Mardi soir, le 24 janvier en l’an 2023, le Canadien va, enfin, affronter les Bruins de Boston, lors d’une rencontre qui aura lieu au Centre Bell.

Enfin… parce que ce match sera le premier de la saison entre ces grands rivaux.

Cela peut paraître étonnant, mais non, c’est la pure vérité : le Canadien et les Bruins, deux des plus vieux rivaux de la Ligue nationale de hockey, n’ont toujours pas patiné sur la même glace au même moment depuis le début de la saison.

« Ça fait 34 ans que je décris les matchs, et je n’ai jamais vu ça, lance Pierre Houde, le descripteur des matchs du Canadien à RDS. Souvent, par le passé, le Canadien amorçait sa saison en affrontant les vieux rivaux, comme les Leafs, les Rangers ou les Bruins. Qu’il affronte les Bruins comme ça pour la première fois de la saison en janvier, c’est vraiment bizarre. »

Au moment du rendez-vous de mardi soir au Centre Bell, les Bruins en seront à leur 47e match de la saison, et le Canadien en sera à son 48e match. Ce sont les complexités du calendrier de la LNH qui en font ainsi, et le Canadien n’est pas la seule équipe à s’ennuyer de ses ennemis jurés ; par exemple, les Oilers ont reçu les Flames chez eux le 15 octobre, et ce fut la seule visite du club de Calgary à Edmonton cette saison.

Difficile de s’enflammer pour la bataille de l’Alberta dans ces circonstances… et difficile de s’enflammer tout court, pour n’importe quelle bataille.

« C’est le problème d’un calendrier à 32 équipes, estime Guy Carbonneau, ancien joueur devenu analyste à RDS. On se dit que dans chaque ville, le fan de hockey veut voir passer Connor McDavid au moins une fois par année. Alors ça donne ça. »

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Carbonneau lors d’un match contre les Bruins de Boston au Forum de Montréal en 1986

Quand je jouais, on voyait les Bruins huit fois par année… Une rivalité, ça s’entretient, mais c’est difficile de détester quelqu’un que tu ne vois jamais !

Guy Carbonneau

À ce sujet, les joueurs des Bruins et du Canadien auront peut-être besoin d’aller consulter les formations respectives sur le site HockeyDB avant le match de mardi soir, parce qu’ils pourraient avoir du mal à se reconnaître. Le dernier rendez-vous entre les deux équipes remonte déjà au 24 avril 2022, au Centre Bell. Aussi bien dire une éternité dans ce cas-ci.

Steve Bégin, qui a déjà porté les deux maillots – celui du Canadien pendant cinq saisons, celui des Bruins pendant une saison –, est d’avis qu’une rivalité doit aussi impliquer deux clubs qui s’affrontent quand il y a un enjeu véritable.

« Dans mes années où j’étais avec le Canadien, on voyait souvent les Bruins en séries parce que les équipes étaient du même calibre », explique-t-il.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Steve Bégin et Shawn Thornton s’échangent quelques politesses lors d’un match de séries entre le Canadien et les Bruins au Centre Bell en 2008.

Aujourd’hui, les Bruins aspirent à la Coupe Stanley et le Canadien est en reconstruction. L’écart entre les deux équipes est immense. Tu ne peux pas vraiment parler de rivalité dans ce temps-là.

Steve Bégin

Il sera sans doute impossible de revenir à la belle époque, celle des divisions à cinq clubs et des calendriers où tout le monde se voit très souvent, ce qui est excellent pour entretenir la haine de l’autre dans un contexte sportif. Mais il y a dans ce premier rendez-vous de la saison entre Boston et Montréal un fond d’air nostalgique, qui vient nous rappeler que parfois, c’était peut-être mieux dans le bon vieux temps.

« Dans l’écoute du hockey moderne, l’identité de l’adversaire n’est pas le seul facteur d’intérêt pour les partisans, ajoute Pierre Houde. Mais l’ingrédient qui est important, souvent, c’est la rivalité qu’on peut retrouver entre certaines équipes, dont Boston et Montréal. Si on perd ça, c’est la LNH en entier qui est perdante. »

Vers un calendrier revu ?

Au cours des dernières semaines, des rumeurs ont laissé croire que le présent format du calendrier de la LNH allait être révisé en fin de saison, ou à tout le moins, qu’il allait faire l’objet d’intenses discussions dans les bureaux de la ligue. Mais selon Bill Daly, c’est loin d’être une certitude. Dans un courriel envoyé à La Presse, le numéro deux de la Ligue nationale de hockey a laissé entendre que le présent format de calendrier n’est pas vu comme un inconvénient par les propriétaires. « Le calendrier et son format font généralement l’objet de discussions entre les différents directeurs généraux du circuit, et ensuite avec les gouverneurs, a écrit M. Daly. Les questions de calendrier n’ont pas été un sujet de discussion récemment. Nous sommes généralement satisfaits avec le présent format, ce qui ne veut pas dire qu’il ne sera jamais revu et repensé avec le temps. »

Richard Labbé, La Presse