(Toronto) Pour bien des raisons, le duel préparatoire de mercredi entre le Canadien et les Maple Leafs risque de sombrer dans l’oubli dans quelques années, quand on compilera les éphémérides du 28 septembre.

Du but de Paul Henderson en 1972 au 61circuit d’Aaron Judge en passant par la mort de Louis Pasteur et de Coolio, il y en aura pour tous les goûts. Alors la victoire de 3-0 du club B des Leafs contre le club B du Canadien n’aura probablement pas sa place dans l’Histoire avec un grand H.

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Mais ces considérations venaient bien loin pour la dizaine d’espoirs du Tricolore qui étaient envoyés dans la mêlée au ScotiaBank Arena. Dans un camp où la reconstruction et les blessures ouvrent des possibilités, ils ont tous gros à jouer.

Commençons à la ligne bleue, parce que c’est là que les enjeux sont les plus concrets. Avec seulement trois vétérans en santé, et Joel Edmundson qui « progresse », selon les dernières nouvelles, il reste tout de même trois postes ouverts, en calculant un effectif à sept défenseurs.

Martin St-Louis aurait très bien pu tenter de jumeler Jordan Harris et Arber Xhekaj à deux vétérans, afin de faciliter leur apprentissage. L’entraîneur-chef les a plutôt employés au sein du même tandem. « Jordan aime se porter à l’attaque, sans courir trop de risque. Je suis plus défensif, mais je peux donner un coup de pouce à l’attaque. On se complète bien », a observé Xhekaj, après le match.

PHOTO NICK IWANYSHYN, LA PRESSE CANADIENNE

Le gardien du Canadien Kevin Poulin

« Avec son patin, son gabarit et son intelligence, Arber facilite le travail de son partenaire », a pour sa part dit Harris, dans un renvoi d’ascenseur qui n’était pas arrangé avec le gars des vues, selon nos observations.

Leur match n’a pas été dénué d’erreurs. Harris a appris à la dure, sur le premier but du match, que Nick Robertson est un patineur redoutable. Xhekaj, lui, aime bien essayer de se sortir du pétrin avec son coup de patin, en zone offensive, plutôt que de se débarrasser de la rondelle, mais il lui arrive de se faire jouer des tours.

N’empêche que dans l’ensemble, St-Louis a jugé que Xhekaj avait joué un match « très mature ». Il n’a rien dit de spécifique sur Harris, mais a estimé que ses jeunes défenseurs avaient « tous eu de bons moments ». Ce duo a été le meilleur du CH dans les indicateurs de possession de rondelle.

Encore Beck

À l’avant, les enjeux ne sont pas les mêmes, en raison d’un surplus d’attaquants évoqué quelques fois cet automne.

Juraj Slafkovsky était le plus « choyé » du lot, puisqu’il a été jumelé à deux rares vétérans parmi les attaquants présents à Toronto, en l’occurrence Joel Armia et Rem Pitlick. Ça n’a pas été renversant pour le premier choix du dernier repêchage, mais il faut convenir que Pitlick était à l’essai au centre, et que ça risque de rester ça, un essai. Passons.

Owen Beck et Filip Mesar, par contre, n’ont pas paru intimidés par l’ampleur de la tâche. On parlait de Harris et Xhekaj qui n’ont pas été jumelés à des vétérans ; on peut en dire autant de Beck et Mesar. Les deux jeunes de 18 ans ont patiné au sein d’un même trio, et leur partenaire était Mitchell Stephens, un bon joueur de la Ligue américaine, mais qui ne s’est jamais établi dans la grande ligue.

Mesar a possiblement été l’attaquant le plus visible de son camp, tandis que Beck a continué à travailler efficacement au centre et à gagner une majorité (54 %) de ses mises en jeu.

Comptez Chris Wideman parmi leurs admirateurs. « Ils ont réussi des jeux. Ils ne se sont pas cachés, a fait valoir le vétéran défenseur. Ils tentent des jeux et c’est bien pour l’équipe, ça pousse les autres jeunes et les plus vieux. »

Mesar a déjà admis qu’il se voyait à deux ans de la LNH, mais ça ne veut pas dire qu’il perd son temps au camp entre-temps. « Tu vois son talent. On a amené 70 joueurs au camp, on enseigne à tout le monde, on leur montre comment on travaille. Quand ça va être leur tour ici, ils vont savoir comment on fait les choses », a résumé St-Louis.

Beck est quant à lui la surprise du camp jusqu’ici. Lundi, il était jumelé à Cole Caufield et Mike Hoffman, les deux meilleurs tireurs de l’équipe. En le jumelant cette fois à un joueur de 18 ans et à un joueur de la Ligue américaine, St-Louis élevait la barre. Ç’aurait très bien pu faire « éclater la balloune » de Beck. Le jeune homme a plutôt bien répondu.

