Quarante-deux ans plus tard, on parle encore à Montréal du premier choix au total loupé par le Canadien, Doug Wickenheiser, préféré à Denis Savard.

Wickenheiser constituait pourtant un choix presque unanime, après avoir amassé 170 points, dont 89 buts, en seulement 71 matchs avec les Pats de Regina.

Vous devinez ainsi que même si Shane Wright demeure le favori consensuel au premier rang du repêchage de 2022, Kent Hughes, Jeff Gorton et leurs recruteurs vont retourner chaque caillou pour s’assurer que Wright constitue le meilleur choix possible pour l’organisation parce que sinon, on risque d’en reparler encore en 2064…

* En raison du résultat de la loterie, l’analyse des meilleurs espoirs du repêchage par positions sera repoussée d’une journée. Jeudi, les ailiers, vendredi, les défenseurs.

« Le Canadien n’a pas le choix de repêcher Shane Wright » ou encore « le Canadien ne pourra pas se permettre d’échanger son premier choix parce que le repêchage a lieu à Montréal », entend-on depuis hier.

Le Canadien a parfaitement le droit de préférer un autre joueur, comme il a parfaitement le droit de repêcher Shane Wright au premier rang.

Est-ce vraiment manquer de respect envers le jeune homme que d’explorer toutes les avenues possibles avant de se prononcer ? N’est-ce pas manquer de respect envers les autres candidats ?

Il importe de rappeler que nous sommes en 2022, pas en 2023, où Connor Bédard constitue un choix unanime.

Le doute demeure sain et une arme importante pour une organisation. Personne n’aurait osé exclure Nolan Patrick du top cinq en 2017 après sa saison de 102 points en 72 matchs à 17 ans, un an avant son année d’admisibilité. On aurait traité de cinglés les recruteurs qui auraient choisi Cale Makar, un défenseur du junior A en Alberta, au premier rang. Patrick ne serait pas choisi avant la fin de la première ronde aujourd’hui et Makar est considéré comme le meilleur joueur de la planète.

Visionnez la vidéo de Nolan Patrick au repêchage de 2017

Alexis Lafrenière faisait l’unanimité au premier rang en 2020 : « Une soixantaine de points garantis dès sa première saison, avait osé affirmer un analyste à la télé ». Personne ou presque n’aurait osé remettre en doute ce jugement. Oser choisir Tim Stützle, Lucas Raymond, Anton Lundell, Jamie Drysdale ou même Jake Sanderson avant lui aurait provoqué les railleries.

Le jeune homme a encore le temps de devenir le meilleur joueur de sa cuvée. Mais une remise en question paraitrait moins ridicule aujourd’hui si c’était à refaire. Jeff Gorton le sait encore mieux aujourd’hui puisqu’il était à la tête des Rangers de New York cette année-là.

Visionnez la vidéo d’Alexis Lafrenière au repêchage de 2020

Personne ne doutait en 2009 lorsque Louis Leblanc était encore disponible au 18e rang. Le Centre Bell était rempli à craquer et la foule scandait déjà son nom. Leblanc était un choix logique et consensuel. Imaginez la réaction si l’équipe avait annoncé, en prenant le micro : « Le Canadien de Montréal est fier de sélectionner, de Andover High School, Massachusetts… Chris Kreider ! ». Entendez-vous les huées d’ici ?

Toujours en 2009, qui aurait osé repêcher le défenseur Victor Hedman avant John Tavares, avec ses 104 points en 56 matchs et attendu depuis plusieurs années ?

Visionnez la vidéo de Louis Leblanc au repêchage de 2009

Le travail commence à peine pour Jeff Gorton, Kent Hugues et son groupe.

Les séries juniors canadiennes ne sont pas terminées. Kingston, l’équipe de Shane Wright, qui a ajouté deux aides hier dans une défaite de 6-3, tire de l’arrière deux matchs à un contre North Bay. Dans l’Ouest, Winnipeg mène 2-1 contre Moose Jaw, quoique Conor Geekie et Matthew Savoie ne semblent pas constituer une menace pour Wright au premier rang.

Gorton, Hughes et compagnie partent pour la Finlande cette semaine pour une raison précise. Le Championnat mondial de hockey sur glace commence vendredi.

