Que serait un début de saison à Montréal sans une miette de controverse à propos des gardiens de but ?

Avec Carey Price qui est hors de combat jusqu’à nouvel ordre, il semblait acquis que le duo composé de Jake Allen et de Samuel Montembeault se préparait à amorcer la campagne 2022-2023. Martin St-Louis, toutefois, a prononcé une phrase mystérieuse après la défaite serrée de son club, lundi soir, aux mains des Devils du New Jersey.

Après que Cayden Primeau eut offert une performance plutôt solide, l’entraîneur-chef du Tricolore a affirmé que l’identité de l’adjoint d’Allen n’était pas coulée « dans le ciment ». Primeau et Montembeault seront « évalués » et auront « leur chance », a-t-il ajouté.

Les entraîneurs n’aiment pas beaucoup ouvrir leur jeu aussi tôt dans le camp d’entraînement. On souhaite provoquer un maximum de compétition interne afin que tous les joueurs, recrues comme vétérans, montrent de quoi ils sont capables sans se reposer sur leurs lauriers. Soit.

On peut tout de même se le demander : y a-t-il une chance que Cayden Primeau coupe l’herbe sous le pied de Samuel Montembeault ?

Tout est évidemment possible. Le Québécois, il est vrai, n’a pas encore prouvé qu’il constituait une solution fiable et durable dans la LNH. En entrevue au Journal de Montréal, la semaine dernière, le directeur général Kent Hughes a indiqué avoir décliné des offres d’échange impliquant Jake Allen pendant l’été, notamment parce qu’il ne se voyait pas affronter la prochaine saison avec un tandem Montembeault-Primeau. Ce n’est un compliment ni pour l’un ni pour l’autre.

Sur la masse salariale, la décision n’aurait pas d’effet considérable. C’est toutefois sur les plans administratif et logistique que les conséquences seraient potentiellement les plus importantes.

En excluant les gardiens dont le nom est inscrit sur la liste des blessés à long terme (Carey Price, Robin Lehner ou Ben Bishop), le Canadien est la seule équipe du circuit à n’avoir que trois hommes masqués possédant un contrat de la LNH. Huit formations en ont quatre, tandis que l’écrasante majorité des clubs en ont cinq ou six.

Qu’en est-il donc de Kevin Poulin, Philippe Desrosiers et Joe Vrbetic, qui sont actuellement au camp du grand club ? Ils ont tous en poche un contrat de la Ligue américaine, pas de la Ligue nationale. Logiquement, Poulin s’alignera avec le Rocket de Laval, et les deux autres avec les Lions de Trois-Rivières, dans l’ECHL.

Ballottage

La décision de garder Primeau à Montréal pourrait engendrer une cascade de rebondissements. L’Américain de 23 ans peut en effet être cédé au Rocket sans passer par le ballottage. Ce n’est pas le cas de Montembeault.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Samuel Montembeault

Ainsi, si l’on désirait rétrograder le natif de Bécancour, il faudrait courir le risque de le perdre aux mains d’une autre équipe sans rien obtenir en retour. Ce scénario serait un problème évident, car le Canadien n’aurait alors plus aucune marge de manœuvre advenant une blessure à l’un de ses deux gardiens principaux.

Les options de remplacement sont, au mieux, minces. On pourrait offrir un contrat de la LNH à Poulin, qui a déjà goûté à ce niveau de compétition. Or, l’organisation a eu 100 occasions de le faire la saison dernière, notamment pendant l’hécatombe qui frappait les gardiens du Canadien à un certain point. Ce navire, tristement pour Poulin, semble avoir coulé. Quant à Desrosiers, 27 ans, il n’a encore jamais joué un match dans la LNH.

De nombreux gardiens se retrouveront au ballottage à quelques jours du début de la saison. Le Kraken de Seattle, par exemple, pourrait soumettre jusqu’à trois noms. Mais Joey Daccord constituerait-il une réelle amélioration par rapport à Samuel Montembeault ? Probablement pas. Qu’en serait-il de vieux routiers comme Keith Kinkaid (Boston) ou Louis Domingue (Rangers de New York) ? La réponse est la même. Le marché des joueurs autonomes, de son côté, est quasi vide.

Et de toute façon, si on se résolvait à réclamer ou à embaucher un vétéran, il faudrait de nouveau le soumettre au ballottage pour l’envoyer à Laval. Ce n’est pas très productif.

On pourrait également décider de garder trois gardiens à Montréal, encore que cette option soit à classer parmi les plus improbables. Les désavantages à perdre Montembeault sont résolument bien plus grands que les avantages de garder Primeau « en haut ».

Quand bien même Primeau connaîtrait le meilleur camp pour un gardien de but depuis la création de la ligue, son sort sera scellé par une posture philosophique et stratégique. Sera-t-il mieux servi par un grand nombre de départs dans la Ligue américaine – séries éliminatoires incluses, il n’y a pas encore disputé 100 matchs –, ou bien par un rôle en relève au sein d’une équipe de fond de classement dans la LNH ?

La réponse semble évidente. Encore qu’à Montréal, lorsqu’il s’agit d’un gardien, elle ne l’est jamais vraiment.