Le niveau de jeu des matchs préparatoires s’élève généralement à la deuxième semaine. Il sera intéressant de voir comment réagiront les espoirs les plus en vue. Si les plus ambitieux continueront à s’élever en même temps que la barre.

En hausse : Emil Heineman

PHOTO NICK IWANYSHYN, LA PRESSE CANADIENNE

Emil Heineman (51) décoche un tir lors de la première période du match.

Techniquement, il n’est pas en hausse, parce qu’il a brillé au camp jusqu’ici. Mais il a continué son bon travail et il a compris que son tir était une de ses armes.

En baisse : Corey Schueneman

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Corey Schueneman

Il a été le joueur le plus utilisé de son camp après Arber Xhekaj, mais ça n’a pas toujours été facile.

Le chiffre du match : 6

Arber Xhekaj et Lucas Condotta ont terminé le match avec 6 mises en échec chacun. Les deux joueurs devraient théoriquement amorcer la saison à Laval, et ils feront la vie dure aux rivaux. Inspiré des Broad Street Bullies, peut-on proposer « Les durs de la rue Claude-Gagné » comme surnom ?

Dans le détail

Une expérience moins heureuse

L’absence de Nick Suzuki et de Sean Monahan permet à Martin St-Louis de tester différentes options au centre, et Rem Pitlick a eu droit à un essai mercredi. Contre des Maple Leafs qui jouaient sans leurs deux premiers centres (John Tavares est blessé et Auston Matthews avait congé), Pitlick évitait les confrontations corsées, mais rien n’y a fait. Le volubile attaquant est nettement plus dans son élément à l’aile qu’au centre. Il a connu une soirée pénible aux mises au jeu, notamment sur une séquence en début de deuxième période où il a perdu trois mises au jeu en zone défensive, coup sur coup, résultats de dégagements refusés du Tricolore. Les Leafs ont failli marquer après une de ces mises au jeu. Pitlick aurait tout intérêt à se montrer apte à jouer au centre, car pour les attaquants au statut un peu plus précaire, la polyvalence est un atout intéressant.

Un espoir emballant

Nick Robertson n’a toujours rien démontré dans la Ligue nationale, mais ses talents de marqueur sont connus-et attendus-depuis longtemps à Toronto. Est-ce que ce sera la saison où il s’établira dans la LNH ? On le saura dans quelques semaines, mais s’il aligne les performances comme celle de mercredi, ses chances sont bonnes. Robertson a été l’attaquant le plus menaçant des Leafs, avec un tir d’une grande qualité et un coup de patin amélioré pour un joueur dont c’était une des faiblesses, plus jeune. Choix de 2tour des Leafs en 2019, Robertson a enchaîné avec une fabuleuse saison de 55 buts en 46 matchs dans la Ligue junior de l’Ontario (OHL), mais la pandémie l’a empêché d’écrire son histoire jusqu’au bout. La saison dernière, avec les Marlies, il a marqué 16 fois en 28 matchs. Le petit frère de Jason Robertson, des Stars, sera à surveiller pour un poste dans le top 9, et l’absence de John Tavares pour les trois prochaines semaines fait en sorte que les prétendants auront davantage de chances de se faire valoir.

Patinez-vous de reculons ?

Situation incongrue chez les Leafs. Le défenseur Jordie Benn a abdiqué après trois présences en première période, avant d’être imité par Carl Dahlström en début de période. Les Torontois ont donc dû terminer le match avec quatre défenseurs naturels, ce qui a forcé des attaquants, notamment l’ancien des Predators Calle Järnkrok, à effectuer quelques présences à la ligne bleue. S’ils devaient s’absenter à moyen terme, leur perte s’ajouterait à celle de Timothy Liljegren (blessé). S’il y en a un qui doit se frotter les mains en poussant un rire machiavélique, c’est l’agent de Rasmus Sandin, joueur autonome avec compensation qui ne s’est toujours pas entendu avec les Leafs pour la saison à venir…

Ils ont dit

En première période, on a bien commencé, mais on a pris deux punitions, ç’a enlevé le momentum. Je n’ai pas haï notre deuxième, mais on n’a pas exécuté. La troisième, je l’ai bien aimée.

Martin St-Louis

On a intégré différents concepts à chaque match. C’est beaucoup pour les jeunes ou les nouveaux à absorber. On veut pas les submerger, on veut les coacher. Si t’attends une compréhension et une exécution immédiates, tu ne comprends pas ce qu’est l’enseignement.

Martin St-Louis

Je serais gardien si on me le demandait ! J’essaie d’être le plus polyvalent possible pour l’équipe, donc si ça implique de jouer à gauche ou à droite, je vais le faire.

Jordan Harris

On a joué assez bien, mais il y a eu des erreurs individuelles, ils ont eu des avantages numériques et ils en ont profité.

Filip Mesar