Une étrange page de l’histoire récente du Canadien vient de se tourner. Et quelques nouveaux chapitres pourraient s’écrire dans un avenir pas trop lointain.

L’organisation a échangé son capitaine, le défenseur Shea Weber, aux Golden Knights de Vegas, en retour de l’attaquant Evgenii Dadonov. Aucune des deux équipes n’a retenu de salaire.

En 2021-2022, le Russe de 33 ans a récolté 43 points en 78 matchs. Il n’aura passé qu’une saison dans le désert, après s’être auparavant aligné avec les Panthers de la Floride et les Sénateurs d’Ottawa.

Cette transaction a ceci de particulier qu’elle implique un joueur vedette, l’un des meilleurs défenseurs de la LNH des années 2010, qui n’a toutefois pas joué de la dernière saison et qui, selon toute vraisemblance, ne jouera plus du tout. En raison de blessures multiples, notamment au genou et au pied, Weber a passé la dernière année chez lui, en Colombie-Britannique, plutôt qu’à Montréal. C’était un secret de Polichinelle qu’il serait échangé – une transaction est d’ailleurs passée tout près d’être conclue en mars dernier. Il ne restait qu’à trouver une équipe… et le bon moment.

Ce sont donc les Knights qui ont répondu à l’appel. Les pourparlers se sont intensifiés au cours des derniers jours, au point que le directeur général du Canadien, Kent Hughes, a informé Weber mercredi de l’imminence d’une transaction. « Il était au match de baseball de son fils ; il m’a demandé s’il pouvait me rappeler, mais j’ai préféré lui dire sur-le-champ afin d’éviter qu’il l’apprenne de quelqu’un d’autre », a raconté Hughes en point de presse virtuelle.

Flexibilité

Le DG n’a jamais caché son jeu : la quête de « flexibilité » est le principe directeur de la présente phase de reconstruction qu’amorce son équipe. Flexibilité sur le plan financier, s’entend, alors que le Tricolore a terminé au tout dernier rang du classement général en 2021-2022, et ce, avec la masse salariale la plus lourde du circuit.

Sur le strict plan mathématique, à court terme, Hughes se donne une marge de manœuvre appréciable, sans être spectaculaire. Dadonov gagnera 5 millions la saison prochaine, si bien que le CH économisera près de 3 millions, puisque Weber empochera 7,857 millions. Or, avec une masse salariale tout près du plafond en vigueur, et avec quelques joueurs à la recherche d’un nouveau contrat, ça ne règle pas tous les problèmes.

Photo Olivier Jean, archives LA PRESSE

Evgenii Dadonov frappe Alexander Romanov lors d’un match entre les Golden Knights de Vegas et le Canadien de Montréal au Centre Bell.

C’est plutôt à moyen et long terme que la différence se fera le plus sentir. Dadonov sera joueur autonome sans compensation après la prochaine saison, si bien qu’on pourra effacer complètement son nom des livres si on le désire. Quant à Weber, il est encore sous contrat pour quatre longues années, qu’il passera vraisemblablement sur la liste des blessés à long terme.

Hughes se félicite par ailleurs d’avoir mis la main sur « un joueur qui peut nous aider offensivement ».

La situation de Weber était par ailleurs indissociable de celle de Carey Price. L’état de santé du gardien étant toujours incertain, on a préféré ne pas se retrouver devant l’éventualité d’hériter, encore une fois, de plus de 18,5 millions de dollars sur la LBLT.

Avoir des joueurs sur cette liste confère certains avantages, notamment celui de pouvoir étirer les limites salariales. C’est ce que cherchent à faire les Golden Knights, qui comptent dans leurs rangs de nombreuses vedettes chèrement payées. Cela se fait toutefois au prix de désagréments, notamment l’obligation, lorsque la LBLT est active à la fin d’une saison, de reporter le paiement des bonis de performance à l’année suivante. Le Canadien en fait d’ailleurs l’expérience pénible : après avoir passé toute la saison 2021-2022 sous le régime de la LBLT, il devra défrayer 1,13 million en bonis reportés en 2022-2023. La direction du club, à commencer par Kent Hughes et son adjoint John Sedgwick, dit publiquement depuis des mois qu’elle préférerait renouer avec le régime habituel.

À l’écoute

Kent Hughes n’a pas tenté de se défiler. Son téléphone sonne avec de plus en plus d’ardeur à l’approche du repêchage et de l’ouverture des joueurs autonomes.

