Une deuxième histoire de viol collectif allégué impliquant l’équipe canadienne junior de hockey a fait surface, vendredi.

En 2003, soit 15 ans avant les évènements de juin 2018 qui font chaque jour les manchettes depuis des semaines, des joueurs se seraient filmés en train d’agresser sexuellement une jeune femme en marge du Championnat mondial junior, tenu à Halifax cette année-là.

Le journaliste Rick Westhead, de TSN, qui avait dévoilé au public les allégations de 2018, a décrit ce vendredi le déroulement de l’agression alléguée de 2003, dont les détails glacent le sang.

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Trois sources, dont l’identité est tue, ont confirmé à Westhead l’existence d’une vidéocassette sur laquelle se trouvait les images du viol. Dans une séquence de six ou sept minutes, un joueur de l’équipe canadienne s’adresse d’abord directement à la caméra « à la manière d’une entrevue d’avant-match », lit-on dans le reportage. Il avertit le public qu’il s’apprête à assister à un « fucking lamb roast », ce qu’on pourrait traduire par un méchoui. La caméra se dirige ensuite vers une pièce où trône une table de billard sur laquelle une jeune femme inconsciente [« non-responsive »] est couchée sur le dos. Environ « une demi-douzaine » de joueurs l’agressent sexuellement, chacun leur tour.

Deux des personnes citées dans le reportage de TSN disent avoir visionné la cassette « dans un appartement au printemps 2003 » – la vidéo aurait vraisemblablement été tournée dans les derniers jours de 2002 ou au tout début de la nouvelle année. Le troisième témoin, propriétaire de la caméra prêtée aux joueurs, a vu les images lorsque l’appareil lui a été rendu. Cette dernière personne affirme avoir détruit les images à la demande des joueurs. Elle ne les a donc pas fournies à la police.

La formation canadienne a remporté la médaille d’argent au Championnat mondial 2003 après s’être inclinée en finale contre la Russie. Au total, 21 ses 22 membres ont joué dans la LNH par la suite.

La Presse a tenté de joindre quelques joueurs issus de cette équipe, ainsi que l’agent de certains d’entre eux, afin d’obtenir des commentaires. Personne n’a répondu à nos appels.

Sur Twitter, l’ex-défenseur Carlo Colaiacovo, qui est aujourd’hui animateur à la radio, a déjà écrit qu’il n’était aucunement lié à cette affaire.

Vendredi après-midi, la LNH a publié une courte déclaration dans laquelle elle affirme avoir été mise au courant, plus tôt dans la journée, de ces allégations « horrifiantes », qu’elle « examinera » et auxquelles elle réagira de manière « appropriée ».

Nouveau scandale

Quelques heures avant que les détails de cette histoire soient dévoilés par le réseau TSN, Hockey Canada a causé la surprise en publiant un communiqué dans lequel il prévenait qu’une « agression sexuelle de groupe » se serait produite en 2003.

L’organisme assure qu’il en ignorait l’existence jusqu’à récemment. Il y a deux semaines, ses membres « ont eu vent d’une rumeur à propos de “quelque chose de mal qui serait survenu au Mondial junior 2003”, mais sans aucun autre renseignement », affirme-t-on. Une firme a été chargée de mener une enquête, mais n’a jusqu’ici rien trouvé de plus que Rick Westhead.

Ce sont les questions du journaliste qui ont précipité la publication de ce communiqué. Lui-même avait été mis au parfum de cette affaire par le député conservateur John Nater, qui avait en premier reçu un témoignage d’une personne dont l’identité est tue, mais qui travaille dans l’industrie du hockey.

Dans une déclaration écrite fournie à La Presse, John Nater a confirmé avoir obtenu cette information plus tôt cette semaine. Il l’a également transmise à la police, ce qu’assure avoir aussi fait Hockey Canada.

Je m’attends à ce que Hockey Canada coopère totalement avec toute enquête concernant des allégations d’inconduites sexuelles et d’abus à l’intérieur de son organisation.

John Nater, député conservateur

Ce dernier siège par ailleurs sur le comité du Patrimoine, qui a interrogé les dirigeants de Hockey Canada à Ottawa le 20 juin dernier par rapport au scandale de 2018. Il s’était alors montré très critique à l’égard de la manière dont l’organisme a géré ce dossier. De nouvelles audiences auront lieu aux Communes les 26 et 27 juillet prochains. Les allégations de 2003 seront certainement abordées.

La police d’Halifax a déclenché une enquête à la suite de ces nouvelles révélations.

Tourmente

Cette affaire s’ajoute aux évènements qui plongent déjà Hockey Canada dans la tourmente depuis deux mois.

En juin 2018, après une fête arrosée suivant le banquet annuel de la fondation de Hockey Canada, à London, en Ontario, huit athlètes auraient agressé sexuellement une jeune femme dans une chambre d’hôtel. L’identité des suspects et de la victime est encore à ce jour inconnue. Les suspects étaient tous des joueurs évoluant dans le hockey junior canadien à l’époque, mais pas nécessairement des membres de l’équipe nationale.

La victime a intenté, en avril dernier, une poursuite civile contre Hockey Canada, les suspects et la Ligue canadienne de hockey. Hockey Canada a rapidement conclu une entente hors cour et se retrouve depuis sous le feu des critiques pour sa gestion de ce dossier. Le Globe and Mail a révélé que l’organisme avait eu régulièrement recours, au cours des années, à un fonds spécial pour dédommager des victimes de violences sexuelles.

En 2019, une enquête policière de huit mois s’était conclue sans accusation. Or, ce vendredi, le chef de la police de London a indiqué dans un communiqué qu’une enquête criminelle avait été rouverte.

On ignore à ce point-ci si la victime fournira son témoignage à la police de London. En entrevue à La Presse, plus tôt cette semaine, des experts confiaient que ce témoignage était quasi essentiel pour que des accusations soient ultimement déposées.

Lisez « Scandale à Hockey Canada : des plaidoyers sans portée légale »

La jeune femme a déjà fait savoir qu’elle participerait à la nouvelle enquête récemment confiée à une firme externe par Hockey Canada – une première enquête indépendante, incomplète, avait été jugée inconcluante. La LNH enquête elle aussi sur cette histoire, qui implique des joueurs qui évoluent aujourd’hui dans l’une ou l’autre des 32 équipes du circuit.

Très discrets depuis que l’affaire a été révélée au grand jour à la fin du mois de mai, la plupart des joueurs de l’équipe canadienne junior de 2018 ont multiplié, au cours des derniers jours, les sorties sur les réseaux sociaux afin de se distancier de cette affaire.