« Salut, Yan. Écoute, je suis un peu mêlé sur mon avenir dans le hockey. Tout ça pour dire que j’aimerais peut-être ça me lancer dans le coaching. J’aimerais juste ça qu’on jase pour que tu me donnes quelques conseils. »

Ça, c’est le texto que Félix Bibeau a envoyé à son ancien entraîneur chez les Saguenéens de Chicoutimi, Yanick Jean, le 11 mai dernier.

À ce moment-là, l’attaquant de 23 ans se trouvait toujours avec les Islanders de Bridgeport, club-école des Islanders de New York, en tant que Black Aces pour les séries éliminatoires de la Ligue américaine.

La réponse qu’il a reçue va comme suit : « Salut mon homme. Content d’avoir de tes nouvelles. Appelle-moi demain, on va en parler. »

Trois semaines plus tard, le 30 mai, Yanick Jean et les Saguenéens annonçaient l’arrivée de Bibeau comme entraîneur adjoint des Saguenéens. Ce même Bibeau qui, en 2019, a remporté la Coupe Memorial avec les Huskies de Rouyn-Noranda quelques mois avant d’être sélectionné au sixième tour du repêchage de la Ligue nationale. Celui qui, en mai 2020, a signé sa première entente professionnelle de deux saisons dans la Ligue américaine. Avec comme rêve la LNH.

Seulement voilà : deux ans plus tard, la passion et la motivation n’y étaient plus. C’est aussi simple que ça.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Félix Bibeau (au centre) avec les Huskies de Rouyn-Noranda, en 2019

Perte de motivation

À l’adolescence, Félix Bibeau a dû composer avec « d’intenses douleurs au genou », résultat de la maladie d’Osgood-Schlatter. Chaque été, il devait mettre les bouchées doubles à l’entraînement. « Ce n’était pas difficile de le faire parce que j’étais passionné, dit-il. Mon but, c’était de jouer dans la Ligue nationale. »

Les douleurs ont diminué pendant ses quatre années juniors, mais sont réapparues à sa première campagne dans la Ligue américaine, en 2020. Il a donc reçu une injection de plasma riche en plaquettes à la fin de la saison, ce qui lui a fait perdre deux mois d’entraînement. Puis, cette saison, il a eu des entorses répétitives à la cheville droite, ce qui lui a fait manquer au total de six à sept semaines d’activité.

« Je sais que je suis jeune, mais j’ai le corps plus vieux que ce qu’il est », lance le natif de Mercier.

Tout ça, additionné au mode de vie « instable et stressant » du hockey professionnel – la saison dernière, il a passé 150 jours à l’hôtel en raison de ses allers-retours entre l’ECHL et la Ligue américaine –, a eu raison de sa passion.

« Ce mode de vie n’est pas fait pour tout le monde. [...] Ça commençait à peser lourd pour moi. Le matin, c’était moins facile d’aller à l’aréna, j’étais moins motivé. »

« J’ai écouté mon cœur »

Si bien qu’il a commencé à se questionner.

Félix Bibeau n’est pas du genre à faire l’autruche. Après deux saisons professionnelles, le circuit Bettman lui semblait plus ou moins accessible.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Félix Bibeau

Une de mes qualités, c’est que je suis honnête envers moi-même et je suis très réaliste dans la vie. Je n’allais pas jouer dans la Ligue nationale.

Félix Bibeau

« Ça devenait de plus en plus dur [de faire les sacrifices]. Quand tu as des signes comme ça, c’est là que tu réalises que tu n’es peut-être pas là pour les bonnes raisons. Je faisais un bon salaire, mais je n’étais pas nécessairement heureux. Quand on dit que l’argent ne fait pas le bonheur, c’est vrai. »

« J’ai écouté mon cœur. »

Il est encore tôt dans la saison morte ; Bibeau aurait pu recevoir une offre des Islanders ou d’autres équipes de la LNH, de l’ECHL ou de l’Europe. Le 11 mai, il était dans son lit, à l’hôtel, quand il a décidé d’écrire à Yanick Jean. Quelques jours plus tard, l’offre était sur la table.

« Pendant deux semaines, j’ai été dans ma tête. Je n’en ai parlé à personne avant de prendre ma décision. [...] Je voulais m’écouter. Comme ma mère me dit : “Regarde-toi dans le miroir et tu ne seras pas capable de te mentir à toi-même.” C’est exactement ce que j’ai fait. »

En territoire connu

Acquis des Remparts de Québec par les Saguenéens à la mi-saison en 2020, Bibeau a joué 32 matchs sous Yanick Jean avant que n’éclate la pandémie et que sa fructueuse carrière junior ne prenne fin. À Chicoutimi, il se retrouve donc en territoire connu avec un entraîneur d’expérience qui a, comme lui, commencé sa carrière à un jeune âge.

J’ai dit à Yanick [Yanick Jean, entraîneur des Saguenéens de Chicoutimi] que j’avais une condition : continuer l’école. Il m’a regardé et il a dit : ça tombe bien, parce que moi aussi, c’était ma condition.

Félix Bibeau

Les Sags, qui sont en pleine reconstruction, parleront 6 fois parmi les 27 premiers choix au prochain repêchage. Bibeau sait ce qu’il faut pour gagner, il l’a fait à Rouyn-Noranda. Sa mission à Chicoutimi est de créer « une équipe que les gars ne veulent pas quitter, où ils sont bien ».

Pour l’instant, son contrat ne s’étend que sur un an, question de voir s’il aime ça. Mais il n’est pas inquiet : sa passion pour le hockey est toujours là, elle est seulement différente. Et puis, qui sait, c’est peut-être ce chemin-là qui le mènera à la Ligue nationale.