(Tempe, Arizona) C’est un jeudi matin tranquille sur le campus de l’Université Arizona State. Soleil qui frappe en angle, absence totale d’humains… Ça y est : on est dans un tableau d’Edward Hopper. Impression confirmée quand on aperçoit une première âme, seule et plongée dans le silence, derrière le comptoir à la billetterie du Mullett Arena.

« Pouvez-vous m’indiquer l’entrée des médias ? », lui demande-t-on. Il hésite.

« Je pense que c’est par là, vers la gauche. »

Chemin faisant, pas d’entrées médias, mais on arrive devant des portes vitrées, et, enfin, il y a de l’activité humaine, dans ce qui ressemble à un hall d’entrée. L’agent de sécurité vient ouvrir.

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Le Mullett Arena vu de l’extérieur

« Bonjour, je suis journaliste. Je viens couvrir l’entraînement.

— Je me fous de qui vous êtes. Allez, entrez ! », lance-t-il en riant.

Nous voici dans le vestibule du nouveau domicile des Coyotes de l’Arizona, une trentaine de minutes avant l’entraînement du jour. Domicile qui sera inauguré ce vendredi soir, lors de la visite des Jets.

Ici, deux joueurs qui terminent leur échauffement. Là, le directeur général, Bill Armstrong, en pleine conversation avec un employé. Disons qu’on est loin de l’aréna typique de la LNH, avec des espaces privés bien délimités pour les joueurs et les dirigeants.

C’est tranquille à l’extérieur, mais ça grouille à l’intérieur. Deux équipes de télévision couvrent l’entraînement, en plus de journalistes locaux de même que des représentants de Sportsnet, ESPN, The Athletic, TVA Sports et NHL.com. Ce serait un p’tit mardi à Montréal, mais c’est un gros jeudi par ici.

La situation particulière des Coyotes cet automne ne laisse personne indifférent. Expulsés de Glendale, ils passeront les trois prochaines saisons au Mullett Arena, domicile des Sun Devils d’Arizona State, et espèrent que leur projet de nouvel aréna permanent sera réglé dans trois ans.

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Point de presse de l’entraîneur-chef André Tourigny

Dans l’intervalle, ils jouent donc dans cet aréna de 5000 places, soit le tiers de la capacité de ce qui était jusque-là le plus petit amphithéâtre de la LNH, le Centre Canada Life de Winnipeg (15 321 spectateurs). À titre indicatif, le domicile temporaire des Coyotes compte moins de sièges que cinq patinoires de la LHJMQ.

Ce sera intime, mais vous aurez une expérience sans égale. Derrière moi, ce sera la section réservée aux étudiants, donc il y aura de l’énergie tous les soirs.

Xavier Gutierrez, président et chef de la direction des Coyotes

Gutierrez tient son point de presse pendant que l’équipe s’entraîne derrière lui. Il le commence dans l’humour. « Je vous confirme que les toilettes fonctionnent. Ça fait partie du contrôle de la qualité ! », badine-t-il en se présentant devant les caméras.

Une bonne blague pour casser la tension, qui est manifeste. Les Coyotes sont raillés sur les réseaux sociaux et ils sont au fait de ce qui se dit. Par exemple, un confrère a écrit que l’équipe n’aurait pas le droit de peindre son logo sur la patinoire. Finalement, il y est bel et bien, dans une des deux moitiés du cercle central, avec le logo des Sun Devils dans l’autre moitié. « Si vous prenez des photos, assurez-vous de cadrer le logo ! », laisse tomber Gutierrez à la fin de son point de presse.

Une vidéo montrant le vestiaire des visiteurs a abondamment circulé, mercredi. « Incroyable de voir tout ce que Gary Bettman est prêt à faire pour ne pas admettre son erreur », a pesté l’agent de joueurs Allan Walsh, sur Twitter. Deux autres agents contactés par La Presse, sans vouloir être cités, ont également exprimé leur incrédulité.

Ce qui fait jaser ? La capacité de l’aréna, évidemment. La LNH est une industrie de gros sous qui a subi de lourdes pertes pendant la pandémie. Le plafond salarial augmente très peu, le temps que la ligue « se refasse », comme on dit au casino, et un aréna de 5000 places ne facilitera pas les choses. Problème de riches, direz-vous avec raison.

