« Je veux qu’on soit une équipe difficile à affronter, rapide, physique. Qu’on se défende à la seconde où on perd la rondelle et qu’on attaque à la seconde où on récupère la rondelle. »

À quelques heures du match contre le Kraken de Seattle, Martin St-Louis avait énoncé l’identité par laquelle il souhaitait que son équipe soit définie.

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Les partisans réunis au Centre Bell lundi soir ont eu une bonne idée de ce dont parlait l’entraîneur-chef du Tricolore. Petit hic : les joueurs qui ont mis ce plan à exécution portaient l’uniforme du Kraken. La recette, de fait, semble fonctionner, puisque les visiteurs ont signé une victoire sans appel de 4-0.

Ça n’a pris que quelques instants avant que les sourires rayonnants affichés depuis la victoire émotive de samedi dernier s’effacent. Le Canadien, pourtant présumément gonflé à bloc avant la rencontre, semblait sortir d’un profond sommeil. Le Kraken a pris le territoire montréalais d’assaut et s’est forgé une avance de 3-0. C’était la troisième fois en seulement six rencontres que le CH cédait trois fois avant le premier entracte.

Ça s’est un peu replacé par la suite. Or, « la deuxième et la troisième période ne veulent rien dire après une première comme ça », dixit St-Louis. Selon lui, ses hommes n’étaient tout simplement « pas prêts ».

Très critique envers son propre trio, menotté dans sa zone au cours des quelque 90 premières secondes du match, Nick Suzuki a qualifié la situation d’« inacceptable ».

L’entraîneur n’a pas été plus doux. Ses joueurs avaient de quoi être « gênés » après ce faux départ. « On avait trop de passagers, surtout en partant, a-t-il déploré. On n’est pas assez bons, comme équipe, pour avoir des passagers. C’est ce qu’on a eu. »

Ce n’est pas la première fois que St-Louis utilise cette épithète peu élogieuse. Cela a aussi pour effet de remettre en question la fameuse identité que tente de se donner le Canadien. Car il y a résolument un fossé criant entre celle à laquelle la formation aspire et ce qu’elle incarne réellement.

Après des signes encourageants au cours des deux dernières rencontres, « on a accusé un recul », a noté Nick Suzuki. Défensivement, « notre équipe n’était pas là à cinq contre cinq, a analysé le capitaine. Les gars ont écopé de mauvaises pénalités au mauvais moment, ç’a tué notre erre d’aller ».

Lundi, comme pendant le récent voyage catastrophique dans le sud des États-Unis, l’adversaire « tournait dans notre zone », a noté le gardien Samuel Montembeault, excellent au demeurant malgré la défaite qui s’ajoute à sa fiche.

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Samuel Montembeault

Conséquemment, les Montréalais « étaient mêlés » et échouaient à leur mission défensive. « Il faut qu’on améliore la communication », a-t-il encore dit.

« Améliorer le mauvais »

Lorsque tout fonctionnait, le CH pouvait se vanter d’être une équipe qui « joue vite et ensemble », a souligné Arber Xhekaj. « Quand ça fonctionne, on est une très bonne équipe, a-t-il dit. Quand on perd ça, c’est dur à rattraper. Ça semblait revenu pendant deux matchs, mais ça nous a échappé [lundi] soir. »

Là aussi, il y a du vrai. Mais plus le temps passe, plus la question se pose : dans quelle proportion de matchs, au cours de la deuxième moitié du calendrier, le Tricolore pourra-t-il puiser dans ses réserves pour présenter son profil le plus flatteur ?

St-Louis s’est surtout navré d’un manque d’« engagement » au sein de sa troupe. Il a néanmoins reconnu le fossé évoqué plus haut. D’un signe de la main droite, il a illustré là le niveau de performance qu’il souhaiterait. De la main gauche, il a situé là où son club se situe réellement, décrivant des mouvements de va-et-vient loin de sa main droite.

« Notre bon est vraiment bon, mais là, il faut que notre mauvais soit de beaucoup meilleur, a-t-il décrit. Quand on est à notre plafond, on est excellents, mais le plancher tombe souvent. Il faut continuer de monter notre plancher un petit peu. »

Améliorer le mauvais… L’image est presque violente, mais elle frappe en plein cœur de la cible. Hormis peut-être le trio de Jake Evans, patineur le plus intense de son camp par une marge appréciable, c’est ce que le Canadien a été, contre le Kraken : mauvais. Et c’est ce qu’il a été très souvent au cours des dernières semaines. Non pas par un unique manque de talent, mais en raison d’une multitude d’éléments qui font particulièrement mal : couverture défensive déficiente, batailles perdues, débuts de matchs atroces…

Avec autant de « passagers », match après match, l’identité d’une équipe en prend pour son rhume.

Martin St-Louis ne se laisse pas abattre pour autant. « Ça ne se bâtit pas du jour au lendemain, a-t-il insisté. Pour continuer de se rapprocher de notre identité, ça prend de la constance, ça prend l’engagement des joueurs. Tous les jours, tous les matchs. Tu ne peux pas le faire avec seulement sept ou huit gars. »

En matinée, l’entraîneur avait dit qu’il avait les mêmes attentes envers ses joueurs qu’en octobre. Le ton, toutefois, a changé radicalement. Bien des passagers sont là pour de bon. Mais la patience à leur égard tire visiblement à sa fin.

