Il était devenu clair que Nick Suzuki serait un jour le capitaine du Canadien de Montréal. Il suffisait de savoir quand. Il n’y a maintenant plus de doute.

Profitant de son traditionnel tournoi de golf lançant la nouvelle saison, l’organisation a annoncé que Suzuki devenait le 31e capitaine de l’histoire de la franchise.

Dès son arrivée au micro, l’entraîneur-chef Martin St-Louis l’a officialisé, passant la parole à celui qui, à 23 ans, devient le plus jeune joueur à remplir cette fonction.

Suzuki s’est dit touché par l’« honneur » et le « privilège » que lui offre la direction du club. Ce sont en effet ses patrons qui l’ont désigné à ce titre, et non les joueurs par le truchement d’un vote.

Josh Anderson a appris de la bouche des journalistes l’identité de son nouveau capitaine. « Honnêtement, je ne le savais pas. Félicitations à Nick ! », s’est exclamé l’attaquant. Joel Edmundson, qui devient l’adjoint au capitaine avec Brendan Gallagher, en a quant à lui été informé par St-Louis samedi dernier pendant un appel téléphonique. « Il m’a dit : Nick devient capitaine et tu seras son assistant. J’ai répondu : c’est bon pour moi ! », a raconté le défenseur en riant.

St-Louis a rencontré Suzuki au début du mois de juillet, en marge du repêchage tenu à Montréal. Il lui a alors soumis l’idée. « Je lui ai dit que je voulais qu’il y pense, qu’il en parle à ses proches, à ses amis, à sa famille, a dit l’entraîneur. C’est une grosse décision, car tu dois être prêt pour ça. »

« La saison dernière, on a pris le temps de parler aux joueurs à ce sujet, a ajouté le directeur général Kent Hughes. On a une jeune équipe, et on voulait être certains que le capitaine soit capable de gérer les joueurs actuels, mais aussi ceux qui vont arriver plus tard. »

Après réflexion, Suzuki a rencontré le propriétaire et président Geoff Molson, le vice-président aux opérations hockey Jeff Gorton et Kent Hughes. Il leur a confirmé qu’il se sentait à la hauteur du défi et qu’il était prêt à accepter cette responsabilité. « Quand on te demande de devenir capitaine du Canadien, la réponse est assez facile », a-t-il souligné en souriant.

Leadership

St-Louis lui a notamment conseillé de constamment avoir « le pouls » du vestiaire.

À la manière de son prédécesseur Shea Weber, Suzuki n’est pas le plus éloquent des tribuns. Il était donc cohérent qu’il mette l’accent sur sa capacité à « mener par l’exemple » pour décrire son type de leadership. « C’est le plus important pour moi, a-t-il précisé. Je l’ai toujours fait depuis que je suis petit, et encore aujourd’hui comme professionnel. Me présenter au travail chaque jour, parler au bon moment, garder mon sang-froid… Je l’ai vu chez d’autres leaders jusqu’à aujourd’hui, et c’est ce que je veux apporter aujourd’hui. »

Le joueur de centre a justement eu une longue conversation avec Weber, au cours de laquelle le défenseur a pu lui partager sa propre expérience.

Weber a été nommé capitaine du Canadien juste avant la saison 2018-2019. Il a rempli ce rôle jusqu’en juin dernier, alors qu’il a été échangé aux Golden Knights de Vegas. Il n’a toutefois pas joué la saison dernière, et il semble acquis qu’il ne jouera plus du tout, lui qui compose avec plusieurs sérieuses blessures.

Son absence de l’entourage du club, la saison dernière, combinée à celle de Carey Price, lui aussi blessé, avait laissé un trou béant sur le plan du leadership. Le départ de Corey Perry pour Tampa a également pesé lourd. Joel Edmundson, Paul Byron et Brendan Gallagher ont eu aussi raté plusieurs dizaines de rencontres.

« Pendant longtemps, le leadership était en veilleuse [up in the air], a justement noté Edmundson, lundi matin. C’était une saison comme ça. Plusieurs gars se sont blessés, des jeunes joueurs sont arrivés, ils ne savaient pas trop à qui se fier. Ça peut être dur, car tu as besoin de ton groupe de leadership, de ton capitaine. La direction a fait un bon travail en choisissant Nick. Les gars s’appuient déjà sur lui. »

Quiconque a déjà croisé Nick Suzuki vante sa « maturité ».

