-ils sous le choc ? Déçus ? », a demandé un journaliste. « Les deux », a répondu le DG.

Tout est là.