(Toronto) Dans la foulée des allégations de viol collectif visant huit joueurs d’Équipe Canada junior 2018, d’autres partenaires de Hockey Canada imiteront-ils la Banque Scotia ?

L’institution financière a fait savoir mardi qu’elle mettait en veilleuse son lien avec Hockey Canada. Quelques jours auparavant, le gouvernement Trudeau avait annoncé suspendre temporairement son financement de plusieurs millions à l’organisation.

Dans un courriel envoyé à La Presse mardi, un autre partenaire, Imperial (Esso), s’est dit troublé par les allégations, mais n’a pas manifesté officiellement son intention de s’éloigner de Hockey Canada.

« Nous avons fait part de nos attentes à Hockey Canada, soit que des gestes concrets soient posés immédiatement quant à la façon de réagir face à de tels enjeux et pour assurer un changement de culture, a écrit le porte-parole d’Imperial, Karl Scobie. Parallèlement, notre organisation continue d’appuyer le hockey au Canada et les programmes ciblant les jeunes à travers le pays. »

Canadian Tire retire quant à elle sa commandite en vue du Championnatsu du monde junior, qui aura lieu au mois d’août, selon Katie Strang, de The Athletic. Dans une capture d’écran publiée par la journaliste sur Twitter, l’entreprise écrit aussi vouloir « réévaluer sa relation avec Hockey Canada », en plus de lui demander de « se montrer à la hauteur de son engagement visant à changer la culture systémique du silence dans notre sport national ».

De son côté, Brian J. Porter, président et chef de la direction de la Banque Scotia, a fait savoir que l’institution devra être « convaincue que les bonnes mesures sont prises pour améliorer la culture au sein du sport — à la fois sur et hors glace » avant de revenir sur sa position.

« Il y a eu un constat, à la suite du témoignage des dirigeants de Hockey Canada en comité parlementaire la semaine dernière, et c’est que malheureusement, les actions, la façon de traiter ce dossier-là par Hockey Canada n’a pas été efficace, transparente », a dit la ministre des Sports Pascale St-Onge, lors d’un point de presse mardi.

« Par conséquent, le gouvernement fédéral a décidé de suspendre le financement. Maintenant, on voit que d’autres partenaires de la société civile ont choisi la même voie. Le message envoyé à Hockey Canada est clair : ils doivent changer leur leadership, améliorer leurs pratiques, leur gestion, et assurer la sécurité des joueurs et du public. »

De bonnes réactions ? « La Banque Scotia suit le gouvernement et a réagi vite, répond Myriam Brouard, professeure de marketing à l’Université d’Ottawa. C’est la première marque à le faire. Elle montre un appui déterminé. Elle n’est pas dans l’ambivalence et elle a redirigé son financement vers d’autres axes sportifs. »

En effet, les commandites prévues dans le cadre du prochain Championnat du monde junior, en août, seront versées à d’autres programmes, « incluant la Fondation Hockey Canada, qui aide, avec succès, à éliminer les barrières financières reliées au hockey pour les jeunes, et le Championnat du monde féminin », indique-t-on dans un communiqué. Un don sera également fait à la Fondation canadienne des femmes, qui soutient les femmes victimes de violence basée sur le genre.

Il est impératif pour les autres partenaires de se positionner clairement, estime Myriam Brouard. « Surtout dans une période où on parle beaucoup de violence faite aux femmes et de droit à l’avortement, note-t-elle. Le dévoilement des allégations ouvre la porte à d’autres histoires semblables. »

« Quand tu commandites un évènement, c’est pour rejoindre des gens, ajoute Stéphane Mailhiot, coprésident de l’agence de publicité Havas Montréal. Mais la cote d’amour est importante. »

Le publicitaire rappelle qu’à l’époque du scandale de Tiger Woods, Nike a soutenu le renommé golfeur. « Les marques liées à sa performance sont restées, mais celles liées à son côté gentleman sont parties », précise-t-il.

Par ailleurs, il y a lieu pour les commanditaires de se poser la question sur la provenance des fonds qui ont permis de régler à l’amiable la cause. Hockey Canada a juré qu’aucuns fonds publics n’avaient servi à payer la victime alléguée. Mais qu’en est-il des fonds privés ?

Les commanditaires ont le même réflexe que le gouvernement : j’espère que mon argent n’a pas servi à ça.

Stéphane Mailhiot, coprésident de l’agence de publicité Havas Montréal

À ce titre, la Banque Scotia a fait savoir qu’elle s’attendait à ce que Hockey Canada « coopère pleinement avec le gouvernement fédéral » et veut s’assurer que ses commandites aient été utilisées « comme prévu ».

Cela dit, quelle est ta responsabilité en tant que commanditaire quand tu es impliqué dans une telle tempête ? demande Stéphane Mailhiot.

« Tu quittes ou tu restes pour aider à faire le ménage ? lance-t-il. Il n’y a pas de scandale plus dégueulasse que celui-là, mais comme il ne faut pas que ça se reproduise, que le hockey est extrêmement populaire et que ce sport attirera toujours des spectateurs, un commanditaire pourrait mettre de la pression pour que l’organisation assainisse ses pratiques tout en faisant partie de la solution. C’est une autre façon d’exercer son leadership comme marque. »

Joints par La Presse, les partenaires Tim Hortons, Tempur Sealy et BDO Canada n’ont pas répondu à nos messages.

Avec la collaboration de Julien Arsenault et de Jean-François Téotonio, La Presse