Au traditionnel tournoi de golf du Canadien, tenu il y a quelques jours, Martin St-Louis a eu une réponse succincte lorsqu’il a été interrogé sur ses objectifs en vue de la saison. Pour l’heure, il n’avait que le camp d’entraînement dans sa ligne de mire, avait-il expliqué.

Il ne blaguait résolument pas. Lors de la discussion avec les représentants de La Presse, mardi, il a évoqué à deux reprises le camp qui s’amorce ce mercredi à Brossard, et ce, avant même qu’une première question soit posée à ce sujet en toute fin de conversation.

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Ce premier camp à titre d’entraîneur-chef, St-Louis y tient. Beaucoup. Il a passé l’été à l’imaginer, à s’y préparer. Il concède que cette saison estivale a probablement été « plus difficile » que le seront les prochaines. Il possédera alors un canevas qu’il pourra modifier ou améliorer au besoin.

De ses premiers coups de patin jusqu’à sa retraite à presque 40 ans, il a participé à des dizaines de camps d’entraînement, mais jamais à titre de maître de cérémonie. Des 74 invités dont le club a révélé l’identité mardi, il n’en restera plus que 23, à la mi-octobre. Pour un homme qui révélait quelques minutes plus tôt détester annoncer à un joueur qu’il est rayé de la formation, c’est un sacré mandat (voir la chronique d’Alexandre Pratt).

Depuis son embauche par le Tricolore en février dernier, l’entraîneur néophyte a rapidement appris les rouages du métier. De la gestion du banc pendant un match au casse-tête des horaires sur la route, il s’est fait la main. Or, le camp, « il faut que je passe à travers ça », tranche-t-il.

« Après, je vais avoir confiance, je vais avoir cette expérience-là. Le reste, c’est au jour le jour, c’est ce qui se présente devant toi. »

Ce camp-là, pourtant, n’aura rien de « spécial » dans son déroulement, assure St-Louis. Beaucoup de nouveaux venus feront partie de la formation qui amorcera la saison. Il faudra donc procéder aux apprentissages « graduellement ». Une approche qu’il avait également préconisée l’hiver dernier à son arrivée à la tête de l’équipe.

Tu ne peux pas leur donner le livre le premier jour et dire : les boys, c’est comme ça qu’on joue.

Martin St-Louis

Ses priorités : le conditionnement physique de ses hommes et l’accès immédiat au « mode compétition ».

Rapidement, il mettra ses joueurs en garde : « Un bon camp ne te fera pas nécessairement gagner le premier match de la saison. Mais un mauvais camp te le fera perdre. »

« Si les gars ne se présentent pas en bonne forme, ils joueront rapidement du rattrapage », renchérit-il. Pas besoin de chercher bien loin pour lui donner raison : il y a un an, les joueurs du CH ont payé cher un été trop court au cours duquel le repos et la remise en forme ont été compressés. Avec une finale de la Coupe Stanley qui s’était terminée le 7 juillet, le personnel d’encadrement du club n’avait pu faire de miracles. Cette fois, il est entendu qu’en dehors des blessés à long terme Carey Price et Paul Byron, l’effectif sera fin prêt.

St-Louis s’attend en outre à une intensité élevée dès les premières séances d’entraînement et encore davantage dès le premier match préparatoire.

« Il faut qu’on soit exigeants envers nous-mêmes et que, quand on joue la game, on joue pour vrai, dit-il. Plus tu abordes ces matchs comme des vrais, plus tu vas être prêt. Mais si tu joues à 50 %, tu vas avoir de la misère à jouer à 100 % le soir du premier match de la saison. »

On devine que ce premier duel, prévu le 12 octobre à domicile contre les Maple Leafs de Toronto, Martin St-Louis l’a depuis longtemps encerclé sur son calendrier.

« Si on fait tout ça, on se donne une bonne chance de gagner ce match-là », prédit-il.