Jeff Gorton a été particulièrement éloquent à ce sujet : « Parfois, quand tu parles à un gars de 23 ans, tu sens qu’il en a 18. Nick, c’est le contraire. Il est tellement en contrôle [even-keeled]… Tu lui parles, et on dirait qu’il a 30 ans et qu’il est dans la ligue depuis toujours. »

Le gestionnaire a aussi décrit le jeune homme comme le parfait candidat vu la situation actuelle du club et vu la route sur laquelle il est engagé.

Déjà le meneur offensif de la formation, Suzuki n’accepte en effet pas une tâche facile. L’équipe a fini au dernier rang du classement général la saison dernière, et la prochaine ne s’annonce pas de tout repos non plus. Tout ceci dans un marché où les faits et gestes des joueurs sont scrutés de près sur une base quotidienne.

Le principal concerné a toutefois fait remarquer que ses trois premières saisons ont déjà été ponctuées de « hauts et de bas ». C’est non seulement vrai, mais ce l’est de la plus littérale des manières : un an avant de finir dernier, le CH se retrouvait en finale de la Coupe Stanley.

« C’était de nouvelles expériences, a nuancé Suzuki. Je dois maintenant gérer chaque situation de la bonne manière. C’est un privilège d’avoir cette pression. »

Gallagher

Si le nom de Suzuki était un incontournable dans la discussion sur l’identité du prochain capitaine, celui de Brendan Gallagher l’était tout autant. L’ailier droit de 30 ans a disputé toute sa carrière avec le Canadien, et il est adjoint au capitaine depuis 2015.

La direction a communiqué avec le vétéran afin de discuter de la situation. Il a répondu à ses patrons que « c’est l’équipe de Nick maintenant », a raconté Kent Hughes.

Gallagher, d’ailleurs, est catégorique : il n’est « absolument pas » déçu de ne pas avoir été le choix de la direction.

« Je suis chanceux d’avoir le rôle que j’ai et d’être là depuis tellement d’années, a-t-il confié. Je suis content pour mon ami, et c’est mon travail de l’appuyer. Je suis emballé de le faire. »

Gallagher a rappelé à quel point Suzuki s’était démarqué dans des moments de haute importance, notamment en séries éliminatoires. Lors des deux dernières participations du CH aux séries, il a été le meilleur marqueur de son club. Son but en prolongation, au cinquième match de la série de premier tour contre les Maple Leafs de Toronto, en 2021, a été un catalyseur dans la poussée du CH jusqu’à la finale.

Le vétéran a aussi souhaité qu’on évite les comparatifs entre Weber et Suzuki. « Tout le monde mène à sa manière, et il faut rester fidèle à soi-même, a-t-il rappelé. Weber a été capitaine pendant je ne sais plus combien d’années, il a été un des plus grands leaders de la ligue. Ce serait injuste pour Nick de les comparer. Il doit trouver sa voix. »

Par ailleurs, même si Martin St-Louis a insisté sur le fait que de nommer un capitaine n’était pas un « concours de popularité », il s’en trouvera peu, au sein de la formation, pour remettre ce choix en double.

« Si vous aviez fait un sondage dans le vestiaire, j’imagine qu’il aurait été nommé capitaine, a avancé Jake Allen. Ce n’est donc pas une énorme surprise pour nous. Il va mener l’équipe à un bon endroit. »

« Il se comporte de la bonne façon, a renchéri Josh Anderson. Il arrive à l’aréna en ayant en tête de gagner et c’est contagieux. Il entraîne les gars dans la bataille. Je crois fermement qu’il sera un bon meneur. »

Repêché au premier tour (13e au total) par les Golden Knights de Vegas en 2017, Suzuki a été échangé au Canadien en septembre 2018 dans une transaction impliquant notamment Max Pacioretty, qui était alors capitaine du CH.

En 209 matchs de saison étalés sur trois ans, il a cumulé 143 points. Il a ajouté 23 points en 32 rencontres éliminatoires. Suzuki amorce par ailleurs la première saison d’un contrat de huit ans qui lui rapportera un salaire moyen de 7875 millions de dollars.

Et le français ?

Fidèle à la routine habituelle du nouveau capitaine devant les membres des médias, Suzuki a amorcé son allocution par une phrase prononcée dans un français maladroit avant de poursuivre en anglais le reste de son point de presse. Il a toutefois promis d’« améliorer » sa maîtrise de la langue officielle du Québec. L’Ontarien affirme avoir amorcé des leçons en ligne pendant l’été. Après avoir pris des cours de français pendant la « majorité » de son parcours scolaire, il se dit « meilleur pour le lire que pour le parler ».

Avec Guillaume Lefrançois et Richard Labbé