Marie-Philip Poulin était encore sous le choc, quelques heures après avoir été élue athlète de l’année au Canada. Une autre récompense qui s’ajoute au curriculum vitæ déjà garni de la quadruple médaillée olympique, qui, après tout, « veut juste jouer au hockey ».

« J’essaye encore de trouver les mots, mais présentement, c’est inexplicable », lance l’athlète de 31 ans en entrevue.

Porte-drapeau aux Jeux olympiques de Pékin, elle a aidé le Canada à remporter la médaille d’or contre les Américaines. Dans un gain de 3-2 en finale, Poulin a marqué deux buts. Elle a terminé le tournoi avec 17 points en 7 matchs et une troisième médaille d’or en carrière.

Recevoir le prix Étoile du Nord, autrefois appelé Lou-Marsh, « ça te rappelle que mettre les efforts, ça marche ».

Le comité de sélection a préféré Poulin à des athlètes qui ont aussi très bien paru au cours de l’année 2022. Le joueur de tennis Félix Auger-Aliassime, le hockeyeur Cale Makar, la nageuse et prodige Summer McIntosh, la patineuse de vitesse Isabelle Weidemann, la golfeuse Brooke Henderson, le joueur de soccer Alphonso Davies et le quart-arrière Nathan Rourke étaient aussi parmi les finalistes.

« Juste être à côté de leurs noms, c’est incroyable. Et être ajoutée à la liste des gagnants de ce prix, ça fait chaud au cœur », a-t-elle dit, après avoir salué le brio de chacun des athlètes nommés.

En septembre, Poulin a aussi contribué à la victoire du Canada au Championnat du monde de hockey féminin en amassant 10 points en 7 rencontres.

Même si elle est dans le paysage sportif canadien depuis plus d’une décennie, Poulin continue d’inspirer de nouvelles générations. Elle en est consciente. Son parcours n’est pas banal, et ce qu’elle est parvenue à accomplir a des répercussions pour beaucoup de gens.

Elle livre depuis de nombreuses années une bataille qu’elle n’est pas près d’abandonner : la création d’une ligue professionnelle de hockey féminin. Ses performances sur les plus grandes scènes du monde peuvent certainement continuer à rehausser l’intérêt porté au hockey féminin et à ses coéquipières.

On a une voix, on peut en parler. On a une plateforme sur laquelle on peut projeter le hockey féminin. Plus on va pouvoir parler à ces petites filles et ces petits garçons, plus on va se faire connaître. Je réalise que c’est très important.

Marie-Philip Poulin

Poulin se sent investie de cette mission, ce qu’elle n’aurait jamais cru possible ou atteignable lorsqu’elle a commencé à jouer au hockey dans sa Beauce natale. Devenue la meilleure joueuse au monde, voire de l’histoire, elle n’a pas envie de laisser passer l’occasion de changer les choses, même si ça demande du travail supplémentaire.

« Depuis que je suis toute jeune, je veux juste jouer au hockey, mais maintenant, c’est plus que ça. On a toutes un diplôme, on va à l’aréna, et après, il faut en parler, on doit être sur les médias sociaux pour avoir de la visibilité, donner des cliniques après nos matchs au showcase et rencontrer les gens. »

Une ligue dès l’an prochain ?

Présentement, Poulin et ses coéquipières évoluent dans la Professional Women’s Hockey Players Association (PWHPA). Cette association mise sur pied il y a trois ans parcourt l’Amérique du Nord pour jouer au hockey et promouvoir le hockey féminin.

Cependant, Poulin entretient toujours le rêve d’évoluer au sein d’une vraie ligue professionnelle, dans laquelle les joueuses pourront être rémunérées, encadrées et soutenues à la hauteur de leur talent et de leur rayonnement.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Philip Poulin au camp de développement du Canadien, en juillet dernier

Cette prochaine étape pourrait même être déployée plus tôt que tard, selon Poulin : « La prochaine étape devrait être l’année prochaine. Ce serait dans les plans. On travaille beaucoup en amont et d’après les dernières infos qu’on a eues, ça pourrait être mis en place l’année prochaine. »

Elle croit qu’il faut trouver le moyen de combler le vide actuel entre les rangs universitaires et l’équipe nationale. Pour ce faire, et pour créer une ligue qui la rendra fière, il n’y a pas de secret, selon la hockeyeuse. Ça prend de la visibilité. « Plus on nous voit, plus on en parle, plus ça attire les gens. »

L’association doit aussi cohabiter dans le marché avec la Premier Hockey Federation (PHF), qui a établi une franchise dans la métropole, la Force de Montréal, cette saison. Poulin croit que les deux peuvent survivre, tant que ça donne la chance aux joueuses d’ici de se faire valoir. « D’avoir l’opportunité de voir plus de femmes jouer au hockey, c’est incroyable. »

C’est pour cette raison, en fin de compte, que Poulin veut réaliser son rêve, celui de permettre à toutes les autres de réaliser le leur.