(Nashville) « Ça va être le fun de mettre notre tête sur notre propre oreiller… »

Cette phrase de Martin St-Louis, lancée avec une désarmante sincérité dans un rire étouffé de dépit, ne pouvait mieux résumer l’état d’esprit dans lequel les joueurs et les entraîneurs du Canadien ont quitté Nashville, mardi soir. Molestée 6-3 par les Predators, cette équipe rentre enfin à la maison après un voyage horrifiant de sept rencontres sur la route. Une seule victoire suivie par six défaites consécutives. Une déconfiture de 34 à 14 au total des buts. Les traits sont tirés ; les regards, tourmentés.

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Après un entraînement énergique la veille, et dans l’espoir que le retour de David Savard mette un peu d’ordre au sein d’une défense déboussolée, l’optimisme était au rendez-vous avant la rencontre. Or, après moins de 11 minutes, c’était déjà 3-0 pour les locaux.

Tout au long de la soirée, le territoire montréalais a été un terrain de jeu pour les joueurs en jaune. On a cessé de compter les tirs de l’enclave et les chances de haute qualité qu’a dû affronter Samuel Montembeault.

« Il faut donner une chance à nos gardiens », a justement noté David Savard après le sifflet final, ajoutant que son compatriote avait « effectué de gros arrêts dont [le CH] avait besoin », mais qu’il ne pouvait tout faire seul.

Lorsque des joueurs se présentent aux cercles de mise au jeu sans être gênés d’aucune façon, « les arrêts sont difficiles à faire », a poursuivi le défenseur qui, après avoir raté 13 matchs en raison d’une blessure, a été le patineur le plus utilisé de son camp.

« Il faut trouver une manière de corriger ces erreurs-là, car elles nous coûtent cher », a-t-il conclu, sagement.

En plus des erreurs défensives, le jeu en désavantage numérique a été identifié par Martin St-Louis comme un deuxième élément « flagrant » qui « donne de la misère » à son club : deux autres buts accordés mardi, 12 en tout au cours des six derniers matchs.

« On va regarder la vidéo et on va continuer à chercher des réponses dans cette vidéo », a-t-il ajouté.

À l’interne

Les réponses, il faudra en effet les trouver. Car les solutions ne viendront pas de l’externe.

En d’autres circonstances – mettons le Tricolore de 2021-2022 –, la direction peut poser des gestes. Des changements au sein du personnel de gestion, derrière le banc ou au sein de l’effectif, par exemple.

Or, à moins d’une surprise de taille, la solution ne viendra pas de là, car l’organisation n’est, de toute évidence, pas dans une démarche basée sur quelque succès que ce soit à court terme. Si ç’avait été le cas, du renfort aurait déjà été apporté en défense afin de donner un peu de répit aux multiples recrues en place. Au contraire, on a rappelé Justin Barron comme joueur supplémentaire après Noël. Son début de saison n’était déjà pas facile dans la Ligue américaine ; sans surprise, ce n’est pas mieux dans la LNH.

Même chose en attaque. La marge de manœuvre salariale conférée par la liste des blessés à long terme serait suffisante pour tenter des expériences avec des rappels du Rocket. On pourrait même, pour sauver des sous, envoyer des vétérans boiteux réfléchir « en bas », sans aucun risque qu’une autre formation ne s’en empare par le truchement du ballottage. Ce n’est pas arrivé non plus, et c’est normal. La présente saison en est une de transition vers, la direction l’espère, des jours meilleurs.

Les changements, s’il y en a, ne seraient que marginaux, voire cosmétiques. Si d’aventure, on décidait de montrer la porte à un entraîneur adjoint, on doute qu’une équipe transformée prenne la glace d’assaut le lendemain.

Les solutions, il faudra donc les trouver à l’interne, voire les inventer. Ce n’était déjà pas facile avant ce long voyage amorcé à la mi-décembre. « On croyait que c’était un bon moment pour aller sur la route, mais je ne pense pas que c’était la recette », a avoué Jonathan Drouin. Il faudra donc chercher ailleurs.

Drouin, encore : « On rentre à la maison, on va essayer de retrouver notre momentum devant nos partisans, de retrouver notre énergie. »

Il y aura aussi de la pédagogie à faire. Kaiden Guhle, Arber Xhekaj, Jordan Harris, Johnathan Kovacevic, Justin Barron, Juraj Slafkovsky et Anthony Richard n’ont presque pas d’expérience dans la LNH. Jake Evans (170 matchs), Cole Caufield (115) et Michael Pezzetta (72) n’ont pas une longue feuille de route eux non plus. Au-delà du travail des entraîneurs, les vétérans devront aider les jeunes à passer au travers de la tempête.

Il y a de la nervosité qui s’installe après une erreur. Je me rappelle, quand j’avais 20 ans, ça peut durer toute une période dans ta tête, mais il faut que tu passes à autre chose. On a de bons vétérans qui peuvent aider les jeunes et leur faire comprendre que s’il reste 55 minutes à un match, tu peux faire oublier une erreur.

