D’une certaine façon, la seconde vie de Michaël Bournival s’est amorcée par un soir de match tout à fait banal au Centre Bell, en septembre 2014.

Le jeune attaquant tentait alors de conserver sa place avec le Canadien, lui qui revenait d’une saison de 60 matchs, sa première dans la LNH. C’était une soirée ordinaire parce que c’était un match préparatoire sans histoire, mais pour Michaël Bournival, ce ne fut pas un match sans histoire.

Pas du tout.

« Je me souviens que c’était contre les Capitals et que c’est arrivé lors d’une mise en jeu, quand je me suis fait frapper », explique-t-il en entrevue téléphonique.

Ce jeu a mené à une commotion cérébrale, une autre pour lui. On lui demande s’il peut chiffrer le nombre de commotions cérébrales subies lors de sa carrière, et il hésite. Quatre ? Oui, c’est sans doute quatre, et il est certain que celle-là fut la deuxième.

Il est aussi très certain qu’il ne s’en est jamais vraiment remis.

Quand celle-là est arrivée, je ne me sentais pas bien, pas du tout. Mais je ne l’ai dit à personne. Je ne voulais pas perdre ma place…

Michaël Bournival

Petit détour sur YouTube pour aller regarder en vitesse le match en question, et Michaël Bournival a raison : il n’a rien dit en effet, parce qu’on peut le voir finir le match, lui qui est sur la glace alors que les dernières secondes s’envolent à l’écran.

Ce petit mensonge, il prendra bien soin de l’entretenir pendant de très longues semaines.

« D’une certaine façon, ça a bien tombé, parce que le coach [Michel Therrien] m’a laissé de côté pour les 12 premiers matchs de la saison… Sur le coup, je me suis dit que c’était une bonne chose, que j’allais pouvoir récupérer, mais non. Il fallait quand même que je patine lors des entraînements, que je m’entraîne en gymnase, et quand j’ai fini par jouer mon premier match cette saison-là, je ne me sentais pas bien du tout. J’avais de la fatigue, des maux de tête, des étourdissements.

« En plus, c’est là que j’ai commencé à faire de l’anxiété en arrivant à l’aréna. Parce que tu te présentes chaque matin, et tout le monde te demande comment tu vas. Alors tu réponds que tu vas bien. Ça, ça me mettait de la pression. C’était de même chaque matin : “Comment tu vas ?” Il fallait que je fasse semblant d’aller bien. »

PHOTO SIMON GIROUX, ARCHIVES LA PRESSE

Michaël Bournival

L’ex-attaquant insiste : il n’y a jamais personne, ni chez le Canadien ni chez le Lightning de Tampa Bay, qui lui a dit de mentir à ce sujet. Mais cette douleur, ces relents de ce soir de septembre 2014, tout ça l’a suivi jusqu’à son dernier coup de patin en 2018-2019, à Syracuse dans la Ligue américaine.

« Je ne sais pas comment j’ai fait. Je n’ai jamais pu me rétablir à 100 % pendant que je jouais. À un moment donné, j’ai pensé tout arrêter, puis je pensais aussi à mon rêve, aux sacrifices que j’ai pu faire, à la discipline que j’ai dû avoir. C’est extrêmement difficile de tout arrêter. Mais à ma dernière année, j’ai appelé mon agent Christian Daigle et je lui ai dit : “Laisse faire les histoires de contrat. Ça va être ma dernière saison.” »

C’est souvent le moment de l’histoire où le joueur, désemparé et coupé de ses repères, se met à s’enfoncer dans un parcours qui est parfois sombre et sans issue. Mais ce n’est pas le cas ici, parce que le héros du récit a toujours eu une arme très utile dans son arsenal : un bon plan B.

« Ça fait longtemps que je l’ai ! Ça remonte à mes années au hockey junior, à Shawinigan. J’ai participé à la Super série Subway et on avait toujours des ateliers sur l’après-carrière. Les finances, l’école, des choses comme ça… Le message, c’était que le hockey n’est pas quelque chose d’éternel, et j’ai pris ça au sérieux. »

L’instant où il a remisé ses lames, après 113 matchs et 22 points dans la LNH, Bournival s’est tourné vers son autre passion : l’entraînement. En 2019, il a choisi d’amorcer un baccalauréat en kinésiologie à l’UQTR, après une pause scolaire de huit ans.

On peut affirmer qu’il a réussi cette suite avec le plus grand des succès, lui qui a reçu la Médaille d’argent académique de la gouverneure générale du Canada, en raison d’une moyenne scolaire presque parfaite de 4,27 sur 4,30 !

Dans son cas, et à seulement 30 ans, les beaux jours ne font que commencer.

« J’ai toujours cru en l’importance de ce plan B, pour ne pas être reconnu seulement comme un joueur de hockey, ajoute-t-il. Le hockey, ce n’est pas ça qui allait me définir. Je savais que j’allais retourner un jour à l’école, et il fallait que j’arrête de jouer pour retrouver une qualité de vie, surtout avec la venue cet été d’un deuxième enfant. Maintenant, ça va très bien, je n’ai aucune séquelle des commotions cérébrales. Aussi, en sortant du hockey, je me suis sorti de l’anxiété qui me rongeait… »