Le téléphone de John Paris fils sonne sans cesse depuis deux jours.

C’est qu’un nouveau plafond de verre a été brisé, mardi, dans la Ligue nationale de hockey. L’ancien joueur Mike Grier a été nommé directeur général des Sharks de San Jose. Il est ainsi devenu le premier Noir à occuper ce poste dans l’histoire de la LNH, une institution vieille de 105 ans.

John Paris, lui, avait été le premier entraîneur-chef noir à diriger une équipe professionnelle. C’était en 1993, avec les Knights d’Atlanta, dans la Ligue internationale de hockey (LIH).

« Moi, je suis juste content d’être encore en vie pour voir ça », s’est réjoui Paris fils lors d’un entretien téléphonique avec La Presse, mardi.

C’est bien, mais pas seulement pour la communauté noire. Pour le sport en général, et surtout le hockey.

John Paris fils

Mike Grier lui-même s’est dit « très fier » de sa nomination devant les médias californiens.

« J’ai vu la ligue se diversifier depuis le temps où j’étais joueur, a exposé l’ancien ailier, qui a disputé plus de 1000 matchs dans la LNH. Il y a plus de joueurs noirs, plus de femmes et de membres des minorités dans les bureaux.

« Mon travail est d’être aussi bon que possible pour les Sharks, a ajouté Grier. J’espère que ça pourra ouvrir la porte à d’autres dirigeants issus de la diversité pour mener une équipe à l’avenir. »

« Servir d’exemple »

Là-dessus, les deux hommes se rejoignent.

« Si nous sommes premiers dans quelque chose mais que personne ne nous suit, ça ne sert à rien d’être pionniers, lance John Paris fils. On veut toujours qu’il y ait une suite. C’est pour ça qu’on fait ça. On veut créer des ouvertures pour les autres. »

C’est là le point d’ancrage des choix qu’il a faits dans sa carrière. En plus d’avoir été entraîneur, John Paris a été recruteur dans la LNH et directeur général dans la Ligue canadienne de hockey (LCH).

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA LNH

John Paris fils derrière le banc des Knights d’Atlanta

« Il n’y avait pas [de Noirs], donc j’ai voulu être celui qui dit : “Écoute, si je suis capable de le faire, d’autres le feront.” Si les jeunes voient ça, ça va les intéresser. […] Je voulais qu’il y ait un suivi après moi. Je voulais qu’il y ait des gens meilleurs que moi. »

En d’autres mots, il a voulu « servir d’exemple ».

« C’est surtout ça qui m’a passionné, et qui me passionne encore. Je suis très fier aujourd’hui de voir Mike Grier. Comme je suis très fier de voir des femmes qui accèdent à des postes. »

« Éliminer la résistance au changement »

Mike Grier a du pain sur la planche. Le repêchage a lieu jeudi. Le marché des joueurs autonomes s’ouvre la semaine prochaine. Il doit reconstruire une équipe qui a raté les séries éliminatoires lors des trois dernières saisons, une première dans l’histoire de la franchise. En plus d’embaucher un nouvel entraîneur-chef avant le début de la prochaine campagne.

En tant que premier directeur général noir dans la LNH, a-t-il une pression supplémentaire ?

C’est important qu’il ait du succès. Mais c’est encore plus important qu’il soit bien entouré. […] Ça prend un entourage solide.

John Paris fils

L’ancien entraîneur des Knights d’Atlanta avait remporté le titre de la LIH à sa toute première saison à la barre de l’équipe. Une anecdote de circonstance lui revient à l’esprit.

« Le propriétaire l’avait dit carrément : il fallait que je gagne. J’avais expliqué que non, c’est l’équipe qui gagne. Il disait : “On comprend que ce sont les joueurs qui sont responsables de gagner. Mais s’il avait fallu que tu perdes, ça aurait pris du temps avant qu’un autre entraîneur noir soit accepté.” »

« Le succès amène de l’intérêt, enchaîne-t-il. Et élimine la résistance au changement. »

La compétence avant tout

Oui, le nouveau directeur général « a une certaine pression » parce qu’il doit « être à la hauteur des attentes », selon Paris.

Mais Grier coche aussi toutes les cases pour être un « candidat viable » à ce poste.

Le choix des Blues de St. Louis au repêchage de 1993 (219e au total) a récemment œuvré à titre d’adjoint aux entraîneurs-chefs des Devils du New Jersey John Hynes et Alain Nasreddine, de 2018 à 2020. Il a ensuite été nommé conseiller aux opérations hockey par les Rangers de New York en mai 2021. Avant de devenir dépisteur pour les Blackhawks de Chicago entre 2014 et 2018. Tout cela après avoir joué 15 ans dans la LNH.

Il a peut-être même dû attendre un peu plus longtemps que certains autres candidats avant d’avoir finalement sa chance.

« Pour quelqu’un qui est considéré comme différent, nous savons tous que pour avoir de l’avancement, il faut faire des choses que d’autres ne font pas. Et les faire un peu mieux, et un peu plus longtemps. Mais ce n’est pas grave. Quand on sait que c’est comme ça, on l’accepte, et on fonce.

« Le mieux que l’on peut faire est surtout d’être qualifié. Après, les bonnes choses vont arriver. »