(Québec et Montréal) François Legault exige que les responsables de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) s’expliquent concernant les allégations d’initiations violentes perpétrées au cours des dernières décennies dans le milieu du hockey junior au pays. L’opposition, elle, souhaite que la ligue soit convoquée en commission parlementaire, un exercice auquel le commissaire Gilles Courteau ne ferme pas la porte.

« C’est dégueulasse ! », a dénoncé mardi le premier ministre. Un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté le 3 février dernier une demande d’action collective qui avait été déposée par trois plaignants au nom des 15 000 joueurs ayant évolué depuis 50 ans dans l’une des équipes de la Ligue junior de l’Ouest (WHL), de la Ligue junior de l’Ontario (OHL) ou de la LHJMQ.

Le juge a refusé de recevoir l’action collective pour des raisons techniques, mais il n’a pas remis en doute la véracité des témoignages. On y décrit entre autres des actes liés à des joueurs d’âge mineur qui font état de bâtons insérés dans l’anus, de mutilation génitale et de victimes humiliées en étant aspergées d’urine ou d’excréments. « La Ligue junior majeur du Québec, il est temps qu’ils s’expliquent. Je n’accepte pas qu’ils ne répondent pas à vos demandes d’entrevue. C’est très grave, ce qui est arrivé à des jeunes », a dénoncé le premier ministre François Legault.

En entrevue avec La Presse, le commissaire de la LHJMQ, Gilles Courteau, affirme qu’il n’a pas donné d’entrevue immédiatement « puisque c’est toujours la Ligue canadienne de hockey (LCH) qui a parlé dans le dossier des initiations ». « La LCH n’a pas parlé devant les médias hier et, honnêtement, je ne comprends pas pourquoi », a martelé le gestionnaire, qui juge la situation « inacceptable, même dégoûtante ».

« C’est vraiment désastreux pour les joueurs qui auraient subi ce genre d’initiation », ajoute-t-il, en se disant par ailleurs « disposé à collaborer avec les instances gouvernementales, comme on l’a toujours fait », notamment en témoignant devant les élus.

Néanmoins, poursuit M. Courteau, « des humiliations comme elles sont mentionnées, il n’y a jamais personne dans la ligue qui est venu me raconter qu’il aurait subi ce genre d’initiation là ». « Jamais, ce n’est jamais arrivé », insiste-t-il.

Le commissaire appelle d’ailleurs à la prudence, avant d’affirmer qu’il existe une « culture toxique » dans le monde du hockey junior. « C’est un problème de société. Ce sont des problèmes qui surviennent partout dans les écoles, dans les compagnies, dans la société. Je ne veux pas nier ça, mais d’accoler la culture toxique au hockey : disons qu’on ne peut pas éliminer complètement tous les éléments négatifs dans la société », affirme-t-il en ce sens.

Gilles Courteau assure que son organisation fait tout ce qu’elle peut pour « encadrer les joueurs hors et sur glace, pour qu’ils se développent dans un environnement sain et sécuritaire ». « C’est tolérance zéro chez nous. On a un code d’éthique depuis 2019, et les joueurs doivent le signer et le lire chaque année. Ils savent qu’ils sont susceptibles de sanctions quand il y a des manquements. On a aussi été les premiers à mettre en place un programme d’aide aux joueurs », fait valoir le commissaire.

Ce dernier se dit néanmoins « ouvert » à regarder « d’autres options, d’autres idées ou d’autres programmes qu’on pourrait mettre de l’avant ». « On ne détient pas la vérité à 100 %, et on ne dit pas qu’on est parfaits, donc oui, on est ouverts à discuter », illustre M. Courteau.

QS dépose un mandat d’initiative

Plus tôt mardi, le député de Québec solidaire (QS) Vincent Marissal avait soumis un mandat d’initiative aux députés qui siègent à la commission parlementaire de la culture et de l’éducation pour que les responsables de la LHJMQ, de la LCH et de Hockey Québec expliquent les mesures mises en place pour protéger les jeunes hockeyeurs face à de potentiels abus.

« On a des initiations ici qui peuvent servir à entendre des témoins et surtout à passer un message », a-t-il martelé mardi. La ministre responsable des Sports, Isabelle Charest, a répondu qu’elle n’a « absolument aucun problème à ce que des questions soient posées ». Les députés formant la commission parlementaire, incluant une majorité d’élus caquistes, trancheront dans les prochains jours s’ils acceptent ou non le mandat.

« On peut voter des lois. On peut retenir du financement. On peut faire de la sensibilisation aussi, parce que nous avons la chance d’avoir un micro. Si mes collègues […] acceptent d’avoir un mandat d’initiative, ce n’est pas pour faire un show de boucane. C’est parce qu’il y a des gens qui ont des comptes à rendre », a ajouté M. Marissal.

Le député de QS demande aux potentielles victimes de porter plainte. « Allez à la police. Vous avez subi des sévices qui sont de l’ordre du Code criminel […]. Dénoncez. On s’engage à vous soutenir là-dedans », a-t-il dit. Sa collègue Manon Massé, co-porte-parole du parti, a ajouté que les dénonciations ne doivent pas reposer que sur les épaules des victimes.

« C’est vrai pour toutes les agressions. Les témoins ont un rôle à jouer. Et je veux redire aux victimes que les agressions sexuelles, ce n’est pas prescriptible. Si vous l’avez vécu il y a 20 ans, 30 ans, vous pouvez agir aujourd’hui. Vous pouvez aller à la police », a-t-elle dit.

Le chef par intérim du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay, a également condamné mardi les allégations d’initiations violentes perpétrées dans le hockey junior.

« Je pense que le Québec doit se poser la question : comment on peut mieux encadrer ça ? À la fin de la journée, je pense que ça prend un changement de culture, un changement de comportement. On ne pourra pas réglementer les comportements, mais si on doit encadrer, l’interdire, augmenter les peines, et ainsi de suite, il faut voir ce qui peut être fait », a-t-il dit.

« Je pense qu’il faut faire attention avant de généraliser toute forme de cérémonie d’accueil des nouveaux joueurs. Mais, si la cérémonie d’accueil en est un de cérémonie d’humiliation, il y a une organisation qui est responsable puis qui doit mettre la hache en disant : “Ça, ça ne passe pas” », a pour sa part affirmé Paul St-Pierre Plamondon, du Parti québécois (PQ).

Lisez notre article : « Un juge décrit des gestes sordides dans le hockey junior canadien »