Décidément, le Canadien aura tenu tout le monde en haleine jusqu’au dernier jour avec l’identité de ce satané premier choix.

Il y a Shane Wright, annoncé depuis 2019 comme le meilleur joueur de cette cuvée.

Il y a Juraj Slafkovsky, qui s’est invité dans la discussion avec ses performances « pas seulement dioses, mais grandioses », a dit un loustic, au Championnat du monde et aux Jeux olympiques.

Il y a Logan Cooley, justement, qui a soupé avec le Canadien le mois dernier à Buffalo. Des recruteurs du club l’ont en haute estime.

Wright, le favori ?

Nos discussions avec des directeurs généraux, recruteurs et agents rencontrés à Montréal, cette semaine, pointent vers une finale entre Wright et Slafkovsky.

Wright a reçu le traitement préférentiel, ayant eu droit à un appel de l’entraîneur-chef du Tricolore, Martin St-Louis, et du conseiller spécial aux opérations hockey, Vincent Lecavalier.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Shane Wright a indiqué mercredi qu’il s’était entretenu avec l’entraîneur-chef du Tricolore, Martin St-Louis.

Ces appels ont eu lieu il y a une dizaine de jours. Celui avec St-Louis – que le directeur général Kent Hughes n’a pas révélé dans son point de presse de lundi – n’était à l’évidence pas banal, puisqu’ils ont jasé pendant plus d’une demi-heure. Wright, classé meilleur espoir en Amérique du Nord par la Centrale de recrutement de la LNH, en est ressorti impressionné par celui qui pourrait être son coach l’automne prochain.

« C’était positif. Martin est tellement intelligent comme entraîneur. C’était un joueur intelligent et c’est un entraîneur intelligent. Il y a de bons jeunes et je veux faire partie de ce que cette organisation bâtit », a expliqué Wright, mercredi matin, en marge d’une activité promotionnelle sur glace au centre d’entraînement du Canadien.

Un entraîneur-chef à ce point impliqué dans le recrutement d’un espoir, c’est plutôt rare. L’image classique de l’entraîneur au repêchage, c’est celle du coach « assis au bout de la table, pas au centre, et qui regarde surtout les mères des joueurs », nous lance un ancien haut placé d’une équipe de la LNH, à peine cynique.

Mais d’un autre côté, Kevyn Adams, le directeur général des Sabres de Buffalo, racontait mercredi que son entraîneur-chef, Don Granato, le textait parfois « à 5 h du matin » au sujet d’un espoir.

« Je pense qu’il s’y intéresse ! », a lancé Adams. St-Louis fait partie de ce même type d’entraîneur passionné. Mais il y a aussi le fait que le joueur que le Canadien réclamera au 1er rang a de bonnes chances de jouer dès l’automne prochain… 

St-Louis un jour, Lecavalier un autre jour. Wright ne pourra pas dire qu’il ne s’est pas senti désiré par le Tricolore. « Je vois qu’ils font leurs devoirs, ils veulent savoir qui je suis comme joueur, a dit le numéro 51. [Lecavalier] a parlé de ses expériences. C’était différent dans son cas, il allait à Tampa, qui était un petit marché à l’époque. »

« Il y avait beaucoup de discussions au sujet de la pression avec laquelle Shane a joué cette année, a ajouté Hughes », rencontré après la réunion des directeurs généraux, en fin de journée mercredi.

« On voulait qu’il ait la chance de parler avec quelqu’un qui a vécu cette expérience, pour être plus ouvert, plus honnête. On évalue tout, on veut savoir, que ce soit Shane, Logan ou Juraj, à quel point ils sont prêts pour la pression de Montréal. »

Une autre rencontre pour Slafkovsky 

La stratégie diffère d’un espoir à l’autre. Slafkovsky, lui, n’a pas reparlé aux membres de l’état-major du Canadien depuis le camp d’évaluation de Buffalo, mais il aura droit à une rencontre de dernière heure ce jeudi, jour du premier tour.