En bref

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Jake Allen

« Protéger le joueur de lui-même »

La Presse a demandé à Martin St-Louis si certaines décisions qu’il a prises la saison dernière auraient été différentes s’il pouvait revenir en arrière. Devant son hésitation, nous avons suggéré la gestion des gardiens de but, qui a fait l’objet de nombreuses critiques. Après une longue convalescence ayant suivi une blessure au bas du corps, Jake Allen s’est vu confier 11 départs en 12 matchs en mars et en avril, et ce, alors que le Canadien était éliminé depuis longtemps. Il s’est blessé de nouveau et a raté la fin de la campagne. Samuel Montembeault, pour sa part, a été contraint de jouer pendant plusieurs mois en dépit d’une blessure à un poignet. « Oui, c’est un bon exemple, a admis l’entraîneur. C’est quelque chose à laquelle je dois faire plus attention. Parfois, il faut protéger le joueur de lui-même. Ils sont tous compétitifs. J’ai beaucoup appris de cette expérience et je vais essayer de gérer ça différemment cette année. »

Les « valeurs » d’Alex Burrows

Au cours de la saison morte, St-Louis a donné un vote de confiance à ses adjoints Alex Burrows, Trevor Letowski et Éric Raymond. Burrows, en particulier, sera donc de retour malgré un bilan au mieux mitigé, alors que le Tricolore est l’une des pires équipes de la ligue en avantage numérique depuis qu’il est responsable de cette phase du jeu. À sa défense, son patron a mis l’accent sur les « valeurs » de Burrows et sur son influence positive dans le vestiaire. « C’est un gars de culture, qui a mérité tout ce qu’il a eu, a poursuivi l’entraîneur. C’est un travaillant, un maudit bon gars. Je ne suis pas inquiet qu’il va nous donner tout ce qu’il a et s’assurer que notre avantage numérique est à la bonne place. » St-Louis souligne que les bonnes unités d’attaque massive de la LNH sont avant tout bien rodées, et que la stabilité a été rare chez le Tricolore depuis deux ans. En outre, « pour les entraîneurs comme pour les joueurs, il faut être patient ». « Je ne suis pas inquiet qu’Alex va trouver les réponses », a-t-il conclu.

La tablette sur le banc : oui, mais…

La présence de tablettes numériques accessibles à tout moment sur le banc des joueurs ne fait pas consensus dans le milieu du hockey. Martin St-Louis, lui, est nuancé à ce sujet. « J’aime ça, c’est de l’information pertinente, mais il faut l’utiliser au bon moment », dit-il. Il se désole lorsque ses hommes consultent la tablette dès leur retour au banc et se privent ainsi de l’action qui se déroule sous leurs yeux. « Tu manques la perception du match, tu ne sais pas si ton chum se fait frapper par-derrière ou si tes défenseurs sont brûlés », détaille-t-il. De manière générale, le recours à cet outil ne le dérange pas, « mais dans les temps morts ». Tout sourire, il avoue néanmoins qu’en tant que joueur, il aurait lui-même eu « de la misère à ne pas la regarder ». « Ça m’aurait aidé à passer moins de temps à revoir toutes mes présences après les matchs », a ajouté en riant celui qui, de toujours, a été un grand adepte de la vidéo.

Les statistiques avancées : oui, mais…

Le camp d’entraînement et les matchs hors concours des prochaines semaines seront le lieu d’une expérience pour le personnel d’entraîneurs du Canadien. Pour la première fois, on aura recours aux services du tout nouveau département d’analyse et de statistiques avancées, dirigé par Christopher Boucher depuis cet été. Quelques réunions ont déjà eu lieu afin de trouver un modus operandi entre les deux sections du département hockey. C’est toutefois « au jour le jour » que sera apprivoisée cette nouvelle relation. Martin St-Louis se dit un défenseur des statistiques avancées, mais soutient que celles-ci ne racontent qu’une « partie de l’histoire » qu’est un match de hockey. Il devra donc déterminer avec ses collègues les éléments clés à analyser et la manière d’échanger l’information afin que la cohabitation soit la plus harmonieuse possible. Dans un passé récent, plusieurs équipes professionnelles, au hockey et ailleurs, ont rapporté des frictions entre analystes et entraîneurs. « On va trouver notre niche, assure St-Louis. Mais ça prendra un peu d’adaptation. »