Les fameuses installations suscitent également des commentaires sarcastiques, mais dans ce cas-ci, il importe de réserver notre jugement. Ces vestiaires temporaires ne serviront que le temps de la présente série de quatre matchs à domicile.

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Le vestiaire temporaire des visiteurs

L’équipe repartira ensuite sur la route pour – tenez-vous bien –14 matchs ! De ville en aventure, du 5 novembre au 7 décembre, le temps de terminer la construction d’une annexe où seront aménagés le vestiaire des Coyotes et celui des visiteurs. Pas moyen de s’entendre avec les Sun Devils pour utiliser leur vestiaire ? « Les règles de la NCAA nous empêchent d’utiliser le même vestiaire qu’une équipe universitaire », répond Gutierrez.

Mais force est d’admettre qu’à 24 heures de l’arrivée des Jets de Winnipeg, les installations des visiteurs sont plutôt bancales. Une situation que l’organisation aurait préféré éviter en repoussant à décembre leur premier match à domicile, mais « la LNH nous a dit qu’on devait jouer des matchs à domicile avant que l’annexe soit prête », a expliqué Gutierrez.

Si les joueurs des Coyotes sont mécontents, ils le cachent bien.

« Je sais que ça fait jaser à l’extérieur, mais nos 23 joueurs ont hâte de jouer, affirme l’attaquant Christian Fischer. L’atmosphère sera bien, la qualité de la glace est super, aussi bonne que dans les six arénas où on a joué cette saison. »

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Annexe en construction devant abriter les vestiaires des deux équipes

Il faut dire que les Coyotes n’ont pas exactement quitté le paradis. Leur ancien domicile, le Desert Diamond Arena (auparavant le Gila River Arena de Glendale), était boudé par les partisans. Certains diront qu’il était mal situé, trop loin des grands centres. D’autres rappelleront que cette équipe a atteint le deuxième tour des séries une seule fois depuis son arrivée en Arizona en 1996.

N’importe qui avec un demi-cerveau aime mieux jouer dans un aréna de 5000 places rempli que dans un aréna de 20 000 places où il n’y a que 11 000 spectateurs. Ici, il y aura de l’atmosphère après un but, une bataille. Ça a été dur d’avoir ça, ces dernières années.

Christian Fischer

« C’est pas mal cool. C’est différent. On est habitués aux gros arénas, mais c’est beau et ça ne semble pas trop petit », commente le défenseur Josh Brown.

N’empêche qu’il y a bel et bien un éléphant dans la pièce. Les Coyotes sont en pleine reconstruction et déploient une formation très jeune. Ils ont certes battu Toronto et Columbus, mais leurs défaites ressemblent à des scores de tennis, rarement une bonne chose au hockey : 6-2, 6-3, 6-2 et 6-2. Leur formation est très jeune et leur calendrier ne fera qu’ajouter à leur défi.

Bref, tout pour ajouter à la réputation peu enviable d’une organisation que beaucoup souhaitent voir ailleurs. Québec y a cru pendant un certain temps. Houston a souvent été vue comme une solution de rechange viable.

« On comprend que le calendrier est difficile, mais ça ne paraîtra pas quand vous verrez cette équipe compétitionner, assure Gutierrez. On est ici pour essayer de gagner. On s’est engagés auprès de cette collectivité. On a un propriétaire qui a investi 30 millions de dollars ici pendant qu’il présente un projet de 2 milliards pour une solution permanente. Ça montre l’engagement, les ressources et le désir de gagner. »

Tout ça se déroule aussi l’année où un certain Connor Bedard attend vraisemblablement l’équipe qui remportera la loterie du premier choix au repêchage à la fin de la saison.

« C’est dur de faire une reconstruction, parce que les joueurs se battent et ils ne seront pas tous ici dans trois ans, a reconnu Bill Armstrong, le DG. On essaie de ne pas s’emporter avec l’histoire de Bedard. Nos coachs ont été bons pour ignorer le bruit.

« On aura besoin d’un peu de chance à la loterie, par contre. Quelqu’un devra truquer le boulier, blague-t-il. Je suis un peu superstitieux, on ne portera pas les mêmes habits que les autres fois. On n’a pas été trop chanceux à la loterie jusqu’ici ! »