(Laval) « C’est un gars très dur envers son corps. Pour qu’il reste à terre, il faut que ce soit très sérieux. »

Comme tout le monde présent au match Senators-Rocket à la Place Bell le 9 décembre dernier, Alex Belzile a eu peur quand il a vu Xavier Simoneau s’effondrer en tentant de regagner le banc. Si Simoneau a été repêché par le Canadien, s’il a signé un contrat avec Laval malgré ses 5 pi 6 po, c’est qu’il possède certaines qualités supérieures à la moyenne des ours, notamment une capacité à gérer la douleur.

Sauf que là, après qu’il eut été atteint à un œil par un bâton, c’était trop.

Regardez la vidéo de l’incident

« J’avais beaucoup de douleur à l’œil, je n’étais plus capable de l’ouvrir. Je me suis mis à penser à plein de choses. J’avais peur, j’avais mal et quand j’y ai touché, j’avais du sang. Je ne savais pas ce qui se passait, mais je savais que mon œil était touché, je ne voyais plus rien de cet œil-là, je voyais tout noir. »

J’avais mal au cœur, je ne feelais vraiment pas. Juste te frôler l’œil, ça ne fait pas du bien. Donc un coup de hockey à pleine vitesse, ça ne fait vraiment pas du bien.

Xavier Simoneau

Simoneau racontait le tout à La Presse avec un certain détachement, mercredi matin, après l’entraînement du Rocket. Moins d’un mois après l’incident, il revenait au jeu en soirée, contre le Moose du Manitoba.

L’expression « plus de peur que de mal » prend ici tout son sens. La détresse de Simoneau était telle qu’il a dû être évacué de la patinoire sur une civière. La scène était troublante.

C’est la lame du bâton de son coéquipier Joël Teasdale qui l’a atteint. « Au début, je pensais qu’il avait reçu une rondelle au visage, explique Teasdale. Je n’avais pas senti mon bâton, il avait à peine arrêté. »

Au banc du Rocket, les entraîneurs consultaient les reprises pour voir ce qui s’était passé. C’est là que Teasdale a su ce qui avait causé la blessure.

« Quand ils m’ont dit ça, je me sentais un peu mal, raconte-t-il. Dans un match, on est dans une bulle. Je suis sorti de ma bulle quand c’est arrivé, mais je suis revenu dans ma bulle quand le match a recommencé. Sauf qu’après le match, je n’étais même pas déshabillé que j’ai été chercher mon téléphone pour lui écrire et les nouvelles étaient bonnes, donc ça m’a soulagé. Là, de voir qu’il n’a pas de séquelles, tout le monde est content ! »

Les séquelles sont minimes, en effet. Il devra porter la visière complète « pour les prochaines semaines ». Quand il retire son casque, tout au plus voit-on une égratignure sur son nez, qu’il s’est fracturé sur la séquence.

Recrue impressionnante

Simoneau tentera de reprendre là où il avait laissé. Il était deuxième chez le Rocket avec 18 points, derrière Anthony Richard et à égalité avec Jesse Ylönen. C’était un rendement inespéré pour un 191e choix au total à sa première saison chez les professionnels.

« Il est très mature physiquement pour un gars de 21 ans. Son centre de gravité est bas. C’est une petite boule d’énergie, un lapin Energizer », décrit Belzile.

J’ai joué deux ans contre lui dans le junior. Je n’aimais pas l’affronter, c’est un petit fatigant ! Je suis content de l’avoir dans mon équipe.

Joël Teasdale

« J’appelle ça un joueur qui joue à l’intérieur. Il va à l’intérieur de l’équipe adverse, il se positionne pour être démarqué dans l’enclave », analyse Jean-François Houle, entraîneur-chef du Rocket.

Sauf que tout ça est passé à quelques millimètres près de prendre le bord. Simoneau en est bien conscient, puisqu’un de ses anciens coéquipiers a abandonné le hockey après avoir perdu l’usage d’un œil. Ça lui est vite revenu à l’esprit.

« J’ai été touché juste au bas de l’œil, et la médecin m’a dit qu’un peu plus haut, ça aurait pu être beaucoup plus dangereux. Manger un hockey dans l’œil, ça a toujours été ma peur. T’as besoin de tes yeux pour jouer au hockey et dans la vie aussi ! »

Quand il n’aura plus à porter la visière complète, il entend revenir à la demi-visière, comme tous les joueurs. Il assure qu’il la porte adéquatement, et non pas relevée comme ceux pour qui la visière protège essentiellement le front.

« Ma visière n’est pas tant levée. La palette est juste rentrée en dessous. C’est la première fois que je me fais atteindre », assure-t-il.

De toute façon, les joueurs rappellent qu’ils acceptent un certain niveau de risque en s’engageant dans un sport de contact aussi rapide.

« On sait que c’est un sport dur sur le corps, rappelle Belzile. Pendant deux minutes, ça nous a rappelé qu’on est à risque. Mais ça fait partie du sport et si tu ne veux pas te blesser, reste sur ton divan et ne fais rien ! »