Dans la foulée des allégations d’agression sexuelle impliquant des joueurs d’Équipe Canada junior 2018, les 13 fédérations de hockey provinciales et territoriale du pays, y compris Hockey Québec, demandent des comptes à Hockey Canada. Le versement des cotisations à l'organisme est désormais lié à une série de conditions.

Dans une lettre envoyée à l’ensemble de ses membres, jeudi après-midi, le conseil d’administration de Hockey Québec, de concert avec les 12 autres fédérations provinciales et territoriale, exige la tenue d’une réunion extraordinaire « dans les meilleurs délais » avec le président et le conseil d’administration de Hockey Canada.

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L’objectif de cette rencontre est d’obtenir « plus d’information sur la gestion des allégations d’agression sexuelle » survenue en 2018 à London, en Ontario, après le gala annuel de la fondation de Hockey Canada. Huit hockeyeurs, majoritairement issus de l’équipe nationale junior, auraient agressé une jeune femme fortement intoxiquée dans une chambre d’hôtel. L’affaire n’a été révélée au public qu'en mai dernier, presque quatre ans après les faits. Depuis plus de deux mois, Hockey Canada se retrouve quotidiennement sous le feu des critiques pour sa gestion du dossier.

« Nous avons été consternés et demeurons préoccupés comme plusieurs de nos membres en ce qui a trait aux comportements allégués ainsi qu’à la gestion et aux décisions prises par Hockey Canada, écrit Hockey Québec. Ce que nous apprenons en marge de cette situation est contraire aux valeurs que notre sport se doit de véhiculer auprès de ses participants et de ceux qui les encadrent. »

En guise de condition essentielle au versement des cotisations de leurs membres respectifs, les fédérations demandent à Hockey Canada de leur fournir une reddition de comptes écrite sur le déploiement du « Plan d’action pour mettre fin à la culture du silence et aux comportements toxiques dans le monde du hockey au Canada » qu’a dévoilé l’organisme le 25 juillet.

Les fédérations souhaitent également « comprendre le rôle qu’a joué le conseil d’administration de Hockey Canada dès qu’il a été informé des allégations » et connaître les actions qui ont été prises jusqu’ici. Au cours des dernières semaines, le président et directeur général de Hockey Canada, Scott Smith, a été le principal porte-parole de l’organisme. Les appels à sa démission se sont multipliés, notamment de la part de tous les partis à la Chambre des communes. Le C.A. et son président Michael Brind’Amour sont, quant à eux, demeurés complètement muets. La Presse a sollicité, à plus d’une reprise, une entrevue avec M. Brind’Amour, un avocat dont le cabinet se trouve à Joliette. Il n’a jamais rappelé.

Ultimatum

Les fédérations provinciales et territoriale imposent un ultimatum à Hockey Canada : elles demandent un « rapport d’étape écrit détaillant les actions prises et les démarches entamées tel que prévu au Plan d’action » avant le 30 novembre prochain ; le premier versement des cotisations des membres à l’organisme doit avoir lieu le lendemain. On demande également une « mise à jour du rapport d’étape » avant le 31 mars 2023, veille du deuxième versement de la saison. Cette mise à jour devra « notamment, mais sans s’y limiter », répondre à huit actions énumérées dans la missive.

« Nous avons tous un rôle à jouer pour le bien-être de nos joueurs et joueuses, ainsi que pour tous ceux qui œuvrent dans l’écosystème du hockey. Notre sport doit en faire plus, mais surtout faire mieux. Le hockey doit être plus qu’une question de jeu », conclut la lettre signée par Claude Fortin, président du conseil d'administration de Hockey Québec. M. Fortin n’a pas été rendu disponible pour des entrevues.

L’agression alléguée de 2018 a fait l’objet d’une enquête de la police de London ainsi que d’une firme d’avocats mandatée par Hockey Canada. Les deux enquêtes ont été fermées en 2019 et en 2020, respectivement, mais ont depuis été rouvertes. À peine 10 joueurs, sur les 19 présents au gala de 2018, avaient collaboré à la première enquête commandée par Hockey Canada.

L’affaire ne s’est jamais retrouvée devant les tribunaux. La victime a déposé, le 20 avril dernier, une poursuite civile contre les joueurs en question, contre Hockey Canada et contre la Ligue canadienne de hockey. Un règlement à l’amiable a été conclu un mois plus tard.

Une enquête du Globe and Mail a révélé, il y a quelques jours, que Hockey Canada utilisait depuis des années un fonds spécial de plusieurs millions de dollars, en partie financé par les inscriptions payées par les parents de joueurs de partout au pays, pour dédommager des victimes de violences sexuelles en dehors des tribunaux. Par ce procédé ainsi que par le truchement d’autres sources de financement, la fédération a versé 12,5 millions de dollars à 22 victimes depuis 1989.

Un ex-juge de la Cour suprême évaluera la gouvernance de Hockey Canada

Dans le but de « regagner la confiance » des Canadiens, Hockey Canada a confié à Thomas Cromwell, ancien juge de la Cour suprême, la mission de réviser sa gouvernance. « Une fois achevée, la révision mènera à des recommandations quant aux modifications ou aux améliorations potentielles à apporter à la gouvernance de l’organisation », écrit la fédération nationale dans le communiqué. M. Cromwell devra notamment juger, en vertu d’une « révision indépendante », si les dirigeants de Hockey Canada peuvent rester en poste. L’ex-magistrat sera appuyé par les avocates Victoria Prince et Nadia Effendi, du cabinet Borden Ladner Gervais.

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