Depuis le début des années 2000, rares sont les joueurs de la LHJMQ qui ont inscrit plus de 100 points l’année de leurs 17 ans*.

Sidney Crosby, Pierre-Marc Bouchard, Alexis Lafrenière et Jonathan Huberdeau sont de ceux qui y sont arrivés. Tout récemment, un certain Jordan Dumais s’est ajouté au groupe sélect. L’attaquant des Mooseheads d’Halifax est en feu – pas à proprement parler, quoique…

Avec 37 points à ses 12 derniers matchs, Dumais comptabilise 109 points (39 buts et 70 mentions d’aide) en 68 rencontres cette saison. Il hérite ainsi du troisième rang des compteurs du circuit. Seuls deux joueurs le devancent, soit Joshua Roy (18 ans) et William Dufour (20 ans).

« Je savais que j’étais capable, dit le principal intéressé à La Presse. Je ne peux pas voir dans le futur, mais [en arrivant à l’automne], je savais que j’avais travaillé assez fort tout l’été. J’avais de bons coéquipiers. Je savais que si j’étais constant, ce serait possible. »

Le hic, c’est que le natif de L’Île-Bizard n’apparaît qu’au 72e rang de la plus récente liste de la Centrale de recrutement de LNH, qui répertorie les meilleurs patineurs nord-américains en vue du prochain repêchage. Un classement pour le moins surprenant, considérant sa production offensive. Mais Dumais ne s’en fait pas avec ça.

« C’est juste l’opinion de quelques personnes, laisse-t-il entendre. Ce ne sont pas des vrais recruteurs qui font ces listes-là. S’ils étaient vraiment des bons recruteurs, ils travailleraient pour une équipe de la LNH. Ces classements-là, ça fait longtemps qu’ils les ont faits, mais moi, ça ne me dérange pas trop. À la fin de la journée, il n’y a que le repêchage qui importe. »

Autre fait étonnant : Dumais a été ignoré pour le match des meilleurs espoirs de la Ligue canadienne de hockey (LCH), en mars dernier. Au moment où la liste des joueurs invités a été dévoilée, il accumulait pourtant près de 70 points, loin devant tous les joueurs de cette cuvée.

« C’était un peu dommage, admet-il. Je sais que j’aurais dû y être. Mais il faut que tu utilises ça comme une motivation. Ce n’était pas cool les quelques jours qui ont suivi, mais après, tu l’oublies et tu veux juste leur montrer qu’ils ont eu tort. »

Un « joueur d’exception »

Après avoir joué bantam AAA avec les Lions du Lac St-Louis en 2018-2019, Dumais a décidé de se joindre à une prep school américaine. Il y a passé une saison, amassant 125 points en 52 matchs. Il a ensuite été sélectionné au premier tour par les Mooseheads. Selon l’entraîneur-chef de la troupe d’Halifax, Sylvain Favreau, ce parcours « atypique » peut expliquer son classement en vue du prochain repêchage.

« Ça a fait en sorte qu’il était un peu sous le radar quand il est arrivé dans la Ligue l’an passé », explique-t-il.

« Mais l’effet contraire, c’est que beaucoup d’équipes de la LNH sont contentes parce que le plus longtemps tu peux être dans l’ombre… […] Ça peut tourner à son avantage », indique-t-il.

PHOTO TREVOR MACMILLAN, FOURNIE PAR LES MOOSEHEADS D’HALIFAX

Jordan Dumais a récolté 37 points à ses 12 derniers matchs.

Parmi les questionnements souvent soulevés au sujet de Dumais, il y a son gabarit (5 pi 9 po et 165 lb) et son coup de patin.

« Ce n’est pas le coup de patin le plus fluide, mais il est très rapide, soutient Favreau. Des fois, il ne faut pas juger un livre par sa couverture. […] C’est un joueur d’exception. Pour avoir 105 points en une saison, être égal avec un gars comme Jonathan Drouin, c’est incroyable. Il faut qu’il fasse quelque chose de bien quelque part. »

Favreau fait partie de l’organisation des Mooseheads depuis cinq ans. De tous les joueurs qu’il y a côtoyés, Dumais est celui qui l’a le plus impressionné par sa vision du jeu, dit-il.

« C’est un gars qui voit la patinoire au complet. Il est capable de faire des jeux magnifiques, mais aussi de compter des buts. Il a un très bon tir du poignet, qu’il utilise beaucoup, et ça l’aide pour marquer. Mais c’est un jeune qui travaille extrêmement fort. Ça commence dans les entraînements. Il ne veut jamais se faire battre à un contre un. »

Dumais a joué sa première saison junior en 2020-2021, à 16 ans, alors que la pandémie a forcé le circuit Courteau à adapter son calendrier. Les Mooseheads n’affrontaient donc que les équipes des Maritimes.

« Ç’a vraiment aidé nos jeunes joueurs à se challenger et à se familiariser beaucoup plus rapidement parce que Charlottetown a toujours une équipe très forte, raconte Favreau. […] Il [Jordan] est arrivé cette année avec beaucoup de confiance. »

Le jeune homme abonde dans le même sens : « Après une première année junior, c’est là que tu t’améliores le plus, que tu réalises ce que tu dois améliorer l’année suivante. Tu dois devenir meilleur. Il y avait la maturité, aussi. Je voulais prendre de la masse, travailler sur mon lancer, des choses comme ça. »

Repêchage

Dumais, un anglophone qui s’exprime très bien en français, a déjà rencontré plus d’une vingtaine d’équipes en vue du repêchage. Il dit avoir de « bons feelings » par rapport à certaines d’entre elles et affirme avoir reçu des conseils intéressants de certains recruteurs.

Quand on lui demande s’il se soucie de son rang de sélection, le jeune homme soutient que non, tout en précisant qu’il aimerait bien que son nom sorte avant le 5e tour. « Je ne peux rien y faire », ajoute-t-il cependant.

Quoi qu’il arrive, son entraîneur n’est pas inquiet de le voir faire sa place chez les professionnels. « Il veut être un joueur de hockey, tu le vois. C’est ce qu’il veut faire », lance Sylvain Favreau.

*Par 17 ans, nous considérons les joueurs qui ont amorcé la saison à 17 ans.