Au bout de quelques minutes et de quelques questions, Logan Mailloux a fini par lâcher ce petit bout de phrase : « Je voudrais changer tout ce que j’ai fait… »

Est-ce que ce sera suffisant ? Aux yeux de son employeur, le Canadien de Montréal, qui ne lui a toujours pas offert de contrat ? Aux yeux d’une certaine partie du public, qui ne lui a peut-être pas pardonné ? Et surtout, aux yeux de sa victime, qui ne souhaite plus le voir depuis longtemps déjà ?

Personne n’a les réponses à ces questions, encore moins Mailloux. Mais en attendant, le joueur de 19 ans est ici, à Brossard, au camp de développement du Canadien, là où il tente de tourner cette très lourde page.

Son histoire est déjà très bien connue, surtout de Mailloux lui-même, qui a multiplié les rencontres et les thérapies au cours de la dernière année afin de ne plus jamais être ce gars-là.

« Il y a eu des rencontres avec des thérapeutes, avec des professionnels de toutes sortes, j’ai pris part à des programmes d’éducation et d’entraînement… il y en a eu beaucoup. Alors oui, j’aurais tout fait différemment. J’ai changé en tant que personne et aussi comme être humain. Je n’étais pas éduqué à ce sujet auparavant et je crois l’être maintenant. »

Le consentement, c’est communiquer avec notre partenaire, pour savoir ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas. Le consentement est quelque chose de continu, et j’ai appris beaucoup sur le sujet.

Logan Mailloux

Juste à la gauche du jeune défenseur, il y avait un autre homme, de 63 ans celui-là, qui en sait un rayon sur le concept des deuxièmes chances : Rob Ramage, un ancien joueur impliqué dans un grave accident de la route en 2003.

Ramage a été déclaré coupable de cinq chefs d’accusation de conduite en état d’ébriété ayant provoqué la mort en 2007, après un accident qui a tué l’ancien des Blackhawks de Chicago Keith Magnuson. Au départ condamné à quatre ans de prison, il avait été libéré après dix mois en respectant plusieurs conditions.

Aujourd’hui directeur du développement des joueurs chez le Canadien, c’est lui qui a la responsabilité d’encadrer Mailloux sur le chemin de la deuxième chance.

« Logan ne serait pas ici s’il n’avait pas déjà fait tout ce travail, a expliqué Ramage. C’est ce que la direction du Canadien estime à son sujet. »

Humble

Mailloux, bien sûr, avait supplié la LNH au grand complet de ne pas le repêcher, lui qui avait partagé une photo explicite d’une partenaire en 2020 en Suède sans avoir obtenu au préalable son consentement (la justice lui avait imposé deux amendes).

Mais l’administration précédente du Canadien ne l’a pas entendu, et le joueur des Knights de London a été le choix de premier tour (31e au total) du Tricolore au repêchage de 2021, un choix qui ne serait par ailleurs pas étranger, en partie du moins, au changement de régime qui a été effectué au Centre Bell la saison dernière.

« Je ne croyais pas mériter ce droit d’être repêché, a-t-il admis. Mais je l’ai été et je reste humble face à cette décision, humble d’avoir cette chance. J’ai travaillé toute ma vie pour ça, c’est comme un rêve qui devient réalité… »

J’ai travaillé beaucoup depuis la dernière année, je veux être un membre du Canadien.

Logan Mailloux

Il le sera sans doute un jour. Dans l’immédiat, le scénario le plus probable est celui de la patience, car le principal intéressé n’a joué que 12 matchs avec les Knights la saison dernière, en plus de subir une blessure à une épaule au mois de mars. C’est d’ailleurs au hockey junior ontarien qu’il devrait retourner cette saison.

« Sa saison a commencé avec une suspension, il a produit beaucoup de points et ensuite, il y a eu la blessure, a expliqué Francis Bouillon, entraîneur au développement des joueurs chez le Canadien. Mais c’est un gars qui a un potentiel, il démontre ici qu’il est un bon patineur, et je pense que son avenir avec nous est assez évident… on va y aller une étape à la fois. C’est une bonne personne, il comprend que c’est grave, ce qu’il a fait. »

À ce sujet, Mailloux a émis le souhait que son histoire puisse un peu servir d’exemple. Ces rencontres avec des spécialistes, avec des thérapeutes, ça devrait être la base, selon lui. « Tous les clubs de la LNH devraient faire ça, au hockey junior aussi, au hockey mineur aussi », a-t-il ajouté.

Le verra-t-on un jour au Centre Bell, dans un match de la LNH, avec un chandail du Canadien sur le dos ? La balle est dans son camp, mais aussi dans celui des décideurs montréalais, qui ont jusqu’au 1er juin 2023 pour lui offrir un contrat.

En attendant, il se dit sur le chemin du retour, un chemin qu’il ne veut pas quitter. Au fait, que dirait-il à sa victime s’il pouvait lui parler ?

« Je ne lui ai pas parlé depuis deux ans, tel qu’elle le désire et tel que la cour le désire. Mais j’espère qu’elle comprend que je dois vivre avec ça et que je pense à ça chaque jour. Ça va me suivre pour toute ma vie, comme pour elle aussi. J’espère qu’elle comprend et sait à quel point je suis sincère… »