L’an dernier, Jeff Gorton avait prévenu qu’il allait « penser différemment » (« think outside the box ») dans la recherche de son directeur général. Ce qu’il a fait en débauchant un agent de joueurs pour mener son équipe, puis un entraîneur-chef qui n’avait dirigé que des adolescents jusque-là.

Il semble que la philosophie s’appliquera aussi au développement des joueurs. On le constate depuis le début du camp, avec les nombreuses séances dirigées par le directeur du développement hockey, Adam Nicholas. Par l’énergie qu’il déploie, par les exercices qu’il organise entre des lignes qu’il dessine au crayon sur la patinoire, son approche semble se distinguer de ce à quoi on est habitués.

On peut en dire autant de son discours. Jeudi, Nicholas et toute l’équipe de développement des joueurs et des habiletés rencontraient les médias. Des six personnes de hockey, c’est Nicholas qui a volé la vedette, avec des propos qu’on aurait pu entendre de la bouche de Charles Tisseyre un dimanche soir à Découverte.

« Le sens du hockey se bâtit à travers l’environnement, a-t-il lancé, d’entrée de jeu. Si on veut connaître cet environnement, on doit s’exercer dans la jungle, pas seulement au zoo. Quand on voit sur les réseaux sociaux des joueurs qui publient des vidéos d’exercices, ils sont au zoo. C’est bien pour certaines choses. »

Mais on doit jumeler ça à une connaissance de l’environnement. Le cerveau fonctionne avec des signaux, des lectures. La seule façon d’y arriver, c’est de construire des environnements qui permettent de reproduire ces lectures. Le cerveau se souvient alors de choses, et quand le cerveau comprend l’environnement, le corps bouge mieux. On doit jumeler l’environnement au mouvement.

Adam Nicholas, directeur du développement hockey du Canadien

Le point de presse de Nicholas, de 25 minutes, a été rempli de fascinantes explications du genre. Les férus de coaching peuvent en regarder l’intégrale ici (en anglais).

Regardez le point de presse d’Adam Nicholas (en anglais)

Un message à passer

Les propos de Nicholas détonnaient de ce qu’on entend généralement d’entraîneurs de hockey. Cela dit, un vestiaire est rempli de joueurs aux personnalités différentes, aux parcours différents, qui ont reçu de l’enseignement d’entraîneurs de styles différents.

Comment Nicholas peut-il rejoindre les joueurs avec ses méthodes, sans passer pour un scientifique fou ?

« Je n’utilise pas un tel jargon avec les joueurs. C’est simplement ce que j’ai appris, mais je dois ensuite le formuler différemment pour que ça ait du sens à leurs yeux », a-t-il prévenu.

On devine toutefois qu’avec des exemples imagés, le message passe mieux. « J’adore le golf. Quand je vais au vert d’entraînement, je suis une supervedette, je joue comme un golfeur qui a zéro handicap. Mais une fois sur le terrain, c’est différent. Il faut exécuter et s’en souvenir.

« C’est ce que je dis aux joueurs : l’idée n’est pas de réussir 20 tirs sur réception de suite. Mais êtes-vous prêts, cognitivement, à le faire quand l’occasion se présente ? »

Des ressources de plus

Quand Marc Bergevin est arrivé en poste, en 2012, il avait embauché Patrice Brisebois et Martin Lapointe au développement des joueurs. Deux anciens de la LNH, de relativement jeunes retraités. Francis Bouillon et Rob Ramage allaient plus tard les remplacer, mais ce mandat demeurait l’affaire de deux hommes, encore là deux anciens de la LNH.

Le point de presse de jeudi détonnait par rapport à l’ancienne administration. L’exercice a dû se faire en deux temps parce qu’ils étaient six à se partager la tribune : Nicholas, Scott Pellerin (nouveau consultant au développement hockey), de même que Nick Carrière, Marie-Philip Poulin et les susmentionnés Ramage et Bouillon. Des quatre nouvelles ressources, seul Pellerin est un ancien de la LNH. Poulin arrive quant à elle avec le bagage du hockey féminin et sa carrière de joueuse n’est pas finie.

Ces ressources supplémentaires sont les bienvenues pour St-Louis, notamment quand Nicholas dirige les entraînements. « Comme entraîneur, quand on est toujours celui qui a le sifflet, c’est plus dur d’enseigner et de donner du feedback aux joueurs », a-t-il expliqué aux médias présents à Brossard, jeudi matin.

Adam est très intelligent pour la construction d’exercices dans nos concepts. Pour l’entraîneur, c’est le fun de regarder ça de façon plus reculée, parce que tu peux toucher plus de joueurs, tu peux leur donner plus de feedback. C’est un gros atout.

Martin St-Louis, entraîneur-chef du Canadien

Le développement des joueurs était un angle mort de l’administration Bergevin. Avec 38 joueurs sélectionnés lors des quatre derniers repêchages, le Tricolore arrive dans une phase cruciale pour l’avenir, et ce département doit forcément mieux performer.

On ne sait pas encore si l’approche de Kent Hughes et Jeff Gorton sera la bonne. Mais on ne pourra pas les accuser d’avoir été chiches sur les ressources. Ou de ne pas avoir tenté des méthodes novatrices.