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Juraj Slafkovsky

« Je devais les rencontrer [mardi], a-t-il expliqué, mais l’avion a été retardé. [Mercredi], il y a beaucoup de choses à l’horaire, donc [ce jeudi], on aura une rencontre. Je ne sais pas qui y sera. »

Spécial d’avoir encore une rencontre la journée même du repêchage ? « Je ne sais pas, mais j’aime ça ! », a-t-il lancé, avec son large sourire.

« On veut mettre les points sur les i et les barres sur les t. On a le temps, ce n’est pas comme si, tout à coup, on allait passer tout droit », s’est justifié Hughes.

Logan Cooley a quant à lui indiqué ne pas avoir reçu d’appel de St-Louis et n’avait pas de rencontre de prévue cette semaine à Montréal.

L’humour de Slafkovsky

Slafkovsky s’est de nouveau servi de son (déjà) légendaire sens de l’humour pour éluder les questions embarrassantes.

Le mois dernier, à Buffalo, le Slovaque nous avait dit qu’il se verrait bien à Montréal, au sein d’un trio avec Cole Caufield et Nick Suzuki. « Ça ferait un trio pas mal fou [a pretty sick line]. Je pense que je suis le plus gros des trois. Ils ont besoin de quelqu’un de plus costaud pour récupérer les rondelles. Et eux sont vraiment des joueurs d’habiletés. Ça ferait une bonne combinaison ! », nous avait-il répondu.

Or, mercredi, dans le cadre d’une activité avec des joueurs de hockey mineur, les six espoirs du jour étaient sur la glace à Brossard en compagnie de Jonathan Drouin… et de Suzuki. Alors, comment s’est passée la conversation avec le numéro 14 du Canadien ?

« C’était plaisant. J’ai fait exprès de me tenir à côté de lui pour que les journaux aient une histoire à écrire », a-t-il badiné.

Slafkovsky s’est tenu près de Suzuki pendant l’activité, mais il était aussi souvent au côté de Wright. En tant que meilleurs espoirs de la cuvée 2022, ils sont constamment appelés à se côtoyer.

Du camp d’évaluation à Buffalo, ils ont pris l’avion ensemble pour se rendre au New Jersey, afin de visiter les installations des Devils, détenteurs du 2choix. Ils étaient aussi deux des quatre espoirs invités par la LNH pendant la finale de la Coupe Stanley, afin de rencontrer les joueurs du Lightning de Tampa Bay et de l’Avalanche du Colorado.

« Slafkovsky est vraiment un bon gars, a affirmé Wright. Il comprend ce qu’on vit. On est un peu en compétition, mais j’ai également un grand respect pour lui, pour ses habiletés, car c’est un joueur d’élite. C’est facile d’être ami avec un gars comme lui.

« On a tous les deux gagné le droit d’être dans cette conversation. Il n’y a pas de malaise, ce sont deux gars qui jouent au hockey, mais pas l’un contre l’autre. »

Les chances sont grandes qu’ils jouent réellement l’un contre l’autre à compter de l’automne prochain. Mais avec les Devils qui sont disposés à échanger le 2choix, avec ces incessantes rumeurs sur le Canadien qui cherche à faire un coup d’éclat, qui sait quel chandail ils enfileront jeudi soir. Fin de l’interminable suspense dans moins de 24 heures.

Intercepté par la police !

Shane Wright a vécu toute une aventure durant son trajet vers Montréal. À peine arrivée sur le sol québécois, la voiture familiale s’est fait intercepter par un policier en bordure de l’autoroute. « On baisse la fenêtre. Il dit : “On cherche une auto impliquée dans un accident, elle ressemble à la vôtre. On voulait s’assurer que tout va bien.” Puis il me regarde, il dit : “Vous allez au repêchage.” » Wright a dû reconnaître que oui, la famille était bel et bien en route vers le repêchage. « Il retourne à sa voiture. Puis mon père le voit dans son rétroviseur avec son téléphone. Il revient, il dit : “Je m’excuse, il faut que je prenne une photo avec vous !” »