En hausse

Samuel Montembeault

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Samuel Montembeault

Bien qu’il ait cédé trois fois en première période, il a évité à son club un autre massacre.

En baisse

Mike Hoffman

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Mike Hoffman

À son retour au jeu après avoir été laissé de côté pendant deux matchs, il a été totalement invisible. Son trio a assisté aux deux buts du Kraken à cinq contre cinq.

Le chiffre du match

35,8

C’est, en moyenne, le nombre de tirs que le Tricolore accorde chaque soir depuis 10 matchs. Lundi, le seuil des 40 a été dépassé pour la troisième fois en six sorties.

Ils ont dit

Si tu es engagé, que tu compétitionnes et que tu perds le match, ça fait partie de la game. On ne les gagnera pas toutes. Ce sont des performances comme en première période qui m’achalent.

Martin St-Louis

Quand un seul gars ne fait pas sa job, tu vas probablement donner quelque chose. Si deux gars ne font pas leur job, [la rondelle] finira probablement dans le fond du but. C’est un effet domino. J’aurai plein d’exemples sur lesquels travailler.

Martin St-Louis

Ils savaient que je n’étais pas content. Je ne vais pas en parler davantage.

Martin St-Louis, au sujet du message qu’il a adressé à ses joueurs au premier entracte

On les connaissait, c’est une bonne équipe, une équipe rapide. On savait qui on affrontait et on n’a pas été à la hauteur. […] Il n’y a pas de soirée facile dans cette ligue.

Nick Suzuki

Depuis le match en Arizona [le 19 décembre], je n’avais pas passé une période sans accorder de but. Je me sentais bien et, malgré les trois buts [en première], ç’a bien été par la suite.

Samuel Montembeault, au sujet de sa performance individuelle

Quand tu sors aussi fort en première période comme ça, tu sais qu’il y aura une pression de l’autre équipe et il y en a eu une. Mais nous avons fait un bon travail.

Dave Hakstol, entraîneur-chef du Kraken

Ça peut être une équipe dangereuse. […] Nous devions seulement jouer intelligemment, nous assurer que nous gardions les joueurs adverses devant. Nous avons fait un bon travail en ce sens.

Martin Jones

Dans le détail

Vince Dunn dominant

Vince Dunn a été, sans l’ombre d’un doute, le joueur le plus visible et flamboyant chez le Kraken dans la victoire. En plus d’avoir inscrit un but et une aide, le défenseur a réussi six tirs au filet. Il a d’ailleurs été l’élément le plus utilisé par Dave Hakstol avec près de 22 minutes de temps de jeu. L’Ontarien de 26 ans, qui évoluait avec les Blues de St-Louis jusqu’à ce que le Kraken le sélectionne lors de son repêchage d’expansion, est en route pour la meilleure saison de sa carrière avec 28 points en 39 matchs jusqu’ici. « Il joue avec confiance, a résumé Hakstol. Il fait les petites choses. Quand tu regardes la façon dont il nous sort de notre zone… Il défend bien, il utilise ses pieds, il est rapide. »

De bons flashs malgré tout

Dimanche matin, après l’entraînement du Canadien, Juraj Slafkovsky était questionné par les journalistes à savoir s’il serait mieux pour lui de parfaire son développement à Laval. Le jeune homme avait alors répondu que la meilleure option pour lui était de passer la saison à Montréal. Un peu plus de 24 heures plus tard, le Slovaque a été un des rares joueurs du Tricolore à montrer de beaux flashs en première période. On l’a notamment vu bloquer un tir dans le haut de sa zone, jouer avec robustesse et appliquer de la pression sur les défenseurs adverses. L’attaquant de 18 ans a également mis la table pour une échappée de Christian Dvorak en plus de lui-même profiter d’une échappée un peu inattendue. Il a cependant été frustré par Martin Jones. « Des chances comme celles-là te donnent un peu de confiance, a-t-il mentionné, la mine basse. Il faut bâtir de ça. Mais nous n’avons pas marqué aujourd’hui, alors ça ne vaut pas grand-chose. »

La nouvelle année d’Eeli Tolvanen

Choix de premier tour des Predators de Nashville en 2017, l’attaquant Eeli Tolvanen a été réclamé au ballottage par le Kraken à la mi-décembre après un début de saison décevant (4 points en 13 rencontres). Depuis son premier match avec sa nouvelle équipe, le 1er janvier, le Finlandais de 23 ans inscrit plus souvent qu’autrement son nom à la feuille de pointage. Avec un but et une aide lundi soir, il a porté son total de points à cinq (trois buts, deux aides) en autant de matchs. Fait intéressant : Vince Dunn a collaboré à quatre de ces points. « On se trouve sur la patinoire, a expliqué Dunn. Quand je lui donne la rondelle, je lui dis seulement de tirer. Et il a un bon tir, alors il me rend la vie facile. »

Katherine Harvey-Pinard, La Presse