Dans le contexte qu’on connaît, avec un club à rebâtir de la cave au grenier, ses oreilles sont grandes ouvertes.

« On doit écouter toutes les options pour nous améliorer, a-t-il confirmé. On va écouter presque tout le monde. C’est la chose prudente à faire quand on regarde où on s’est retrouvés au classement. »

On se doute que les intouchables s’appellent Cole Caufield, Nick Suzuki, peut-être même Kaiden Guhle et Alexander Romanov. Quelques autres jeunes joueurs prometteurs de l’organisation pourraient s’y ajouter eux aussi.

Hormis ce groupe réduit, rien ne semble exclu. Hughes a cité l’exemple de Josh Anderson. Nombreuses sont les équipes qui se sont enquises de sa disponibilité au cours des derniers mois. Toutefois, il est encore un membre du Canadien de Montréal. On tient à lui, assure-t-on. On ne cherche donc pas à s’en départir, « mais on n’a pas dit qu’il n’était pas échangeable », a insisté le DG.

Photo Dominick Gravel, archives LA PRESSE

Josh Anderson

Il en va de même pour le nouveau venu Dadonov. On s’attend à le voir au camp d’entraînement du mois de septembre… jusqu’à preuve du contraire. « Est-ce qu’on a l’intention de l’échanger ? Non. Est-ce qu’il pourrait être échangé à la date limite des transactions [2023] ou pendant l’été ? On va écouter », a renchéri Hughes.

Cole Caufield, a-t-il souligné, arrive à la dernière année de son premier contrat professionnel, qui lui rapporte moins de 1 million de dollars annuellement. Sa prochaine entente sera beaucoup plus lucrative.

Le magasinage du CH est donc loin d’être fini, et de gros noms du club pourraient logiquement changer d’adresse au cours de l’été, voire au cours des prochains jours. Le nom de Jeff Petry revient invariablement dans les projets d’échange, encore que Hughes ne s’attende pas à une transaction « imminente ».

La marque de son prédécesseur Marc Bergevin sur l’équipe demeure encore visible. Mais petit à petit, Kent Hughes met sa propre empreinte sur son club. Afin d’écrire l’histoire à sa façon.

Carrière prolifique

Photo Bernard Brault, archives LA PRESSE

Shea Weber

En échangeant Shea Weber, Kent Hughes a mis fin à une association avec le CH qui dure depuis l’été 2016.

En cinq saisons à Montréal, le défenseur au lancer frappé dévastateur a récolté 146 points, dont 58 buts, en 275 matchs de saison, en plus de 14 points en 48 rencontres en séries éliminatoires. En octobre 2018, il est devenu le 30capitaine de l’histoire de la franchise, succédant à Max Pacioretty.

C’est dans la ville du country que Weber a connu ses meilleurs moments en carrière. Dans la première moitié de la décennie 2010, il était reconnu comme l’un des arrières les plus dominants de la ligue. Il a représenté le Canada aux Jeux olympiques à deux reprises – Vancouver 2010 et Sotchi 2014.

La LNH a tremblé, en 2016, lorsque le Canadien l’a acquis en retour du défenseur P.K. Subban. Pendant des années, les débats sur l’équipe qui a gagné au change ont divisé les partisans.

Même s’il avait atteint la trentaine lorsqu’il est passé au Canadien, Weber a connu de bons moments dans l’uniforme bleu-blanc-rouge, lui qui a notamment terminé sixième au scrutin du trophée Norris en 2016-2017. Il a en outre été une inspiration pour ses coéquipiers en route vers la finale de la Coupe Stanley en 2021.

Malgré un effort physique colossal, il était affaibli pendant la majeure partie des dernières séries éliminatoires. Il a néanmoins disputé une moyenne de 25 minutes par rencontre. Lors de l’ultime match de la finale, il a été le joueur le plus utilisé de son club.

Les blessures l’ont rattrapé. Au cours des quatre dernières saisons, il n’a joué que 65 % des matchs en saison. La finale de 2021 aura été son chant du cygne.

En juillet 2021, l’ex-directeur général Marc Bergevin avait étalé la liste des blessures dont il savait que son capitaine souffrait : cheville, pied, pouce, genou.

Le vétéran de 36 ans n’a pas joué de la présence saison et il est de notoriété publique que sa carrière sur la glace est terminée.

Weber, un natif de Sicamous, en Colombie-Britannique, a été un choix de deuxième tour (49e au total) des Predators de Nashville en 2003.