Jonathan Drouin

« C’est dur mentalement, en ce moment. Mais il faut rester ensemble, en groupe. Et continuer à travailler. C’est la seule chose à faire », a conclu le Québécois.

Et ça commence, comme l’a si bien dit Martin St-Louis, par poser sa tête sur l’oreiller. En se rappelant que, quoi qu’il arrive, la journée qui s’en vient est flambant neuve.

En hausse

PHOTO MARK ZALESKI, ASSOCIATED PRESS

Cole Caufield (22) pourchassé par Filip Forsberg (9)

Cole Caufield

Menaçant pendant toute la rencontre, il a décoché 12 tirs, dont la moitié a atteint le filet, et marqué un but superbe, son 22e de la saison.

En baisse

PHOTO GEOFF BURKE, USA TODAY SPORTS

Justin Barron (52) lors du match contre les Capitals de Washington, le 31 décembre

Justin Barron

Défensivement, ça ne fonctionne pas du tout pour lui. Après seulement 4 matchs dans la LNH cette saison, il s’est retrouvé sur la glace pour 8 buts de l’adversaire à cinq contre cinq.

Le chiffre du match

PHOTO NICK WASS, ASSOCIATED PRESS

Cole Caufield (22)

3

En servant une feinte magistrale à Juuse Saros en première période, Cole Caufield a inscrit le 49e but de sa carrière. Or, c’était seulement la troisième fois qu’il marquait du revers, selon les statistiques compilées à ce sujet par la LNH. C’est bien pour dire.

Ils ont dit

On se fait challenger mentalement. […] Ce n’est pas une ligue facile. C’est un défi, il faut s’en sortir.

Martin St-Louis

Par moments, ça allait mieux, on a quand même réussi à sortir de notre zone plusieurs fois. Mais quand [l’adversaire] prend le momentum, il faut trouver un moyen de les freiner, de les ralentir.

David Savard

En ce moment, c’est dur de trouver du positif quand tu perds des matchs par ces scores-là.

Jonathan Drouin

Il y avait des moments où ça allait mieux, mais on donne trop de chances de marquer, on ne joue pas assez serré dans notre zone. Les défenseurs et les attaquants, on est tous dans le même bateau.

Jonathan Drouin

Dans le détail

Armia en pénitence

Des 354 attaquants ayant disputé plus de 250 minutes à cinq contre cinq cette saison dans la LNH, un seul n’a été présent sur la glace pour moins de cinq buts de son équipe. C’est probablement la seule catégorie statistique que domine Joel Armia. Et cela a contribué à la décision de son entraîneur de l’envoyer dans les estrades pour le match de mardi. « Des fois, t’as besoin de prendre un pas de recul, de regarder un match d’en haut et de peser sur le bouton reset, a argué Martin St-Louis en matinée. Ce n’est pas une ligue facile ; ça prend des résultats, des fois. » Ceux-ci, à l’évidence, ne sont pas au rendez-vous. En 26 matchs, cette saison, Armia a été limité à trois mentions d’aide, et ce, malgré qu’il ait obtenu des chances de se faire valoir sur des trios offensifs et même en avantage numérique. Evgenii Dadonov, pour sa part, a été laissé de côté pour la cinquième fois en huit matchs.

Ne pas réveiller la bête…

Le temps passe, mais une chose demeure : lorsqu’une équipe se cherche, rien de mieux qu’un match contre le Canadien pour se faire du bien. Cette saison, les Predators peinent à marquer des buts à cinq contre cinq : ils en ont marqué quatre mardi soir. Leur avantage numérique est l’un des pires de la ligue : il a produit deux filets contre le CH, presque trois, en fait, puisque le but de Mattias Ekholm, en première période, a été marqué une petite seconde après que Brendan Gallagher eut quitté le cachot. Le Tricolore, pour sa part, a maintenant accordé 12 buts en désavantage numérique à ses 6 derniers matchs. Quant à sa brigade d’attaque massive, malgré des signes encourageants au cours de la dernière semaine, elle a cette fois été blanchie en quatre occasions. Tout, tout, tout va bien.

Une bien vilaine habitude

Le refrain commence à être tristement connu. La rencontre n’était vieille que d’un peu plus de 4 minutes que, déjà, l’adversaire avait pris les devants. C’était la quatrième fois en autant de rencontres que le CH cédait au cours des cinq premières minutes, et la 13e fois de la saison. Mine de rien, après 38 matchs, ça revient plutôt souvent – une fois aux trois joutes, si nos calculs sont exacts. Le confrère François Gagnon, de RDS, a également fait remarquer sur Twitter que le Tricolore avait encaissé des buts au cours des cinq premières minutes 9 fois en deuxième période et 13 fois en troisième. « On se tire dans le pied », a résumé Martin St-Louis. « Avant le premier but, on avait un bon départ, a nuancé Jonathan Drouin. Le trio de Suzuki a connu une excellente première présence, c’est ce que tu veux. Mais la punition [à Joel Edmundson] nous a tués… »