Ils auront à l’œil trois joueurs en particulier, l’attaquant slovaque Juraj Slafkovsky qui, malgré un IQ hockey inférieur à la moyenne, frappe l’imaginaire avec son gabarit à 6 pieds 4 pouces et 218 livres, sa vitesse et ses mains, et deux défenseurs droitiers, le Slovaque Simon Nemec et le Tchèque David Jiricek.

Un hic majeur dans l’évaluation cependant, plusieurs de leurs performances seront difficiles à évaluer. La Slovaquie affrontera le Canada et la Suisse, mais aussi la France, l’Italie, l’Allemagne, le Kazakhstan, le Danemark…

La Tchéquie et Jiricek auront davantage d’adversaires de valeur avec les États-Unis, la Suède, la Finlande, mais les rencontres face à l’Angleterre, la Lettonie et l’Autriche seront à prendre avec un grain de sel.

Hughes, vous l’aurez deviné, prendra une part active à ce repêchage, sans pour autant couper les ailes à ses hommes de hockey. Mais il devra se faire l’avocat du diable et garder ses recruteurs sur les talons : Shane Wright a-t-il un potentiel de développement plus grand que Cooley, par exemple ? Pourra-t-il devenir le centre numéro un auquel la majorité des observateurs le destinent ? Êtes-vous absolument certains que Jiricek ne sera pas le prochain Moritz Seider ?

Le DG du Canadien a un œil sûr et il constituera un atout. De nombreuses équipes de la LNH se mordent les doigts de ne pas avoir choisi ses poulains plus tôt : Patrice Bergeron, deuxième ronde en 2003 ; Kris Letang, troisième ronde en 2005 ; Drake Batherson, quatrième ronde en 2017.

Parait-il qu’il a aussi suggéré fortement à un copain du milieu en 2011 de ne pas louper ce kid de l’USHL, gros comme un clou, mais talentueux comme pas un. Son ami ne l’a pas écouté, pas plus que les autres clubs d’ailleurs, et Johnny Gaudreau, qui n’était pas son client, a finalement été repêché au 104e rang par Calgary…

D’ici le repêchage, Kent Hughes fera tout pour semer le doute. Il serait mal vu de dévoiler son jeu puisqu’il doit demeurer ouvert à tous les types de scénario. Afficher ses intentions lui enlèverait du pouvoir de négociations.

Peut-être, sans doute, lorsque les meetings seront terminés, les joueurs analysés sous toute leur couture, le Canadien optera-t-il pour Shane Wright. Et celui-ci procurera-t-il au CH une ligne de centre fort prometteuse pour les dix prochaines années avec Nick Suzuki.

Mais Hughes n’effectuera pas son choix pour plaire aux fans le jour du repêchage. Et c’est tout à fait sain.

Le perdant de la loterie

À l’époque où il était encore DG des Blackhawks de Chicago, Stan Bowman s’attendait à une bien meilleure saison de son équipe, surtout avec l’acquisition d’un défenseur numéro un, Seth Jones. Voilà pourquoi il n’a pas hésité, en plus de céder le jeune défenseur Adam Boqvist, 8e choix au total en 2018, et d’inverser les choix de première ronde en 2021 avec Columbus du 11e au 31e rang, à donner son choix de première ronde en 2022.

Mais les Hawks ont connu une autre saison de misère. Ils étaient sixièmes dans le classement de la loterie et les successeurs de Bowman espéraient ardemment remporter l’un des deux premiers lots puisqu’ils auraient en conséquence eu le « luxe » de transférer ce premier choix de 2022 en 2023.

Mais Chicago n’a pas gagné et doit transférer son sixième choix au total à Columbus en juillet. On a d’ailleurs pu voir le sourire radieux du DG des Blue Jackets, Jarmo Kekalainen, lorsque le logo des Hawks est apparu sur le carton tenu par Bill Daly.

Au final, Columbus obtient donc le 13e choix au total en 2021 (Cole Sillinger, déjà dans la LNH à 18 ans), le 6e choix au total en 2022, Adam Boqvist, 21 ans, 22 points en 51 matchs à Columbus cet hiver, un choix de deuxième ronde en 2021 (cédé aux Hurricanes pour le défenseur de 23 ans Jake Bean, 25 points en 67 matchs, temps d’utilisation de 20 : 34) contre Seth Jones, le 31e choix en 2021 (Nolan Allan) et un choix de sixième ronde.

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