Mathieu Brodeur a 32 ans. À cet âge-là, quand on roule sa bosse dans l’ECHL, une ligue où les joueurs gagnent « 700 dollars américains par semaine », on ne le fait pas pour l’argent. « On est là parce qu’on aime ça. On ne fait pas d’assez gros salaires pour dire qu’on le fait pour l’argent », résume-t-il.

Brodeur aimait ça, le hockey. En fait, il aime encore ça, si on se fie à l’émotion dans sa voix quand il décrit sa passion. Mais la vie leur a envoyé une balle courbe, à lui et à sa conjointe, Virginie. Et c’est pourquoi cet ancien choix de 3e tour des Coyotes de l’Arizona a disputé son dernier match mercredi dernier, avec les Lions de Trois-Rivières. Il a ainsi mis un terme à une carrière de 13 ans chez les professionnels, qui l’a mené de Portland à Chicago, en passant par Fort Wayne, mais aussi la France et la Slovaquie.

« Ça m’a ouvert des portes qui n’auraient jamais été ouvertes. J’ai pu visiter des pays où je n’aurais jamais été. Je suis privilégié d’avoir joué aussi longtemps », confie-t-il.

Sauf que la vie a rattrapé Brodeur. En août dernier, sa conjointe donnait naissance à leur troisième enfant. L’accouchement ne s’est pas passé comme prévu. « Elle a fait une hémorragie sévère et a perdu ses fonctions rénales. Elle est en attente d’une greffe », dévoile-t-il.

En attendant la greffe, un processus qui peut prendre « entre un et deux ans », Virginie doit se soumettre à trois dialyses par semaine. Pour les non-initiés, une dialyse est « un traitement qui nettoie votre sang et élimine l’excès de liquide de votre corps lorsque vos reins ne sont plus en assez bonne santé pour effectuer ces tâches importantes, lit-on sur le site de la Fondation canadienne du rein.

La dialyse est un traitement et non une cure. Habituellement, une fois que les personnes commencent les traitements de dialyse, elles seront sous une forme ou une autre de dialyse pour le reste de leur vie, à moins d’avoir une greffe de rein réussie ».

« Pour faire ce que ses reins feraient, elle va s’asseoir à l’hôpital pendant quatre heures », illustre Brodeur.

« Physiquement, c’est très dur sur le corps. Des fois, elle revenait et avait besoin de se reposer, et moi, je devais partir pour le hockey. En plus, on a trois jeunes enfants à la maison [6 ans, 3 ans et 5 mois]. On avait de l’aide. Sa mère nous aidait comme elle le pouvait. Elle avait ses limites aussi. »

Ça n’avait pas de sens que je ne sois pas à la maison.

Mathieu Brodeur

« J’ai commencé la saison, mais ça devenait impossible, surtout quand j’étais en déplacement. J’ai décidé de prendre soin d’elle. Elle m’a suivi partout ou presque pendant ma carrière, c’est à mon tour de m’occuper d’elle. »

Plus de 600 matchs chez les pros

Repêché au 76e rang par les Coyotes, Brodeur fait partie de ces joueurs qui, sans avoir atteint la LNH, ont néanmoins connu une longue carrière chez les pros.

Il a en effet disputé 318 matchs dans la Ligue américaine, 340 dans l’ECHL, en plus d’une saison à Rouen et d’une parcelle de saison à Trencin, en Slovaquie.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DES LIONS DE TROIS-RIVIÈRES

Mathieu Brodeur et Alex Breton

Chez les Coyotes, toutefois, il y avait de la compétition. Lors des trois repêchages suivant le sien, l’équipe a repêché des arrières au premier tour : Oliver Ekman-Larsson (2009), Brandon Gormley (2010) et Connor Murphy (2011).

« Mais c’était à moi de faire ma place, estime-t-il. Je ne pense pas avoir connu de mauvaises saisons, au contraire. Mais ça prend des blessés aussi. Ce ne sont pas toutes les équipes qui en ont autant que Montréal ! »

À 6 pi 5 po, il croit qu’il aurait pu être « plus robuste » pour faire sa place. « C’est plate à dire, mais ç’aurait été de me battre plus souvent en début de carrière, à cause de mon physique », déplore-t-il. Mais ce n’était pas dans son ADN.

Ce qui lui plaisait, c’était de jouer au hockey, tout simplement. Ce qu’il a pu faire une dernière fois mercredi, devant amis et membres de sa famille venus lui faire une surprise au Colisée Vidéotron. « Ça m’a fait chaud au cœur de voir autant de gens qui me soutenaient depuis le début de ma carrière. Quand la sirène a sonné, ça m’a fait un petit coup, c’était la réalité. C’est dur à exprimer », dit-il, cherchant ses mots.

Les Lions m’ont soutenu tout le long du processus. Les gars de l’équipe ont été géniaux.

Mathieu Brodeur

Ce qui l’attend ? Il n’a pas de plan arrêté pour le moment.

Comme bien des joueurs de l’ECHL, il devait aussi travailler l’été, notamment dans le domaine du paysagement. « J’aimais travailler dehors. L’hiver est assez dur, on est souvent à l’aréna, j’aimais faire quelque chose de manuel, dehors. Comme ça, quand l’automne arrivait, j’avais hâte de recommencer à jouer.

« Là, je vais prendre du temps pour ma famille. Je vais prendre mon congé de paternité pour mon gars de 5 mois. Je vais prendre le temps de me revirer de bord, pour trouver quelque chose qui va me plaire et, surtout, pour m’occuper de ma femme. »