(Tampa) Samuel Girard ne manquait pas de gens à qui parler sur la patinoire, dimanche, pendant les célébrations de l’Avalanche avec la Coupe Stanley.

Il y avait sa mère, Guylaine, qui a dû fermer temporairement sa garderie en milieu familial, le temps de cette finale. « J’ai dit : il arrivera ce qui arrivera, je vais fermer si on se rend en finale. On a une pénurie de personnel, nous aussi ! »

Il y avait son cousin William, sa sœur aussi, Jessica, qui tentait de contenir le trop-plein d’émotion. « C’est tellement un exploit de toute la famille. C’est un travail d’équipe qu’on a fait ensemble ! », a-t-elle lancé, entre les sanglots.

Et il y avait le père, Tony, en appel vidéo avec un autre de ses fils, Jérémy, qui a dû rester à Québec. « Il est venu pour les deux premiers matchs, mais il a deux jeunes enfants, il est dans l’armée, donc il a dû repartir. Sa sœur est venue le remplacer ! », explique Tony. L’autre frère, Christopher, était aussi rentré au Québec après avoir assisté au match de vendredi à Denver, dans l’espoir que l’Avalanche règle ça en cinq.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Guylaine Dion et Tony Girard

L’histoire de Jérémy, en particulier, a ému le Québec il y a quelques années, quand il a été su qu’il avait renoncé à sa saison midget AAA pour permettre à Samuel de vivre son rêve. La famille avait les moyens de payer une seule inscription, pas deux.

« Mon père l’a facetimé, il pleurait, racontait Samuel Girard sur la patinoire pendant les célébrations. Depuis le début de ma carrière, il me soutient, il venait me voir jouer à Shawinigan, à trois heures de route. Ils viennent au moins deux fois par année à Denver. J’ai juste de l’amour à leur donner. »

Dans le vestiaire

Parce qu’il a subi une fracture du sternum au deuxième tour, Girard n’a pas participé à cette finale. C’est donc depuis le vestiaire, en compagnie des réservistes, qu’il a assisté à la victoire de 2-1 de l’Avalanche dans le sixième match, dimanche.

Girard avait néanmoins enfilé son uniforme de joueur pour les célébrations.

« On s’était dit que si on mène avec cinq minutes à jouer, on allait s’habiller. Je ne mentirai pas, c’était les cinq plus longues minutes de ma vie, on aurait dit que le temps ne descendait pas ! »

Ça m’a pris trois minutes pour m’habiller. Je ne le réalise pas trop !

Samuel Girard

Girard a tout de même eu son mot à dire dans cette conquête. Il comptait trois points en sept matchs en séries lorsqu’il est tombé au combat, et venait de connaître une saison de 28 points en 67 matchs, au sein du deuxième duo de défenseurs.

« Même s’il n’était pas sur la glace, il a donné son 100 % toute la saison, insiste sa mère, Guylaine. Quand il s’est blessé, je lui ai dit : ‟C’est pas grave, soutiens ton équipe et nous, on va te soutenir. C’est ça, une équipe.” »

Pour un défenseur de 5 pi 10 po et 170 lb, c’est évidemment toute une victoire que de soulever cette Coupe Stanley. On devine le nombre de fois où il a dû entendre qu’il ne se rendrait jamais dans la LNH. Le simple fait qu’il ait dû attendre au 47rang avant d’être repêché, en 2016, même s’il venait de connaître une fabuleuse saison offensive, en dit long sur les perceptions à son sujet. Sa mère, elle, s’en souvient.

« À tous ceux qui lui ont dit qu’il était trop petit pour la Ligue nationale… Aujourd’hui, avec la Coupe, ils l’ont dans le nez ! Ça prouve que oui, il peut jouer dans la Ligue nationale, que tu n’es pas obligé de mesurer 6 ou 7 pieds et de peser 200, 300 lb. Tu peux jouer. Martin St-Louis était plus petit et il a fait son chemin.

« Je suis tellement fière de lui, il a une tête de cochon et c’est ça, avoir une tête de cochon. Il n’a jamais lâché. »

Une deuxième visite à Roberval

Avec tout ça, Roberval accueillera de la visite rare cet été : la Coupe Stanley. Les joueurs de l’équipe championne ont tous droit à leur journée avec le saladier, qu’ils remplissent de bière, de champagne, de poutine ou d’Alphagetti, à leur convenance.

Pour une ville dont l’évènement phare – la Traversée internationale du lac Saint-Jean – a été mis à mal depuis deux ans, cette visite fera le plus grand bien.

Ce sera la deuxième fois que le trophée s’arrêtera à Roberval, selon Guylaine Dion. La première visite était à l’occasion de Kraft Hockeyville, concours que Roberval avait gagné en 2008.

La fierté de Guylaine Dion est palpable quand elle pense à la journée qui attend son fils quelque part cet été.

« Pour la première fois, la Coupe va être levée par un joueur. Ça ne sera pas pareil ! »

Aubé-Kubel aussi

PHOTO RON CHENOY, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Nicolas Aubé-Kubel

Nicolas Aubé-Kubel était lui aussi dans le vestiaire pour ce sixième match. Quelques heures avant le match, on croyait bien qu’il allait jouer, en voyant Valeri Nichushkin arriver à l’aréna en boitant. Mais l’attaquant russe était finalement à son poste. Aubé-Kubel a donc été laissé de côté, mais il a disputé 14 des 20 matchs de l’Avalanche. Il n’a amassé aucun point, mais a distribué 49 mises en échec. « C’est fou raide, le stress, a-t-il raconté, après le match. Regarder ça de l’extérieur, c’est vraiment dur. Mais maintenant, j’ai le même sourire que les autres. » C’est un dénouement inespéré pour l’attaquant québécois, choix de deuxième tour en 2014, soumis au ballottage en novembre par les Flyers de Philadelphie. Il est donc passé d’une des pires équipes de la LNH à la future équipe championne.