Il nous est tous déjà arrivé, dans nos moments plus sombres, d’aller là où personne ne veut aller : demander au chauffeur de taxi d’accélérer un brin.

L’ancien espoir du Canadien William Bitten a commis ce péché samedi dernier.

« Le chauffeur savait que je jouais, mais il ne savait pas que c’était mon premier match dans la Ligue nationale. Après 20 minutes, je lui ai dit, et je lui ai demandé s’il pouvait peser un peu sur le gaz. On a ri ! »

Bitten est détendu au bout du fil. Il donne sa cinquième entrevue du jour, et ce, même si les Blues sont en congé et que syndicalement, il n’est pas tenu de parler aux médias. « J’ai beaucoup de famille au Québec et les entrevues m’aident à garder mon français ! », explique-t-il.

Le sympathique Franco-Ontarien vient de vivre une semaine folle. Samedi, à 9 h, il apprend que les Blues le rappellent de Springfield, et il doit arriver à temps pour le match à Pittsburgh. C’est un trajet de huit heures en voiture, donc il doit absolument prendre l’avion. Depuis Hartford (à 30 minutes de Springfield), un vol vers Washington, une correspondance vers Pittsburgh. À 17 h, il atterrit dans la Ville de l’Acier.

Or, l’aéroport de Pittsburgh est situé à 30 km du PPG Paints Arena. Comme si l’aéroport de Dorval était en fait à Baie-d’Urfé.

« On était pris dans le trafic et je voyais que j’arriverais serré, donc j’étais stressé un peu. Au moins, comme c’était un gros VUS, j’avais beaucoup de place, donc j’ai pu faire des étirements dans l’auto !

« C’était presque mieux d’arriver serré, parce que je n’ai pas eu le temps de penser. J’avais juste à me préparer. J’étais surtout stressé de tomber pendant mon solo lap [le tour de patinoire en solo que les recrues font à leur premier match] ! Mais c’était sûr que je n’allais pas rater mon premier match. Ce ne sont pas tous les joueurs qui jouent leur premier match contre Sidney Crosby ! »

Crosby, le MSG, un premier point

Justement, Crosby. Bitten n’a joué que 6 min 18 s dans ce match, mais il a fait quelques présences contre le 87, les Penguins cherchant visiblement à opposer Crosby au trio de Noel Acciari.

« Dès que mon trio embarquait, son trio embarquait. C’était comme ‟welcome to the NHL”. Je me disais, ‟let’s go, bring it on”. »

Des interactions avec lui ? « Moi, je le regardais, mais lui, je ne sais pas. C’était pas mal cool pour moi, mais pour lui, c’est une journée comme une autre ! »

Prochain arrêt : le mythique Madison Square Garden. Bitten n’a pas disputé ce match, mais il a participé à l’échauffement en tant que 19e joueur, au cas où.

C’est le plus gros warm-up que j’ai fait de ma vie ! Tous les shows qui sont là, les évènements… De voir l’histoire, les chandails retirés, c’était incroyable.

William Bitten

Les Blues remettaient ça mardi, toujours à New York, mais contre les Islanders. Il a encore été utilisé avec parcimonie (7:28), mais il a obtenu son premier point, une passe à Ivan Barbashev. Notez sa réaction après le but. Ses coéquipiers l’ont remarquée.

« La joke, c’était que les gars pensaient que c’était moi qui avais marqué, à cause de ma célébration ! J’étais juste heureux, j’ai travaillé tellement fort. »

« Travaillé fort. » Personne ne peut le contredire. Repêché au 70e rang en 2016, il est le 109e de son année à jouer dans la LNH. À l’origine, son parcours laissait croire à une arrivée plus rapide. Il a aidé les Bulldogs de Hamilton à gagner le championnat de l’OHL, le Canada à gagner l’or au tournoi Hlinka-Gretzky.

« Et ensuite, être repêché par le Canadien, à 1 h 30 min de chez moi, c’était un rêve. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

William Bitten, lors du camp d’entraînement du Canadien à l’été 2018

Sauf qu’au terme du camp de 2018, avant même qu’il dispute un match avec le Rocket, il a été échangé.

J’étais surtout déçu parce qu’ils m’ont échangé avant que j’aie joué un match pro, comme s’ils s’étaient débarrassés de moi.

William Bitten

C’était le début d’un long chemin dans la Ligue américaine. Bitten y a disputé 233 matchs avant d’avoir son baptême dans la LNH.

« Ça a été plus long que prévu, mais j’ai toujours su que j’allais me rendre. Maintenant, je prends ça une journée à la fois. Je veux montrer ce que je peux faire. Il y a toujours des blessures, des échanges. Si je retourne à Springfield, je veux être le premier rappelé. J’ai un contrat de deux ans, ça serait le fun de rester à temps plein. »

Bitten y va un jour à la fois, mais il sait que les Blues débarquent au Centre Bell « au début janvier ». Le samedi 7, en fait. Il a un mois pour s’accrocher d’ici là.