Recency Bias ; en français l’effet de récence : tendance des gens à surpondérer les nouvelles informations ou les évènements récents sans tenir compte des probabilités objectives de ces évènements à long terme.

Cette expression est populaire ces jours-ci. Elle fait référence à l’ailier de puissance slovaque Juraj Slafkovsky et à sa montée en popularité en prévision du repêchage de juillet, à la suite de sa prestation au Championnat du monde.

Le phénomène est tangible. Dans un récent sondage mené par Bob McKenzie, de TSN, deux de ses interlocuteurs sur huit accordaient désormais un vote à Slafkovsky, un à Logan Cooley et les cinq autres à Shane Wright.

Dans son plus récent classement, mardi, le spécialiste des espoirs de la LNH, Corey Pronman, du site The Athletic, place désormais Slafkovsky au premier rang.

Comme la mémoire est une faculté qui oublie nécessairement, l’effet de récence ramène de douloureux souvenirs aux fans du Canadien. On évoque la montée en popularité de Jesperi Kotkaniemi à quelques mois du repêchage de 2018. Ou de rappeler que les Rangers et Jeff Gorton n’auraient pas dû se fier à l’excellente production de Kaapo Kakko au Championnat du monde en 2019 en le repêchant au deuxième rang.

L’inquiétude est valable. Slafkovsky n’a pas produit à un rythme impressionnant en Liiga, en Finlande, et l’échantillon demeure donc plus mince puisqu’on se fie surtout à deux tournois.

Déboulonnons d’abord le mythe Kotkaniemi. Le Finlandais avait cartonné au Championnat mondial des moins de 18 ans, pas au Championnat mondial junior, et encore moins en Championnat du monde masculin, là où Slafkovsky a fait forte impression.

Kotkaniemi n’était pas classé dans le top quinze sur la majorité des listes à la mi-saison, contrairement à Slafkovsky, toujours nommé parmi les dix premiers.

Kakko a produit de façon étonnante pour un jeune homme de 18 ans au Championnat du monde avec six buts en dix matchs, mais en revisionnant ses matchs, on réalise qu’il n’a pas dominé pour autant.

Des buts demeurent des buts, mais ses deux premiers, lors du match d’ouverture, contre le Canada, n’ont rien de pièces d’anthologie : le premier, un tir dévié sur sa jambière alors qu’il passe devant le filet (une bonne action en soi), le second dans un filet désert.

Il enchaine avec un tour du chapeau contre la Slovaquie lors de la deuxième rencontre puis… un but lors des huit dernières parties.

On remarque dans l’ensemble beaucoup de difficulté à gagner ses batailles pour la rondelle (normal pour un jeune de 18 ans), un manque d’engagement physique qui en découle et une tendance à jouer en périphérie. Lors de la dernière rencontre du tournoi, en finale, Kakko a joué 11 minutes à peine.

Par contre, Kakko avait obtenu 38 points, dont 22 buts, en 45 matchs en Liiga, ce qui a fort probablement pesé aussi dans la balance pour les Rangers. On ne sait pas à quel point ses ennuis de santé, diabète de type 1 et maladie cœliaque (intolérance au gluten) ont un impact sur sa carrière de hockeyeur.

Slafkovsky, lui, n’a pas été très productif en Liiga (10 points en 31 matchs), mais il a été transcendant au Championnat mondial, incluant dans les matchs contre le Canada et la Finlande, même s’il n’a pas marqué. Son entraîneur Craig Ramsay l’a utilisé plus de 20 minutes en quarts de finale, un sommet chez les attaquants slovaques.

On parle des exemples négatifs de l’effet de récence. Il y a autant de cas positifs. Moritz Seider était classé au sixième rang seulement parmi les joueurs européens à la mi-saison en 2019, et le classement nord-américain regorgeait de joueurs de talent comme Hughes, Dach, Cozens, Byram, Boldy, Zegras, Boldy, Krebs, Caufield, de sorte qu’on aurait pu aisément l’exclure du top quinze d’un classement global.

Mais ce défenseur droitier allemand de 6 pieds 4 pouces avait été solide au Championnat du monde (il avait disputé sa saison à Mannheim, dans la DEL) et les Wings ont causé une certaine surprise en le repêchant au sixième rang.

À sa première saison dans la LNH, Seider a amassé 50 points et il est déjà, à 21 ans, le défenseur numéro un de son club et aussi finaliste pour le titre de recrue de l’année.

À la mi-saison en 2016, un certain Pierre-Luc Dubois était classé septième parmi les espoirs nord-américains, derrière Matthew Tkachuk, Jakob Chychrun, Alex Nylander, Julien Gauthier, Olli Juolevi et Michael McLeod. Auston Matthews, qui jouait en Suisse, Patrik Laine et Jesse Puljujarvi trônaient en tête du classement européen, de sorte qu’on aurait pu situer Dubois autour du dixième rang. Il a connu une grosse fin de saison et les Blue Jackets ont surpris la majorité des observateurs en le repêchant au troisième rang.

Le repêchage est une science inexacte. Vous l’a-t-on déjà dit ?

Jesperi Kotkaniemi devra être meilleur

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Jesperi Kotkaniemi

L’ancien troisième choix au total du Canadien, Jesperi Kotkaniemi, conclut donc les séries éliminatoires avec deux aides en quatorze matchs et un peu moins de 12 minutes d’utilisation en moyenne. À sa défense, il jouait au sein d’un quatrième trio, mais était néanmoins employé sur la deuxième vague en supériorité numérique. Seul aspect franchement positif, son efficacité lors des mises en jeu avec un taux de réussite de 55 %. Kotkaniemi n’a pas été mauvais pour autant, mais pas transcendant non plus.

En saison régulière, Kotkaniemi a amassé 29 points, dont 12 buts, en 63 matchs, soit 38 points au pro rata d’une saison complète, un rendement semblable à celui de sa première saison à Montréal.

L’attaquant des Hurricanes est encore très jeune à 21 ans, mais on aurait été en droit à s’attendre à une progression à sa quatrième saison dans la LNH, d’autant plus qu’il touchait 6 M$ cet hiver et entamera sous peu la première année d’un contrat de huit ans, évalué à 38 M$, un salaire annuel de 4,8 M$.

Le départ probablement de Vincent Trocheck devrait lui permettre de monter en grade et de bénéficier de meilleurs ailiers l’an prochain. À lui de produire. Il sera difficile à défendre à la fin de la saison prochaine avec des statistiques semblables.

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