La ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, a dit mardi qu’elle souhaitait que les fédérations régionales sous la gouverne de Hockey Canada mettent de la pression pour « faire le ménage » au sein de l’instance. Hockey Québec a vite emboîté le pas.

Dans une résolution votée mardi soir et que La Presse a obtenue, Hockey Québec (HQ) affirme ne plus avoir « confiance en la capacité de la Fédération d’agir efficacement pour changer la culture du hockey avec la structure en place ».

Hockey Québec critique sévèrement Hockey Canada pour son plan d’action mis en place dans la foulée des scandales sexuels qui ont entaché l’organisation, notamment une allégation de viol collectif qui serait survenu en 2018. « Nous n’adhérons pas au plan d’action dans son ensemble », écrit Hockey Québec, qui déplore que ce plan ait été conçu « à l’interne et en collaboration avec la firme Navigator », une société de gestion de crise.

HQ se dit « troublé » qu’aucun expert ou organisme « œuvrant en éducation, en sensibilisation et en prévention de la violence sexuelle, des abus, de l’intimidation et de la discrimination ait été consulté ou ait contribué au contenu du plan ».

HQ confirme dans cette missive qu’il suspend le transfert de 3 $ par inscription versé habituellement à Hockey Canada. En guise de référence, notons qu’en 2019-2020, soit la dernière saison amorcée avant la pandémie, Hockey Canada répertoriait quelque 87 000 inscriptions provenant de la fédération québécoise.

Pour l’heure, seules les sommes servant à couvrir les frais d’assurance continueront à être versées, mais HQ affirme être à la recherche de solutions « pour assurer [ses] membres en dehors du cadre d’assurances de Hockey Canada ».

« Toute somme provenant des cotisations de nos membres, outre les frais de la police d’assurance, devrait servir à l’amélioration des services et programmes pour ceux-ci », estime Hockey Québec. Rappelons qu’au cours des derniers mois, le Globe and Mail a dévoilé l’existence chez Hockey Canada de deux fonds spéciaux de plusieurs millions de dollars – financés notamment par les cotisations des membres – pour se protéger contre des réclamations non assurables, ce qui inclut notamment celles pour agression sexuelle. Depuis 1989, 22 victimes d’agression sexuelle ont été dédommagées.

Prise individuellement, la décision de Hockey Québec n’a rien de catastrophique pour la fédération canadienne, puisque dans son rapport annuel de 2020-2021, Hockey Canada calcule que 2 % de son budget provient des « frais et cotisations des membres ».

Par contre, le geste a une valeur symbolique, et Hockey Canada a vu d’autres sources de financement se tarir dans la foulée du scandale, notamment les commandites et le financement du gouvernement fédéral. C’est sans oublier un Championnat du monde junior, généralement une vache à lait, disputé devant des foules faméliques l’été dernier à Edmonton.

Hockey Québec « demandera une reddition financière de l’utilisation de l’ensemble des sommes », lit-on dans la résolution.

La fédération provinciale demande aussi à Hockey Canada « de revoir sa prise de décision et de s’adjoindre d’un comité aviseur externe », justement composé des experts susmentionnés en sensibilisation et en prévention de la violence sexuelle, entre autres.

Un avertissement

Hockey Québec, comme d’autres fédérations provinciales, avait annoncé ses couleurs pendant l’été. Au début d’août, les 13 fédérations représentant les provinces et territoires du pays avaient, d’une même voix, posé un ultimatum à Hockey Canada.

Non seulement a-t-on exigé de l’organisme qu’il fournisse des informations détaillées sur sa gestion des évènements de 2018, mais on a aussi rendu le versement des cotisations pour la saison 2022-2023 conditionnel à une reddition de comptes exhaustive et transparente.

Une liste de huit demandes avait ainsi été établie, concernant notamment le déploiement et l’encadrement du Plan d’action pour améliorer le hockey au Canada dévoilé par Hockey Canada quelques jours auparavant. L’élaboration rapide de ce document a été critiquée par des experts et des universitaires, qui le jugent incomplet.

St-Onge prépare le terrain

Plus tôt mardi, en mêlée de presse à Ottawa en marge de l’audience de deux heures de l’ex-président du C.A. de Hockey Canada Michael Brind’Amour, ainsi que sa successeure par intérim, Andrea Skinner, devant les membres du Comité permanent du patrimoine, la ministre St-Onge avait lancé un avertissement.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Pascale St-Onge

Après avoir explicitement affirmé que « des démissions » étaient nécessaires parmi les dirigeants de Hockey Canada, la ministre fédérale des Sports n’a pas été impressionnée par la défense qu’a offerte Mme Skinner.

À quelques semaines d’une élection dans laquelle les neuf sièges du C.A. seront en jeu, l’élue a dit s’en remettre aux membres de Hockey Canada, soit les 13 fédérations représentant les provinces et territoires du pays, pour procéder au « ménage que les Canadiens attendent ».

Ce qu’on a entendu aujourd’hui, évidemment, ce n’est pas ce que j’espérais des audiences.

Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports

Mme Skinner s’est montrée particulièrement tranchante, accusant les médias et la classe politique de faire de la « désinformation ». La réplique de la ministre ne s’est pas fait attendre : « Ce qui leur arrive présentement, et les enquêtes que mes collègues mènent, ce n’est pas un jeu politique et ce n’est pas la faute des médias non plus. »

À la suite des témoignages des dirigeants de l’organisme, « personnellement, je n’ai pas confiance que cette organisation-là, avec les leaders actuels, a la capacité de se renouveler », a-t-elle ajouté.

La ministre a rappelé que les fédérations nationales étaient souveraines et que la classe politique ne pouvait nommer ses administrateurs. Il lui est toutefois possible de diminuer ou de geler son financement public – ce qu’a d’ailleurs fait le gouvernement du Canada en juin.

Avec la collaboration de Mélanie Marquis, La Presse